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L'inversion de la causalité.

Georges Lane Publié le 12 mai 2010
6532 mots - Temps de lecture : 16 - 26 minutes
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Aujourd'hui, d'un côté, les hommes de l'Etat dans l'Union européenne et, plus exactement, dans les pays de l'euro, n'ont de cesse de vouer aux gémonies le marché financier pour le mal qu'il occasionnerait. De l'autre, eux-mêmes n'ont eu que faire des règles de l'euro dont ils étaient convenus - par exemple, "critères de Maastricht" et "pacte de stabilité -, dont ils avaient vanté les mérites aux peuples, dont ils avaient même fait l'apologie et qu'ils avaient fait voter par les peuples ou les élus de ceux-ci. Il faudrait en finir une bonne fois pour toutes avec cette situation. Sans marché financier, où seraient-ils parvenus dans leur utopie quotidienne destructrice du déficit ? Ils n'auraient même pas pu faire un pas dans la voie contre nature - celle des déficits permanents - où ils se sont engagés. Le marché financier leur a donné l'opportunité d'y cheminer un temps vraisemblablement parce que ses opérateurs savent, eux, que personne n'est omniscient ou mieux informé que qui que ce soit d'autre - le contraire de ce qu'ils colportent à qui mieux mieux -, qu'il ne faut pas être aveugle et s'opposer a priori à des projets, même ceux qui peuvent sembler farfelus - le contraire du prétendu principe de précaution qui leur est si cher -. Aujourd'hui, c'est apparemment fini. Le processus du marché financier a mis de côté sa docilité et son bon vouloir et fait connaître la réalité en affichant des décalages de prix en monnaies ou de taux d'intérêt importants, informant de pertes à attendre toutes choses égales par ailleurs (cf. ci-dessous). Nos hommes de l'Etat s'en émeuvent. Bien leur en prend. Mais mal leur en prendra s'ils essaient d'instaurer des réglementations supplémentaires pour, à les entendre, protéger contre l'action des "spéculateurs", cause, selon eux, de tous les maux. Ce sont eux et leurs déficits les spéculateurs "au mauvais sens du terme". Et ce sont eux dont justement le fonctionnement du marché financier veut se débarrasser et affranchir les contribuables. Il ne faut pas les laisser impunément inverser la causalité. 1. L'ajustement économique. Les relations économiques difficiles, troublées se sont toujours dénouées un jour dans l’autre, dans l’histoire, quelle que soit la cause du trouble, par des variations des prix en monnaies et par des variations des quantités de biens « non monnaies ». Soit dit en passant, les prix en monnaies ne sont jamais que des quantités de monnaies échangeables ou échangées contre des biens «non monnaies», des quantités de «pouvoirs d’achat», et non pas d’abord des «variables»… à opposer aux quantités de biens «non monnaies». Les variations de quantités de biens « non monnaie » correspondent, elles, à des appauvrissements plus ou moins importants des gens (baisses des revenus ou des capitaux accumulés). Il en sera ainsi du dénouement des relations économiques troublées actuelles. L’économie mondiale comporte aujourd’hui des Etats qui coopèrent plus ou moins et des banques centrales qui font de même. Hier, dans la première moitié du XXème siècle - pour ne pas remonter trop loin dans le passé -, les banques centrales avaient, chacune, reçu un privilège de tutelle de la monnaie de leur pays qui s’articulait au bien «or» : chaque monnaie avait un prix en or qui pouvait varier; elle avait aussi des prix en n’importe quelle monnaie à certaines conditions. Selon certains, ces variations stabilisaient automatiquement les relations et interdisaient les troubles, selon d’autres, elles contraignaient. Aujourd’hui, parce que les banques centrales ont abandonné la référence à l’or, chaque monnaie a des prix en n’importe quelle autre monnaie sans condition. Selon les uns, les variations stabilisent, selon les autres, elles déstabilisent. Hier comme aujourd’hui, un Etat a un budget en déficit quand ses dépenses sont supérieures à ses recettes, à ses prédations. Pour que le déficit acquière une réalité à un instant t, il faut que l’Etat émette des emprunts de monnaie d’un montant égal au montant du déficit et donc que des créanciers les souscrivent. Sinon, le déficit n’acquiert aucune réalité, les dépenses sont limitées de fait par les recettes. Bref, sans marché financier, pas de déficit. Les budgets sont périodiques et se suivent dans le temps. Une succession de déficits n’inspirent pas de méfiance aux créanciers de l’Etat jusqu’au jour où la méfiance s’installe… Alors, les créanciers cherchent à se débarrasser des créances et, s’ils y parviennent, on constate une baisse de leurs prix, voire un "effondrement" de ceux-ci. Soit dit en passant, dans les bilans comptables d'activité, les créances enregistrées à l’actif sont de fait surévaluées et des provisions pour pertes sont constituées. Si ces pertes ne sont pas compensées par des gains liés à l’activité, les créanciers supportent des pertes de patrimoine qui peuvent les conduire à de grandes difficultés (cf. ci-dessous). Surtout, dans ce cas, pour son dernier déficit annoncé, l’Etat en question n’a plus de créancier. En conséquence, non seulement il ne peut plus avoir en réalité de dépenses supérieures aux prédations, mais encore il doit consacrer une part accrue des dépenses aux paiements des dettes en circulation (intérêt et principal "comme on dit"). Prenons l'exemple actuel de la Grèce. Comme tout Etat, son Etat a des paiements en monnaie à faire prochainement. Mais des observateurs, voire des créanciers s'attendent à ce qu'il n'ait pas la capacité de les effectuer : selon eux, il n'aura pas la quantité de monnaie nécessaire et il n'aura pas la capacité de l'obtenir à des conditions "honnêtes". Dès à présent, il emprunte de la monnaie à court terme à des taux d'intérêt de plus en plus élevés. Les hommes de l'Etat des Etats des autres pays de l'euro s'en inquiètent. 2. Faillite ou cessation de paiements. Un Etat ne peut pas faire "faillite" car la faillite est du ressort du droit privé, car elle est une notion de droit privé comme le sont les notions d’insolvabilité, de banqueroute, de dépôt de bilan, de règlement judiciaire. Au début du XXème siècle, l’Etat de la Russie. n'a pas fait faillite, mais l'Etat de la nouvelle U.R.S.S. n'a pas honoré ses engagements en matière d'emprunts, ce qui est revenu au même pour les créanciers. En d'autres termes, il a cessé ses paiements. Fin de la décennie 1980, l'Etat de l'U.R.S.S. n'a pas fait faillite, mais son "assiette", l'Union, s'est dérobée "sous ses pieds" et les Etats de celle-ci, désormais séparés et indépendants, ont honoré les engagements qu'ils pouvaient avoir, chacun de leur côté, dans l'Union. Il y a même eu le simulacre du remboursement des "emprunts russes", non honorés au début du siècle, par l'Etat de la Russie. Néanmoins, le fait qu’un Etat cesse de faire des paiements a des conséquences comme celle d’occasionner des troubles et, le cas échéant, de provoquer des faillites des personnes de droit privé, ses fournisseurs ou ses créanciers (au nombre desquels ses clients). D’une façon générale, ne pas respecter des règles qu’on s’était engagé à respecter est source de troubles. Il en est ainsi qu'on soit personne juridique physique ou morale, privée ou publique. Et les hommes de l’Etat des Etats des pays de l’euro n’ont pas respecté les règles qu’ils s’étaient engagés à respecter – "critères de Maastricht" et autre "pacte de stabilité" -, peu importent les raisons qu'ils se sont échinés à trouver pour se justifier. Et les troubles sont là aujourd'hui, en Grèce et dans les marchés financiers organisés dénommés "bourses". Ils le sont peut-être d’autant plus que nos hommes s’escriment à vouer aux gémonies le marché financier dont la mansuétude à leur égard leur a donné la capacité de ne pas respecter leurs engagements. Quitte à admettre que les banquiers centraux sont les prêteurs de dernier ressort, il faut reconnaître que, comparativement, les hommes de l’Etat sont les fauteurs de troubles de premier ordre. Au nombre des troubles (et pour ne pas citer les guerres qu'ils ont déclarées), il y a les faillites potentielles des entreprises fournisseuses ou créancières de l'Etat en cause, que chacun peut imaginer et dont le marché financier informe au travers des échanges qui y sont menés et des prix et taux d’intérêt qui y sont conclus. Ces faillites potentielles sont autant de destructions de richesses potentielles qui sont en compte "dans les cours" dès que le doigt est mis dessus… 3. La monnaie en tant que telle est oubliée. Pour sa part, la monnaie n'est pas le fait des hommes de l'Etat. Elle n’est pas tombée non plus du ciel, ni n’a été découverte comme peut l’être une loi de la physique, mais elle a résulté de l’action humaine. 3.A. Théorie de la monnaie... Soit dit en passant, dès lors qu’on exclut de la théorie économique cet élément explicatif, comme le font les théories autres que la théorie "autrichienne", on est dans l’impasse. Rien ne justifie néanmoins de confondre, comme le font certains, la "théorie de la quantité de monnaie" et la "théorie de la monnaie"… pour en sortir. A cet égard, il convient de distinguer la "théorie de la monnaie" et la "théorie monétaire". La théorie monétaire a été définie précisément en 1948 selon Harry Johnson (1962) comme l’ensemble des théories concernant l’influence de la quantité de monnaie dans le système économique. La théorie de la monnaie a connu, pour sa part, une renaissance sous sa forme "théorie de la quantité de monnaie" avec Milton Friedman (1956) et l’essor du "monétarisme". Mais il n’existe pas de "théorie de la qualité de monnaie" établie, reconnue, comme le note par exemple P. Bagus (2009). 3.B. De l'échange libre à la monnaie. L’action qui a présidé à la monnaie a été d’abord l’échange libre de biens. Toute action a un coût d’opportunité et est profitable dès lors qu’elle est menée librement. L’échange de biens voit son coût réduit par l’emploi d’une quantité du bien récurrent dans les échanges, qui va être dénommé "monnaie". Les biens "monnaie" originels ont varié d’un pays à un autre, d’une civilisation à une autre. Dans l’Europe occidentale du second millénaire, l’argent et l’or ont dominé comme biens "monnaie" jusqu'au début du XXème siècle. Le coût de l’échange n’a pas été réduit à zéro et les gens ont mené des actions – actions autres que l’échange - avec succès pour le réduire encore. Le bien originel "monnaie" est apparu en conséquence, rétrospectivement, n'être qu'une forme de monnaie à quoi d’autres formes ont été substituées ou juxtaposées p...
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