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La Doctrine du Plein Emploi détruit sous nos yeux ce qui reste de la civilisation de l'Occident

Jacques Rueff Extrait des Archives : publié le 20 février 1976
3765 mots - Temps de lecture : 9 - 15 minutes
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Article de Jacques Rueff paru dans Le Monde les 19 et 20/21 février 1976. Version anglaise: "The End of the Keynesian Era or: When the Long Run Ran Out", Euromoney, avril 1976, pp.70-7). L'article a été réédité sous une forme plus longue intégrant le texte de 1931 sur le "chômage permanent" dans Emil-Maria Claassen et Georges Lane (eds.), Oeuvres complètes de Jacques Rueff, Tome III: Politique économique, livre 1, Plon, Paris, 1979, pp. 161-178. I. "Le chômage, les salaires et les prix". Le Monde, 19 février 1976 Keynes a proposé en 1936 une politique propre à libérer le monde du fléau que constituait le chômage permanent. Je demande qu'on ne me fasse pas l'injure de penser que je parle légèrement de son entreprise. C'était une fin désirable entre toutes que de porter remède à un mal qui avait semé la désolation et la ruine dans tant de foyers, notamment en Angleterre où, entre 1923 et 1930, le nombre des travailleurs sans emploi avait varié entre un million quinze mille et deux millions six cent mille. Mais un remède n'est utile qu'autant qu'il n'entraîne pas des conséquences indirectes aussi graves que le mal auquel il tend à parer, conséquences propres à le priver de tout résultat bénéfique pour ceux-là mêmes dont il tend à atténuer les souffrances et à alléger la peine. Pour porter jugement, après quatre décennies d'application, sur le remède keynésien, une analyse objective est indispensable. C'est elle qui sera tentée ici. Avant Keynes, on tenait le chômage généralisé pour un accident temporaire, lié au rythme de l'activité économique. On avait constaté que celle-ci était soumise à des variations cycliques, marquées par des alternances de baisse et de hausse du niveau général des prix. On observait que la baisse du niveau général des prix, caractéristique des périodes de dépression, n'affectait pas immédiatement le niveau des salaires. De ce fait, elle augmentait le "salaire réel", quotient de l'indice des salaires par l'indice du niveau général des prix. On sait que, sur tous les marchés, la hausse d'un prix particulier relativement à l'ensemble des prix diminuait la demande et augmentait l'offre dont le produit intéressé était l'objet. Le décalage entre les mouvements respectifs du prix du travail et du niveau général des prix suscitait un chômage qui, habituellement, par ajustement des salaires au niveau abaissé des prix de vente. Il va de soi que ce processus de courte période n'était pas exclusif d'une hausse progressive et continue des salaires en fonction des augmentations de productivité. Dès qu'apparut le chômage anglais, distinct par sa soudaineté, sa durée et son ampleur des chômages afférents aux crises périodiques antérieures, je me préoccupais de soumettre à l'épreuve des faits l'explication classique, partout enseignée et jamais mise en doute. La cause essentielle du chômage Le 10 décembre 1925, je publiais dans la Revue politique et parlementaire une étude intitulée: "Les variations du chômage en Angleterre" Cette étude révélait, pour la période 1919-1925, une corrélation quasi-totale entre les variations du rapport salaires-prix – autrement dit, du salaire réel – et du chômage. Par là, elle confirmait avec une étonnante précision la théorie classique. Qu'il me soit permis de marquer en passant, pour l'histoire des idées, que ma publication antérieure de près d'un an à celle où, selon Milton Friedman, Irving Fisher aurait révelé, en juin 1926, dans l'International Labour Review, "une relation entre le chômage et les variations de prix". Il était important de savoir si la corrélation que j'avais dégagée était un accident temporaire ou l'image d'un phénomène durable. A cette fin, en 1931, je repris la même recherche. Elle témoigna d'une corrélation aussi étroite que la précédente. Mon article provoqua de vives polémiques. L'illustre économiste Sir Josiah Stamp — qui devint ultérieurement lord Stamp, avant de mourir pendant la guerre, à Londres, au cours d'un bombardement aérien — en publia dans le Times des 11 et 12 juin 1931 de larges extraits. Dans le même journal, l'éditorial du du 12 juin présenta un commentaire sous le titre "Work Wages and the Dole" (travail, salaires et indemnité de chômage). Ces articles projettent de vives lumières sur le problème. C'est un fait très paradoxal et en apparence contraire à toutes les lois économiques que les salaires aient pu rester rigoureusement invariables, alors que l'offre de main-d'œuvre dépassait aussi largement et d'une manière permanente la demande de travail. Mais le paradoxe n'était ici qu'apparent. Depuis 1911, en effet, il existait en Angleterre un système d'assurance-chômage, qui donnait aux ouvriers sans travail une indemnité connue sous le nom de "dole". La conséquence d'un pareil régime était d'établir un certain niveau minimal de salaire, à partir duquel l'ouvrier était incité à demander la "dole" plutôt qu'à travailler pour un salaire qui ne lui vaudrait qu'un excédent assez faible sur la somme qu'il recevait comme chômeur. Il semble bien qu'au début de l'année 1923 les salaires, qui suivaient en Angleterre la baisse des prix, soient venus buter contre ce niveau d'équilibre. Ils se sont brusquement arrêtés dans leur chute et, depuis ce moment, ils ont pratiquement cessé de varier. En fait, d'ailleurs, le niveau des salaires est pratiquement celui qui résulte des contrats collectifs de travail ; mais il est évident que la stricte obédience à des contrats laissant subsister un nombre important de chômeurs n'aurait pu être maintenue sans subvention aux ouvriers privés d'emploi. Soulignons que, pour que cette analyse soit exacte, il n'est pas nécessaire que le salaire soit abaissé au niveau de la "dole". En général, il sera immobilisé à un niveau supérieur. C'est seulement le montant de la différence qui fera obstacle, à partir d'un certain niveau, à l'acceptation d'une éventuelle diminution du salaire. Suivant les calculs de sir Josiah, le coefficient de corrélation entre les deux courbes (salaire réel et chômage) n'est pas inférieur à 95% pour la période 1919-25, "plus élevé, dit-il, qu'aucune corrélation jamais...
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