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La retraite pour les nuls : 5 - Répartition vers capitalisation, l'impossible transition ?

Vincent Bénard Publié le 27 avril 2008
3926 mots - Temps de lecture : 9 - 15 minutes
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Objectif Liberté

Résumé des épisodes précédents : Après avoir montré sans grande difficulté que notre actuel système de retraite par répartition à prestations définies était incapable de faire face à ses engagements (ep.2), qu'un système de retraite par points, à répartition et à cotisations définies, pouvait résoudre bien des problèmes (solvabilité, équité, liberté du choix de l'âge de fin d'activité) mais ne ferait pas de miracle en terme de montant des pensions servies si notre croissance démographique et économique restait atone (ep.3), après avoir vu qu'une retraite par capitalisation promettait des montants de pension raisonnablement plus importants, avec un niveau de risque plus élevé (ep. 4), vous vous demandez légitimement, cher lecteur (cher, car rare !), s'il serait d'une part possible, ensuite souhaitable, de passer d'un système de retraite par répartition à un système par capitalisation. Avouons le tout de suite, cette partie est souvent mal traitée par la web-sphère libérale française. Entre des hypothèses de taux de rendement parfaitement insoutenables à long terme (nous l'avons vu lors de l'épisode précédent et en rajouterons une couche plus loin), et l'argument choc comme quoi "ils l'ont bien fait au Chili !", certains partisans de la capitalisation intégrale sombrent en général dans le Yaka-Fokon de bas étage dès lors que l'on touche au problème de la transition. "La transition est un faux problème", nous disent ils. Ah bon. Voyons ensemble en quoi consiste ce "faux problème", avant de voir comment le Chili l'a effectivement, résolu. Le fondement du problème Si, du jour au lendemain, tous les cotisants au système par répartition se mettent à capitaliser, alors les retraités actuels n'auront plus de recettes pour payer leurs pensions, et les personnes entrant dans la capitalisation en milieu ou en fin de carrière ne mettront que peu d'argent de côté, ce qui ne leur permettra pas de disposer d'une retraite digne de ce nom. Même si la capitalisation ne concerne que les nouveaux entrants, la baisse régulière des la base de cotisants pose le problème du paiement des pensions des dernières générations de retraités avant le basculement d'un régime à l'autre: il arrivera un moment où des pensions devront être versées à des personnes qui ont « cotisé pour les autres », alors que les génération suivantes ne cotiseront que pour elles mêmes. Les adversaires de toute forme de capitalisation en déduisent qu'en cas de changement de système, les futurs cotisants doivent payer deux fois: pour eux mêmes et pour les retraités actuels et retraitables dans un futur plus proche que le leur, ce qui pourrait amener leur taux de cotisation à des niveaux tout à fait insupportables. Autrement dit, la génération qui supporterait le changement de système devrait payer deux fois. Ce à quoi les pro-capitalisation répondent : "Le Chili, le Chili, le Chili, vous dis-je". Confronté à cette difficulté, comment le Chili a-t-il réussi en s'en accommoder ? Transition au Chili Tout d'abord, afin d'éteindre tout de suite une polémique que ne manquerait pas de lancer un éventuel très rare lecteur de gauche (donc très très cher !), oui, la réforme des retraites au Chili a été organisée sous le régime autoritaire tout à fait détestable par bien des aspects du général Pinochet. Cela n'empêche en rien que cette réforme ait eu des effets économiques positifs, surtout à long terme, et que les gouvernements démocratiques qui ont pris la suite se soient bien gardés de la remettre en cause. Bref, une réforme intéressante ne devient pas interdite d'évocation simplement parce que le régime qui l'a promulguée était tout sauf enviable. Fin de la parenthèse. Dès le milieu des années 70, les économistes qui travaillaient avec Pinochet se rendirent compte que le système de retraite par répartition, qui fonctionnait à peu près sur le même mode que le système que nous connaissons aujourd'hui en France, allait dans le mur, pour les mêmes raisons démographiques. Dès 1980, il fut donc décidé d'en changer pour une capitalisation. Toutefois, même le plus autoritaire des régimes savait que la retraite était un sujet sensible qui pouvait provoquer la chute du régime si la réforme proposée créait trop de mécontentement. Il fut donc décidé que d'une part, tous les droits à retraite acquis seraient honorés, et d'autre part, que les personnes ayant déjà commencé à cotiser dans le cadre du système par répartition auraient le choix entre continuer dans ce système, ou changer et intégrer le système par capitalisation nouvellement créé. Afin que ceux qui intègrent la capitalisation en milieu de carrière ne soient pas pénalisés, l'état Chilien leur remit une créance appelée « bon de reconnaissance », un à-valoir correspondant aux droits acquis dans l'ancien régime par répartition, rémunéré par l'état à 4% net, que l'état s'engagea à payer quoiqu'il arrive. L'état dût donc provisionner un fonds pour tenir cet engagement. Celui ci fut abondé à la fois par une taxe de 10% sur les salaires, correspondant à un maintien à l'identique du coût total employeur, les nouvelles cotisations salariales nécessaires pour financer la retraite par capitalisation étant plus faibles que celles prélevées dans le cadre de la répartition. Comme cela n'aurait pas suffi, l'état Chilien s'est lancé dans un grand programme de privatisations, dont les produits ont alimenté la caisse de garantie, et dans un vaste programme d'économies budgétaires, dont une partie des produits ont également abondé ladite caisse. En quelque sorte, au lieu de financer uniquement sur les cotisations sociales le double paiement des retraites par répartition et par capitalisation, l'état a provisionné la transition sur son budget général, en mobilisant toutes les ressources qu'il pouvait trouver, de façon à ne pas augmenter le coût apparent du travail. Bref, il a fallu que l'ensemble des contribuables paie deux fois les pensions pendant la transition, ce qui n'a été possible que grâce à un plan d'économies drastique de l'état permettant de le faire sans augmenter les taxes. Visiblement, le calcul était payant, puisque plus de 9 chiliens sur 10 ont, à ce jour, abandonné le régime par répartit...
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