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La statue à ti-poil

Martin Masse Publié le 12 mai 2001
1827 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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Le Quebecois libre

Ce n'est sans doute pas une coïncidence si, alors que l'Église perdait le contrôle de ses institutions, son influence et ses ouailles pendant les années 1960 et 1970, l'État acquérait en parallèle un prestige et accumulait un pouvoir sans précédent. La plupart des gens ont besoin de croire en une entité surnaturelle qui les guide et leur dit quoi faire et lorsque le petit Jésus et ses évêques ont perdu leur aura, ce sont l'État, ses politiciens et ses technocrates qui se sont revêtus des atours de l'autorité aussi bien temporelle que spirituelle. Les hommes d'État qui ont exercé ce pouvoir ont alors eu tendance à devenir sinon des dieux eux-mêmes, à tout le moins des saints, des surhommes, des géants. Se servir des « leviers de l'État » pour imposer par la force telle ou telle direction à la société et à la nation, dans ce nouveau catéchisme, c'est faire preuve de majesté et de grandeur et mériter une place au panthéon des « hommes qui ont marqué le cours de notre histoire ». Lorsqu'ils démissionnent ou qu'ils décèdent, leur mythe prend des proportions littéralement gigantesques. Ils deviennent rétrospectivement des guides cosmiques pour le peuple de brebis égarées, des « hommes qui ont marqué tout une génération », des esprits « qui ont incarné l'espoir de toute une nation ». C'est ce qui est arrivé il y a quelques mois lorsque le démagogue nationaliste Lucien Bouchard a quitté son poste de premier ministre du Québec (voir LUCIEN BOUCHARD, ENTRE LE CHARISME ET LA DÉMAGOGIE, le QL, no 75, et HE WAS NO GIANT) et l'année dernière lorsque le socialiste centralisateur Pierre Trudeau a quitté ce monde (voir L'HÉRITAGE EMPOISONNÉ DE PIERRE TRUDEAU, le QL, no 68). Saint Ti-Poil L'ex-premier ministre péquiste René Lévesque, au pouvoir de 1976 à 1985, est sans doute l'homme d'État dans notre histoire récente qui se rapproche le plus de cet idéal de sainteté étatiste. On l'a qualifié de « père de la nation québécoise » pour avoir fondé le mouvement, transformé ensuite en parti, qui a lutté pour la séparation du Québec depuis plus de trois décennies. C'est aussi alors qu'il était au gouvernement (comme ministre libéral dans l'« équipe du tonnerre » de Jean Lesage au début des années 1960) que l'État provincial a débuté le mouvement soutenu d'expansion dans toutes les sphères d'activité économique et sociale que l'on a appelé la Révolution tranquille. Le vice-président du Parti québécois, Fabien Béchard, décrivait ainsi son idole dans un texte diffusé en 1997, lors du 10e anniversaire du décès de Lévesque, texte qui exprime le mythe historique central du nationalo-étatisme tel qu'il s'est imposé ces dernières décennies (voir L'EXEMPLE DU PASSÉ QUÉBÉCOIS À L'ORÉE DU 21e SIÈCLE, le QL, no 73): Jusqu'en 1960, le Québec avait pris du retard. Nous vivions dans une société cléricale, peu scolarisée, antisynd...
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