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Le « bouclier fiscal » : quand un arbitraire fiscal rencontre un autre arbitraire fiscal…

Georges Lane Publié le 07 avril 2010
5062 mots - Temps de lecture : 12 - 20 minutes
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1. Du bouclier... «L'épée que la malice met aux mains des assaillants serait impuissante si le sophisme ne brisait pas le bouclier aux bras des assaillis; et c'est avec raison que Malebranche a inscrit sur le frontispice de son livre cette sentence: l'erreur est la cause de la misère des hommes.» écrivait, en 1845, Frédéric Bastiat dans Sophismes économiques, chap. XXII . Mais quand le bouclier est fait d’un engagement d'hommes de l’Etat, comme l’est le "bouclier fiscal", le sophisme s’avère inutile. Arbitraire, le "bouclier" est défait, sans coup férir, par l’arbitraire. Le « bouclier fiscal » n’est en effet qu’un arbitraire fiscal pondu en 2007 par la majorité parlementaire du moment. Il limite le montant de l’impôt dont l’assiette est le ou les revenus annuels et le capital, à 50% du montant de cette somme (je n’entre pas dans le détail… et les particularités). Par définition, il s'oppose à d'autres arbitraires fiscaux contre quoi il tend à protéger. Mais ses concepteurs ne sauraient tout prévoir et avoir ajusté sa forme à tout ce qui peut arriver, à tout ce qu'il peut rencontrer. D'ailleurs, ils l'ont subodoré et ne l'ont pas inscrit dans la Constitution de la Vème République. Il faut rappeler qu'a amené à cette situation l'idée que l’impôt est le moyen par lequel l’ensemble des individus composant l’Etat paie les dépenses qu’entraîne la décision qu’une catégorie de dépenses publiques ne serait pas payée par les usagers bénéficiaires du service public (cf. Jèze, Finances publiques, 1932, p.3). Selon Gaston Jèze – l’homme de l’Ecole juridique dite du "service public" -, l’Etat est à définir comme la "forme supérieure de la vie en société" (cf. ibid.). L'idée a conduit les hommes de l'Etat à instaurer, dans la décennie 1910, l'"impôt sur le revenu" - qui n'a donc pas encore cent ans - puis, dans la décennie 1940, les cotisations obligatoires du para Etat créé pour l'occasion qu'est l'organisation de la sécurité sociale, puis encore l'ignominie instituée dans la décennie 1980 et dénommée d'abord "impôt sur les grandes fortunes", ensuite "impôt de solidarité sur la fortune", et complétée, dans la décennie 1990, par la C.S.G. puis la C.R.D.S. Bien évidemment, avec ses acolytes et disciples, Gaston Jèze est à mille lieues de Frédéric Bastiat et de ses disciples pour qui : "L'État, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde". (Frédéric Bastiat, 1848) En tous les cas, il saute aux yeux que l’impôt et son évolution reposent sur un arbitraire qui résulte non de la raison individuelle mais de la violence des uns, des puissants du moment, faite aux autres, aux faibles. A la racine de l’arbitraire, se trouve l'idée fausse que le service public(1) ne saurait être produit par des personnes juridiques de droit privé. (1) A savoir police, justice, voirie, etc., bref, des considérations dont la liste s’allonge en permanence et a été allongée jusqu’à aujourd’hui inclus. Et à coup sûr, ce n'est pas fini. Se trouvent aussi les avocats de l’expression qui se demandent si les dépenses qu’il occasionne doivent être ou non couvertes avec des recettes (dénommées en l’espèce "taxes") versées par les usagers du service. 2. ... A L'Arbitraire fiscal. Plus près de nous, il n'y a qu'une génération, Pascal Salin (photographie ci-dessous) a écrit un livre qui porte sur le sujet et le met à plat : c’est L'Arbitraire fiscal (Robert Laffont, coll. Liberté 2000, Paris, 1985). Il le résumait lui-même en ces termes : « Le bricolage fiscal caractérise la structure des impôts dans un pays comme la France. Les impôts résultent de décisions parcellaires, prises en fonction d'intérêts électoraux ou de conceptions superficielles. Ils ne répondent, par conséquent, à aucun critère valable de justice et donc d'efficacité. Partout dans le monde on se préoccupe de la réforme fiscale. Pour que celle-ci ait un sens, il faut qu'elle repose sur des principes moraux et des conceptions de théorie économique rigoureuse L'Arbitraire fiscal vise à fournir des principes de cet ordre. Plus précisément, il recherche comment concilier une approche individualiste de la société avec les décisions collectives qui sont à l'origine de l'impôt. L'ouvrage s'interroge donc, évidemment, sur la nature du phénomène étatique, dont la fiscalité est un instrument majeur. Il s'ouvre par un chapitre sur le rôle de l'Etat et se termine par une réflexion sur les moyens de réformer l'impôt pour qu'il réponde mieux à une vieille exigence: celle du consentement à l'impôt. Les chapitres intermédiaires abordent des problèmes plus spécifiques. Parmi les thèmes essentiels de l'ouvrage, on peut relever les suivants: - Une critique radicale de la notion de progressivité de l'impôt. Celle-ci est généralement considérée comme l'expression de la "justice fiscale". Il est montré qu'il n'en reste rien et que la progressivité est simplement la conséquence des mécanismes du "marché politique". - La surtaxation de l'épargne, qui constitue l'une des causes majeures de la "crise économique". L'impôt sur le revenu est un impôt sur l'épargne et il conviendrait donc de le remplacer par un impôt général sur la dépense (c'est à dire un impôt déclaratif où l'épargne serait soustraite de l'assiette de l'impôt). Les implications d'une telle réforme sont étudiées en détail et permettent d'aboutir à une conception unifiée de l'impôt, au lieu du "patchwork" actuel où des impôts multiples aboutissent à des spoliations considérables et à des distorsions aussi importantes que mal connues. L'impôt sur le capital et les droits de succession font évidemment l'objet d'une attaque vigoureuse. - L'ouvrage souligne le caractère caché de beaucoup d'impôts. Ainsi, il est mythique de croire que les entreprises "paient" des impôts. Les impôts sont toujours payés par des personnes. Mais les hommes politiques ont évidemment intérêt à cacher le poids réel de l'impôt, au mépris des règles de transparence qui devraient inspirer le fonctionnement d'une démocratie. Au passage, plusieurs impôts sont examinés, par exemple la T.VA. ou les impôts sur les plus-values, mais toujours dans le cadre d'une conception théorique et éthique unifiée. L'Arbitraire fiscal n'est donc pas un livre de technique fiscale, il n'est pas non plus un pamphlet contre l'impôt. Il constitue une réflexion en profondeur sur le phénomène fiscal et sur le phénomène étatique. Il fournit un cadre à toute discussion sur la réforme fiscale et il a donc d'importantes implantations pratiques.» (Pascal Salin, 1988) Le livre a fait l'objet d'une deuxième édition sous le même titre L'Arbitraire fiscal, par les éditions Slatkine, en 1996, avec, cette fois, une préface de Alain Madelin, feu bref ministre de l’économie et des finances en 1995. Mais il y a eu aussi, cette fois, une publication simultanée d’un ouvrage complémentaire de Philippe Lacoude et Frédéric Sautet (eds.) intitulé Action ou taxation (le défi fiscal français) (avec une préface de Jacques Raiman), renfermant, entre autres, des études économétriques à l’appui de certains points évoqués par Pascal Salin. 3. Mes commentaires. En 1988-89, j'ai eu l'occasion de faire deux commentaires du livre qui sont reproduits ci-dessous. 3.A. "Liberalia". En juillet 1988, j’ai écrit une brève «Etude et critique de l'ouvrage» pour un périodique mensuel Liberalia , aujourd’hui disparu. Je la reproduis ci-dessous. « Les ouvrages sur la fiscalité sont dans leur grande majorité de deux types : il y a ceux dans lesquels, non initié, on hésite à pénétrer sous prétexte que, dès les premiers paragraphes, on est précipité dans les labyrinthes du "droit fiscal", et ceux qui tentent de vous faire vénérer le dogme de l'impôt juste comme pour mieux conférer à l'Etat la fonction de grand prêtre du culte. Bien évidemment, certains sont à cheval sur les deux catégories précédentes et d...
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