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Le logement social remplit-il sa mission sociale ?

Vincent Bénard Publié le 08 décembre 2008
4799 mots - Temps de lecture : 11 - 19 minutes
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Objectif Liberté

Extrait du chapitre I de mon livre, "Logement, crise publique, remèdes privés". Déjà publié sur "crise publique" fin 2007. Le logement social, solution du problème du logement, ou problème sans solution ? Il est évident que la vocation première des organismes HLM devrait être de loger en priorité les ménages aux revenus les plus modestes. En croisant plusieurs données disponibles sur le site internet de l'INSEE, on s'aperçoit que cet objectif est loin d' être atteint. L'INSEE divise les ménages en catégories (très modestes, modestes, autres), en fonction de la classe de revenus par personne à laquelle ils appartiennent. Les ménages très modestes sont ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (50% du revenu médian), soit selon les derniers chiffres publiés, les 11% les plus pauvres. Les ménages "modestes" sont arbitrairement désignés comme les ménages compris entre les 11% et les 30% plus modestes. En approfondissant les recherches, on peut également trouver des statistiques sur les ménages "moyens" (revenus supérieurs aux 30% les plus pauvres et inférieurs à la moitié la plus aisée) et les ménages « autres », la moitié aux meilleurs revenus. Il apparaît que la répartition des ménages entre le parc locatif social (HLM) et le parc locatif privé est la suivante (en 2003) : Parc HLM, en milliers Parc locatif privé, en milliers Ménages très modestes, P(0-11) # 900 # 700 Ménages modestes, P(11-30) #1.15 # 900 sous total TM+M 2.05 millions 1.6 Millions Ménages moyens, P(30-50) # 850 NC Autres ménages, P(50-100) # 1400 NC Sous total "ménages non modestes" # 2.25 millions # 3.25 Millions Une répartition pas très sociale ? On constate que 2.25 millions de ménages qui ne devraient pas avoir besoin d'aide publique pour se loger occupent un logement aidé, soit plus que le nombre de ménages désignés comme modestes par les critères de l'INSEE, alors que 1.6 millions de ménages supposés modestes ou très modestes se logent plutôt dans le parc privé. Certes, il y a des explications logiques partielles à ces observations. Ainsi, une partie des ménages modestes recensés dans le parc privé sont des étudiants ou des célibataires à faibles revenus qui préfèrent habiter des studios et ''chambres de bonne'' dans des centres urbains plutôt que des logements en quartier HLM. Cela n'explique pas pourquoi plus d'un tiers des occupants du parc "social" appartiennent aux classes les plus aisées de la population, alors que de toute part les médias retentissent de plaintes de ménages modestes qui "ne trouvent pas de place" en HLM. Le rapport Doutreligne-Pelletier cite le chiffre d'1,3 millions de demandes de logement HLM non satisfaites en 20051. Il est évident qu'une différence de loyer, à surface égale, de 80% à 140% entre HLM et secteur privé constitue une incitation puissante à essayer d'obtenir un logement HLM, surtout si celui ci est de qualité proche de celle que l'on peut obtenir dans le secteur privé. Or, il existe, pour simplifier, deux grandes familles de HLM: d'une part, ceux qui sont concentrés dans les « cités difficiles » construites avant 1970 pour la plupart, qui ont été le lieu des émeutes spectaculaires de novembre 2005, et d'autre part, ceux qui sont intégrés, voire sciemment mêlés à des programmes du secteur privé, qui présentent des caractéristiques souvent équivalentes en terme de localisation et de qualité de construction. Inutile de préciser que l'attrait de ces deux types de programmes HLM n'est pas du tout le même. Dans un cas, on peut supposer que l'état de dégradation et les difficultés liées à la disparition de l'état de droit dans les quartiers concernés justifient amplement la différence de loyer avec ceux des logements en secteur libre de même type dans d'autres quartiers. En revanche, il est évident que les HLM ''intégrés'' dans des quartiers où a été recherchée une certaine ''mixité sociale'' présentent un rapport qualité prix sans aucune commune mesure avec ce qu'offre le secteur privé. Par conséquent, obtenir ce genre de logement constitue pour l'heureux bénéficiaire une chance. Pour que cette chance ne devienne pas une rente de situation indue, la loi prévoit que toute personne dépassant de 40% le plafond de ressources admissibles pour rentrer en HLM paie un surloyer rapprochant le coût de son logement de celui observé dans le secteur privé. Un tel règlement engendre inévitablement son effet pervers. Si les plafonds de ressources nécessaires pour entrer en logement HLM sont généralement inférieurs ou équivalents aux revenus médians des ménages, il existe une frange ''intermédiaire'' de revenus comprise entre 1 et 1,4 fois le plafond de ressources réglementaire dans laquelle les ménages ne peuvent (en théorie) accéder à un logement HLM, et donc ne peuvent espérer retrouver un logement HLM s'ils quittent le leur, mais continuent de bénéficier de l'avantage essentiel que leur confère leur loyer inférieur de moitié, voire plus, à ce qu'il serait dans le secteur privé. Rapport qualité prix imbattable, et quasi impossibilité de retrouver un tel privilège ailleurs: une telle combinaison incite fortement à s'incruster coûte que coûte dans un bon logement social. De nombreux témoignages publiés par la presse confirment l'existence de ce phénomène. Les chiffres officiels confirment ils cette tendance conservatrice et ces témoignages de professionnels du logement social ? Oui ! La mobilité des ménages dans le parc locatif privé est de l'ordre de 22% par an (2002), alors que la mobilité au sein du parc HLM oscille entre 10,5 et 12,5% depuis 15 ans, les chiffres les plus bas se rencontrant lors des périodes économiquement les moins porteuses3. Selon Georges Mesmin, ce taux de mobilité était encore plus faible à Paris du fait du différentiel très élevé entre logement public et privé, puisqu'il a oscillé entre 6 et 9% pendant les années 80. Rien ne permet de croire que cela ait évolué aujourd'hui: Jean Yves Mano, adjoint au logement à la mairie de Paris, déclarait dans les colonnes du ''moniteur'' de novembre 2005 que le taux de rotation dans les HLM parisiens intra muros était tombé à... 4%. Et encore ces chiffres ne constituent-t-ils que des moyennes. En l'absence de statistiques permettant de distinguer les « bons programmes » HLM des autres – politiquement trop incorrect, sans doute -, et de données corrélant la mobilité des ménages à leurs revenus, il est impossible de pousser plus avant les conclusions. Toutefois, des témoignages recueillis lors de cette étude confirment que les locataires les plus soucieux de conserver leur logement sont d'une part ceux qui sont dans les situations financières les plus critiques, même s'ils habitent en cité difficile, mais aussi les ménages relativement aisés qui habitent dans de bons logements sociaux intégrés dans des quartiers « mixtes », qui pourraient partir dans le parc privé mais qui ne sont pas prêts à multiplier par deux leur effort financier pour se loger dans des conditions juste similaires. Le résultat est qu'une part non négligeable du parc HLM bénéficie à des gens qui n'en n'ont pas la nécessité, alors que les demandes en souffrance voie...
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