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Le potentiel et les limites de l'assurance.

Georges Lane Publié le 19 mars 2014
5982 mots - Temps de lecture : 14 - 23 minutes
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Le texte ci-dessous a été publié par l'Institut libéral (Genève, Suisse) en novembre 2013. Il est l'un des dix articles du livre intitulé Au chevet de la santé (de la dépendance à la prévoyance), pp. 103-125. Il a été l'objet d'au moins - à ma connaissance - un débat dans une radio française (http://www.radiocourtoisie.fr/17443/libre-journal-des-droits-et-des-libertes-du-22-janvier-2014-la-suisse/). Introduction. Jusqu'à la décennie 1960, l'assurance n'a pas été un domaine de l'économie politique (ou de la science économique) qui a trop intéressé les économistes. Elle était aux mains des juristes et des statisticiens qui travaillaient à son développement et s'informaient mutuellement. Elle était aussi dans celles des entrepreneurs (et des gestionnaires) qui créaient des entreprises d'assurance. Elle était enfin et, peut être d'abord, aux mains des politiques – des législateurs – de tous les pays qui la réglementaient sur la base de conceptions propres à chacun, voire peu rationnelles, quand ils ne la vouaient pas aux gémonies. A partir de la décennie 1970, le paysage de l'assurance a beaucoup changé. Des économistes ont commencé à s'y intéresser de façon suivie et approfondie (cf. Lane, 1995). Ils ont, en particulier, montré les inconvénients et autres pertes supportées et à attendre du fait des législations nationales hasardeuses et créatrices d'incertitude. Ils ont aussi fait toucher du doigt ce qu'il y avait à gagner à abandonner telle ou telle réglementations. Le carré magique « juristes, statisticiens, entrepreneurs (et gestionnaires) et législateurs » est devenu ainsi un pentagone du fait de l'entrée en jeu des économistes même si, parmi ceux-ci, certains ont tendu à saper ses fondements tant leur démarche était en opposition avec ses principes… Le domaine de l'assurance fait en effet comprendre à l'économiste que, d'une façon générale, s'il veut s'y retrouver, il ne saurait se couper des règles de droit et de leurs effets sur l'action humaine – comme y invite la plupart des écoles de pensée économiques dominantes soi disant « pour simplifier ...». Il ne saurait se réfugier, de préférence et comme pour compenser, dans une application d'une mathématique, même si le domaine de l'assurance est pétri de mathématiques. Pour autant que la théorie économique a été développée, en grande partie, en mettant à l'écart les règles de droit et leurs effets économiques, on comprend rétrospectivement qu'un grand nombre d'économistes n'aient pas eu pour préoccupations la compréhension et l'explication de l'assurance. Autre raison du désintérêt, ils développaient la théorie en mettant à l'écart l'incertitude et, par conséquent, volontairement, l'incertitude de perte, une des conditions de l'assurance et, involontairement, le domaine de l'assurance lui-même: on ne saurait en effet parler d'assurance dans un tel monde sauf à dénommer « chien » un chat... Quoique l’assurance reste un domaine de la science économique encore très mal compris du fait de sa dénaturation au XXè siècle, à dessein ou non, par des éléments du « pentagone ». Les lignes qui suivent s'intéressent à l'économie de l'assurance dans le système de santé et portent, précisément, d'abord sur la nature même de l'assurance (section 1) et les notions de « risque » et de « facteur de risque » (section 2), sur l'art de l'assureur (section 3), puis évoquent le potentiel (section 4) et les limites (section 5) de son application au système. 1. La nature de l'assurance L'assurance a pour nature l'alliance de règles de droit – propriété, responsabilité et liberté de contracter -, de règles de statistiques mises à jour à partir du XVIIIè siècle, et de règles de gestion que doit respecter tout entrepreneur gestionnaire qui ne veut pas connaître la faillite de son entreprise. Elle ne doit rien à la réglementation de l'Etat sinon des problèmes. Sont en jeu des choses en propriété ou en responsabilité susceptibles d'être endommagées ou totalement détruites dans l'avenir. Et cette susceptibilité a donné l'idée de contrats originaux, à savoir le contrat d'assurance convenu entre l'assuré et l'assureur qui permet d'échanger les choses immatérielles ou incorporelles qu'on dénomme « risque ». L'assureur est en effet un producteur de services. En plus du contrat qu'il met au point, qui permet l'échange de « risque » (cf. ci-dessous) et qui constitue un service rendu à l'assuré, il produit des services autres qui tiennent dans les services d'acceptation du « risque » de l'assuré (cf. ci-dessous) et, en cas de « sinistre » (cf. ci-dessous), dans les service en relation avec les remboursements/indemnisations/réparations ès sinistres (en abrégé, R.I.R.E.S.) de ce dernier (cf. ci-dessous). Bref, l'assureur offre des services d'assurance et en procède la concurrence sur le marché de l'assurance. Quant à l'assuré, par symétrie économique, il a une offre de « risque » et une demande des deux types de services d'assurance que produit l'assureur et qu'enferme le contrat d'assurance. 2. Les notions de « risque » et de « facteur de risque » Alliées aux règles de droit, les règles mathématiques ont d'abord conduit à un vocabulaire technique, riche de mots et d'expressions, qui ont été dénaturés au XXè siècle et, en particulier, ces dernières décennies. On peut les réduire aux deux fondamentaux, à savoir le mot « risque » et l'expression « facteur de risque ». Le « risque ». Par « risque », il faut entendre des pertes d'un bien en propriété ou en responsabilité, des dommages de celui-ci attendus avec incertitude par l'assuré et par l'assureur. Ceux-là vont du dommage inexistant du bien à sa destruction totale augmentée, le cas échéant, des conséquences économiques que celle-ci génère. Le « risque » tient aussi, toujours le cas échéant, dans des dépenses inattendues extraordinaires pour que la propriété retrouve son état premier et à quoi le propriétaire ne peut échapper. A priori, l'évaluation des pertes de propriété, de leurs conséquences économiques ou des dépenses extraordinaires, les unes et les autres attendues avec incertitude, se fait principalement en monnaie et d'un commun accord entre l'assureur et l'assuré grâce au contrat. Le « risque » emporte sa réalisation. Quand une des pertes attendues avec incertitude se réalise, on dit, dans le vocabulaire technique de l'assurance, qu'il y a « sinistre » et le montant en monnaie de la perte ne pose pas de problème a priori. Les « facteurs de risque » Le « risque » ne doit pas cacher le ou les « facteurs de risque », autre terme technique de l'assurance. Un « facteur de risque » est toute cause d'une des pertes attendues avec incertitude. D'un commun accord, l'assureur et l'assuré peuvent privilégier une cause à raison de ses effets désastreux soit pour y prêter attention (maladie), soit, au contraire, pour la rejeter (irresponsabilité). Et il y a souvent la difficulté pratique de séparer la cause naturelle et la cause humaine (artificielle). De même que les dommages sont attendus avec incertitude, de même, l'est la survenance du « facteur de risque ». Pour autant, si l'attente incertaine de la réalisation d'un montant de perte est dénommée « risque », l'attente incertaine de la survenance d'un « facteur de risque » n'a pas reçu de nom technique particulier. Contrairement au « risque », le « facteur de risque » incertain n'emporte pas sa réalisation. Quand il survient, il y a « sinistre », mais le montant en monnaie de la perte est en grande partie ignoré a priori. Remarques. Après les notions techniques de « risque » et de « facteur de risque » attendu avec incertitude, l’application des règles juridiques et mathématiques amène à la notion de facteur du « facteur de risque». En effet, un facteur de risque ne doit pas cacher que lui même a des causes d'ordre naturel ou humain. Il doit d'autant moins les cacher qu'à ces facteurs, il y a, le cas échéant, des remèdes à employer pour freiner ou empêcher leur survenance. L'application des règles amène aussi à faire référence aux notions techniques de « population de risques » et de « sinistralité », éléments au centre de l'activité de l'assureur. Par « population de risques », il faut entendre un ensemble de risques individuels et identiques, chacun ayant une réalisation indépendante de celle de tel ou tel autre. Par « sinistralité », il faut entendre les risques de la population considérée qui se sont réalisés. 3. L'entrepreneur gestionnaire « assureur » (l'offre d'assurance). Alliées aux règles de droit et aux règles mathématiques, les règles de gestion qu'a découvertes et respecte l'entrepreneur gestionnaire qu'est l'assureur s'articulent sur la technique d'assurance. L'assurance est, en effet, mieux qu'une simple technique, c'est une organisation technique d'échange des « risques », voire, indirectement, des « facteurs de risque », que gère l'assureur. Elle fait en sorte que le « risque », chose incorporelle que possède l'assuré potentiel et qu'il évalue « mal », puisse être échangé avec l’assureur. En vérité, ce dernier « prend des risques » aux assurés potentiels tout en leur vendant des services. Tout se passe comme s'il permettait à chacun d'eux de lui céder son « mal » moyennant l'achat de services. En...
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