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Le processus infernal

Georges Lane Publié le 05 octobre 2011
6599 mots - Temps de lecture : 16 - 26 minutes
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L'euro - et son cortège de "crises" de diverse nature apparu en peu de temps comme on pouvait s'y attendre - est en définitive la dernière étape en date d'un processus de réglementations de l'économie de marché qui a été mis en branle par les hommes de l'Etat au lendemain de la guerre de 1914-18. Evoquer en quoi consiste le processus dans quoi nous nous trouvons donc aujourd'hui, et ses composantes, comme nous allons le faire ci-dessous, ce n'est pas "faire de l'histoire" comme certains pourraient avoir le réflexe de le considérer. C'est reconnaître les causes de la situation économique du moment, en grande partie effet réalisé - certes à plus ou moins long terme - des réglementations accumulées jusqu'à aujourd'hui sur les actions de nos parents et de nous-mêmes. Bien évidemment, si on a la prétention que la science économique soit indépendante des règles de droit comme le veut la pratique majoritaire - à savoir l'"économie pure", "micro..." ou "macro..." -, l'accumulation des réglementations étatiques tient au mieux de l'histoire, à défaut d'être mise dans un placard (cf. ci-dessous). L'idée du processus de réglementations n'est pas nouvelle. Par exemple, Jacques Rueff dans Le péché monétaire de l'Occident en 1971 et Friedrich von Hayek dans Denationalisation of Money en 1976, puis 1978, l'avaient développée, mais, chacun, avec sa perspective. A l'espèce de fatalité qu'esquisse le titre du livre de Rueff - quoique celui-ci ne fût pas fataliste -, le livre de Hayek apporte la solution. Aujourd'hui, près de quarante ans plus tard, l'idée est oubliée, méconnue ou mise de côté malgré l'actualité de son support, à savoir le droit et la "monnaie". De plus, les réglementations étatiques ont continué à être produites par qui de droit, à s'accumuler et leurs effets à s'agréger et à être vécus sans qu'on y insistât comme si le monde était magique. Soit dit an passant, la réglementation étatique ne pousse pas sur le néant. Telle la "mauvaise herbe", elle pousse sur la "bonne terre" que sont les règles de droit naturel (propriété, responsabilité et liberté d'échange), a priori éternelles. Seulement, ceux qui la font pousser s'efforcent de faire oublier son milieu ou le diabolisent en parlant, par exemple, des "imperfections du droit". Ils créent ainsi l'impression que, à défaut de pousser sur le néant, la réglementation étatique comble des "vides juridiques"... A la différence des mauvaises herbes qui poussent et s'étiolent, les réglementations étatiques s'accumulent et tendent à acquérir un caractère de perpétuité, d'irréversibilité aux yeux de certains... qui empêcherait de les supprimer. 1. Un fait d'actualité. L'euro aujourd'hui, c'est désormais, pour beaucoup, les dettes (ou créances... selon le point de vue qu'on adopte) "souveraines" (pour ne pas dire "étatiques") libellées en euro et résultats des politiques de déficits budgétaires suivies. Nouvelles ou déjà en circulation, ces dettes souveraines ou étatiques donnent lieu à des échanges sur des marchés organisés ou non (cf. graphique ci-dessous). Graphique. Même graphique ci-dessous mais en plus petit pour faire apparaître le "bout manquant à droite"... relatif à l'Allemagne et à la France en 2011. Source : Vause et Peter, « Les préoccupations liées à la croissance mondiale et à la dette souveraine orientent les marchés », Rapport trimestriel de la B.R.I., B.R.I., 19 septembre 2011. Le graphique ci-dessus fait apparaître que, sur les marchés des dettes souveraines des pays de la zone euro, il y a eu, en 2010 et 2011, des augmentations des taux d'intérêt "équilibrant" l'offre et la demande de dettes souveraines, variables selon les Etats des pays - pour la durée d'ici la maturité retenue, à savoir dix ans -. Une explication de ces augmentations consiste à dire que les taux d'intérêt d'équilibre se sont accru du montant de la "prime de risque" (concept économique) que présentait chaque Etat débiteur - ce qui, soit dit en passant, causait des pertes ponctuelles aux créanciers à taux fixe qui doivent faire des dotations aux comptes des provisions comptables s’ils ne les vendent pas ou supporter des "moins values" s'ils vendent -. Cette explication de l'augmentation des taux d'intérêt des dettes souveraines par la « prime de risque » est confirmée par ce qui se passe sur le "marché des « credit default swap »" (C.D.S.) en relation avec l'évaluation des risques des dettes souveraines. D'une façon générale, les marchés de C.D.S. sont des marchés de gré à gré (O.T.C.) ou organisés d’assurance contre le défaut de paiement du débiteur.. Ces marchés sont apparus à partir du début de la décennie 1990. Sur ces marchés, la demande paie des primes en monnaie à l'offre qui les reçoit et dont le montant est en relation avec la "prime de risque". En cas de réalisation du risque, l'offreur paiera le montant de la dette non payée. Pour le créancier qui achète des C.D.S., la dépense en primes s'ajoute aux dotations aux comptes de provisions - si les taux d'intérêt montent - et pèse sur la rentabilité globale du patrimoine du créancier qui se protège ainsi. Mais certains diront que tout cela n'a pas de réalité économique et n'est que "spéculation financière". 2. En quoi consiste la « crise actuelle » de la dette souveraine d’un point de vue économique? Pour beaucoup, étant donnés les évolutions de taux d'intérêt précédentes et surtout les phénomènes qu'elles peuvent cacher - tel jour, tel marché n'a pas eu d'échange, faute d'un minimum de confiance des opérateurs -, il y a actuellement "crise de la dette souveraine" - qu'en tant qu'économiste, j'appellerai aussi "ajustement économique"-. Ce fait cache deux faits siamois à séparer car très différents l'un de l'autre: un fait de marché et un fait de réglementation. a) Un refus des uns Le fait de marché tient d’abord dans le refus par les créanciers – ou par les épargnants – potentiels d’accumuler encore – librement – davantage de dettes souveraines aux conditions ordinaires du marché, voire à des conditions extraordinaires… - apparemment avantageuses… - Les marchés en question sont des marchés de gré à gré (O.T.C.) ou des marchés organisés, soit par le théoricien, soit en pratique (« bourse »), des marchés « spot » ou « non spot ». Les créanciers sont rassasiés de dettes souveraines et veulent réorganiser leurs patrimoines respectifs où figurent les dettes souveraines. b) Une décision de diminution des autres Le fait de marché tient aussi dans la décision de certaines personnes juridiques physiques ou morales de diminuer le montant de dettes souveraines qu’elles ont accumulé à des conditions ordinaires, voire à des conditions extraordinaires… - forte perte acceptée, prix de vente largement inférieur au prix d’achat - Bref, on accumule jusqu'au jour où on n'accumule plus, voire où on décide de faire diminuer ce qu'on avait accumulé. La crise de la dette souveraine tient dans ce double passage. c) Un choix permanent des troisièmes Le fait de marché tient enfin aux Etats qui continuent à avoir des déficits budgétaires – croissants ou non – et cela malgré leurs engagements de faire opposés (par exemple, Etats de la zone euro) et tout ce qui se passe… Dans la zone euro, ces politiques sont en opposition avec les engagements pris (critères de Maastricht et pacte de stabilité et de croissance). Les Etats, par conséquent, continuent la même politique d'augmentation de leur endettement, de leur offre de « créances sur eux-mêmes ». La France depuis 1975… (cf . ce billet par exemple) d) Remarque : causes du changement des uns et de la continuité des autres. A priori, les causes du changement des uns – les épargnants/créanciers - et de la continuité des autres – les états déficitaires - sont nombreuses. Il est difficile d'en faire la liste ou d'en privilégier un petit nombre. On peut toujours privilégier l'augmentation du « risque de défaut » des Etats comme c’est l’habitude actuelle. C’est le risque que les créances/dettes souveraines ne soient pas honorées comme elles devraient l'être... – intérêt et principal -, il se traduit dans les échanges des marchés de dettes souveraines par une « prime de risque ». e) Le fait de réglementation. N'est pas bien évidemment à négliger le fait de réglementation. Il tient dans le paquet de réglementations qu'est le système monétaire de l'euro, €xpérience sans précédent, dont un des résultats est que les dettes souveraines ou étatiques en question sont libellées en euro (cf. autres billets de ce blog sur le sujet, par exemple celui-ci intitulé "Quel avenir pour l'euro"). 3. Composantes du processus de réglementations. Hier, au lendemain de la guerre de 1914-18, on disait qu'il y avait des pays qui avaient des dépenses de reconstruction - les réparations allemandes, etc. - incompatibles avec la balance des paiements, avec son équilibre dans le cadre de droit qu'était l'étalon or. En d'autres termes, le problème économique avancé était que la reconstruction des économies était sinon impossible, du moins serait longue car les échanges internationaux dont les dépenses dépendaient étaient freinés par le cadre de droit qu'était l'étalon-or. Quoique refusé par certains économistes, le diagnostic a conduit les hommes de l'Etat à réglementer l'étalon-or, émanation des règles de droit, et à mettre en oeuvre l'étalon de change or, une réglementation internationale occidentale et le processus de réglementations dont on n'est jamais sorti. Aujourd'hui, par comparaison, privilégiant l'augmentation de l'offre de dettes souveraines, on dira qu'il y a de plus en plus d'Etats - ... de pays, en particulier de la "zone euro" - qui ont des dépenses excessives ou des recettes fiscales insuffisantes – en relation ou non avec une croissance économique insuffisante - et surtout incompatibles avec le budget, avec son équilibre, dans le cadre du paquet de réglementations qu'est la "zone euro" voire de ce qui est dénommé "système monétaire international" (S.M.I.). En d'autres termes, le problème économique avancé est aujourd'hui qu'il y a un endettement des Etats des pays en question de plus en plus insoutenable dans le cadre de l'euro ou d...
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