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Le système monétaire international, cet inconnu.

Georges Lane Publié le 16 mars 2011
8344 mots - Temps de lecture : 20 - 33 minutes
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Comme ils savent si bien le faire, les hommes de l'Etat fêteront-ils dans quelques mois, le quarantième anniversaire de la disparition, le 15 août 1971, de l'organisation du système monétaire international que leurs prédécesseurs avaient mise au point en 1944 et dont nous vivons aujourd'hui un avatar qu'ils semblent vouloir renforcer en réactivant des artifices d'alors qui avaient pourtant démontré leur inefficacité ? On aura l'occasion d'en venir à la réponse à la question dans des billets prochains. Pour l'instant, étant donnée la désinformation actuelle sur le sujet, voici un certain nombre d'éléments précurseurs. Ceux-ci schématisent l'état d'esprit tel qu'il était décrit par un oracle de l'époque - Raymond Aron , à l'occasion pourfendeur de Jacques Rueff -, aisément comparable aux oracles d'aujourd'hui qui n'hésitent pas, d'ailleurs, à reprendre ses propos comme on pourra le lire ci-dessous, en dépit des erreurs de raisonnement du modèle. Tous les éléments sont présentés dans les sept textes qui suivent et qui portent sur la période février 1969-février 1970 : I. "Face au problème économique : le milieu monétaire international", Le Figaro , 4 février 1969 ; II. "Diplomatie monétaire", Le Figaro , 30 septembre 1969 ; III. "La bataille des monnaies: la victoire du dollar" (1), Le Figaro , 18 novembre 1969 ; IV. "La bataille des monnaies: les causes de la victoire" (2), Le Figaro , 19 novembre 1969 ; V. "Système de l'étalon-dollar", Le Figaro , 26 novembre 1969 ; VI. "De l'étalon de change-or à l'étalon-dollar" (1), Le Figaro , 5 février 1970 ; VII. "De l'étalon de change or à l'étalon dollar" (2), Le Figaro, 6 février 1970. I. Face au problème économique : le milieu monétaire international - 4 février 1969. Le prochain gouvernement, nul ne l'ignore, se donnera pour objectif prioritaire le rétablissement des équilibres économiques, rétablissement qui exigera à la fois du temps et une stratégie complexe. Avant de dégager les éléments principaux de la conjoncture française, il convient de situer celle-ci dans la conjoncture mondiale. En effet, les responsables de notre économie devront prendre leurs décisions en partant de certaines hypothèses sur l'évolution probable en Europe et aux Etats-Unis. 1.A. Faut-il escompter une réforme du système monétaire international ? un réalignement général des parités monétaires ? M. Jacques Rueff, en France, M. Milton Gilbert, à Copenhague, ont, une fois de plus, plaidé ouvertement en faveur d'une augmentation du prix de l'or. Sans analyser les avantages ou les inconvénients d'une telle mesure, je me bornerai à constater que, pour l'instant, rien n'annonce une conversion des autorités américaines. Celles-ci continuent à refuser cette revalorisation du métal et, à moins d'une catastrophe qui remettrait tout en question, elles gardent le pouvoir, économique et politique, de convaincre ou de contraindre la plupart des ministres des Finances. Au reste, les experts de la République fédérale allemande, de l'Italie ou des Pays-Bas semblent partager les conceptions américaines et redouter les conséquences inflationnistes d'une augmentation du prix de l'or. La création de réserves par cette méthode leur paraît irrationnelle et anachronique. I.B. Quelles conséquences visibles entraîne le double marché de l’or, c'est-à-dire la dissociation entre le prix du marché dit libre et le prix officiel de 35 dollars l'once ? Tout d'abord, le stock d'or monétaire reste constant ou diminue. Si donc le déficit de la balance des comptes américaine ne fournit pas aux banques centrales des dollars supplémentaires, le total des réserves ou liquidités mondiales ne progresse plus ou risque même de baisser. De ce fait, les uns, peu nombreux, concluent à la revalorisation nécessaire de l'or ; les autres, qui règnent à Washington comme à Bonn, concluent à l'activation des droits de tirage spéciaux, ces droits augmentant le volume des liquidités internationales. Le prix de l'or, bien qu'il soit d'ordinaire discuté en même temps que l'ensemble du système de l'étalon de change-or, peut être envisagé en lui-même. Le prix de 35 dollars l'once date de 1934. A l'époque, il dépassait largement celui que les acheteurs auraient consenti à payer, abstraction faite de la fonction monétaire de l'or. Trente-cinq ans ont passé, l'inflation due à la guerre et à l'après-guerre, la hausse de tous les prix laissent apparaître ce cours, fixé en 1934, comme artificiel, anormalement bas. L'augmentation de la richesse générale et la stabilité du rapport dollar-or contribuent à favoriser les usages non monétaires du métal, donc à réduire en proportion la part: de la production nouvelle dont les banques centrales peuvent disposer. En fait, la convertibilité du dollar devient de plus en plus fictive. Les autorités américaines ne la rejettent pas en théorie, mais les gouverneurs des banques centrales savent qu'ils ne peuvent pas user de ce droit à volonté. La convertibilité du dollar ne subsiste que marginalement. I.C. Les gouverneurs à Bonn, à Rome ou à La Haye se résignent-ils à cette non-convertibilité avec amertume ? Font-ils contre mauvaise fortune bon cœur ? Ou jugent-ils que la revalorisation de l'or entraînerait plus d'inconvénients encore que la non convertibilité ? Ne cherchons pas à psychanalyser les hommes qui se réunissent régulièrement, une fois par mois, à la Banque des règlements internationaux, à Bâle. Disons que seul le gouvernement français passait pour ouvertement favorable à l'augmentation du prix de l'or et que les autres porte-parole de l'Europe (le représentant de la Suisse excepté) préfèrent officiellement le double marché de l'or et la convertibilité réduite du dollar à la solution recommandée par MM. Rueff et Milton Gilbert. A l'incertitude sur la parité dollar-or qui, depuis quelques années, empêche, l'augmentation du stock d'or monétaire, s’ajoute depuis quelques mois, une incertitude sur d’autres parités. Les possesseurs de capitaux envisagent tantôt la réévaluation du mark, tantôt la dévaluation du franc ou de la livre. Le problème du prix de l'or est et demeurera posé aussi longtemps que la parité de 1934 sera maintenue et que l'or restera théoriquement la base du système monétaire international, même si le dollar, bien plus que l'or, constitue, en réalité, la base de ce système. L'incertitude sur les autres parités résulte de causes multiples et transitoires. Une augmentation des prix de 5 à 6 % par an, comme celle que connaissent les Etats-Unis à l'heure présente, témoigne d'une inflation incompatible avec le rôle mondial du dollar, largement supérieure à la norme américaine. Or si toutes les économies occidentales paraissent vouées, pour des raisons sociales (plein emploi, hausse annuelle des salaires nominaux, etc.) à une certaine inflation, la disparité des pressions inflationnistes de pays à pays met inévitablement en cause les parités monétaires. Immédiatement surgissent les querelles sur les responsabilités respectives des créditeurs et des débiteurs : I.D. Le pays qui a montré le plus de modération ou de sagesse a-t-il le devoir d'éviter à ceux qui en ont manifesté le moins la peine et les sacrifices de la déflation ? Les Allemands devraient-ils, demain, réévaluer le mark pour mettre fin aux excédents commerciaux que les prêts de capitaux à long terme compensent sur le plan comptable, mais qu'ils contribuent également, indirectement, à entretenir ? Là encore, n'entrons pas dans des débats complexes, politiques et économiques à la fois. Rappelons d'abord que la disparité des pressions inflationnistes, quel que soit le système monétaire international, suffit à provoquer des crises comme celle de novembre dernier ou de mai 69. Quand la réévaluation d'une monnaie ou la dévaluation d'une autre paraissent probables, la spéculation tend à précipiter l'événement attendu afin d'en tirer profit. D'autres crises de cet ordre se produiront peut-être au cours des prochains mois. Un réalignement général des parités monétaires n'est pas exclu, mais le gouvernement français ne peut pas miser sur un tel accord, volontaire ou imposé. Au cours des prochains mois, toutes les parités — entre l'or et les monnaies d'une part, entre les principales monnaies d'autre part — sembleront incertaines et, selon les moments ou les péripéties, !es capitaux chercheront refuge contre la dévalorisation, ici ou là. En l'absence d'une réforme du système monétaire international, que seule une catastrophe pourrait amener dans le proche avenir, le succès de la politique anti-inflationniste aux Etats-Unis contribuerait à faire tombé la fièvre. Bien entendu, ce succès, s'il entraînait une récession, comporterait, lui aussi, un prix, et un prix élevé, mais le président Nixon doit accepter l'héritage de la gestion démocrate — la guerre du Vietnam et l'inflation — et liquider l'une comme l'autre. II. Diplomatie monétaire - 30 septembre 1969 Depuis le départ du général de Gaulle, les deux mots « continuité et ouverture» servent de thème à d'innombrables variations. II.A. Jusqu'à quel point la « continuité » s'accommode-t-elle de 1' « ouverture » ? La fidélité exige-t-elle qu'à chaque instant les responsables se demandent quelle décision le Général aurait prise à leur place ? Ou bien, tout au contraire, puisque le fondateur savait infléchir son action au gré des circonstances sans jamais perdre de vue ses objectifs, les successeurs doivent-ils interroger le monde et non un homme qui a choisi le silence, prévoir l'avenir et non se reporter à un passé proche mais déjà révolu? M. Couve- de Murville, d'après les rapports de presse, aurait déclaré que la continuité importait surtout en fait de politique étrangère. Propos d'inspiration impeccablement gaulliste en raison de la primauté que le général de Gaulle lui-même accordait à la politique étrangère. Mais, depuis 1968 — mai parisien, août tchécoslovaque — la situation de la France a changé. Avant de quitter le pouvoir, le Générai lui-même avait reconnu les changements. Avec une monnaie forte et incontestée, la France avait peut-être de bonnes raisons de rejeter « les droits de tirage spéciaux ». Dans la conjoncture présente, « l'activation » (ou mise en application) des D.T.S. (que les Anglo-Saxons appellent S.D.R., Special drawing rjghts), comporte au moins un avantage immédiat : elle accroît les réserves de change de tous les pays, donc de la France, et nous permet d'économiser notre stock d'or. Un économiste américain, le professeur M. Friedman, de Chicago, dont les idées connaissent un regain de faveur, alors que celles de la « nouvelle économie » de W. Heller subissent, à leur tour, un certain discrédit, écrivait récemment (1) que les Etats-Unis vont remporter avec les D.T.S. une victoire diplomatique contraire à leur intérêt. (1) Cf. Milton Friedman, Inflation et systèmes monétaires, Paris, Calmann-Lévy, 1969. Le projet répondait à l'intérêt américain à l'époque où les dirigeants de Washington craignaient la menace qui pesait sur le dollar, par suite des achats d'or sur le marché libre. Mais, en mars 1968, les banques centrales renoncèrent à maintenir le cours de l'or sur le marché libre au niveau du prix officiel. Le système des deux marchés, qui prête aisément à la critique, n'en a pas moins fonctionné grâce à la puissance aussi bien politique qu'économique des Etats-Unis. Les banques centrales de tous les pays, en tout cas des pays européens, n'achètent ni ne vendent de l'or sur le marché libre, et maintiennent, dans leurs relations, le prix de 35 dollars l'once. Le stock d’or monétaire n'augmente plus ; le système n'implique pas encore la « démonétisation » de l'or, formule au reste équivoque, mais il tend à transformer le dollar en étalon international. L'or n'en demeurera pas moins « nominalement la réserve en dernier ressort, car aucune banque centrale ne sera tentée de convertir en or des montants de dollars trop importants. Elles préféreront, en effet, préserver une convertibilité, même potentielle, qui leur permette d'échapper aux accusations politiques que ne manquerait pas de susciter un rattachement avoué à une zone dollar. En d'autres termes, au moment où M. Michel Debré, à Stockholm, refusait de signer le protocole relatif aux D.T.S., le gouvernement français s'en prenait au système monétaire dans son ensemble. Aujourd'hui, le gouvernement doit tenir compte avant tout du sort de sa propre monnaie. Même s'il continue de condamner le système ou la manière dont les autorités de Washington manipulent celui-ci, il agit en fonction de soucis à court terme. La faiblesse du franc, le déficit des comptes extérieurs interdisent malheureusement à M. Giscard d'Estaing et à n'importe quel ministre des Finances de se poser en censeur ou en réformateur sur le plan international. De plus, l'objet du débat s'est déplacé. Il y a deux ou trois ans, les experts s'interrogeaient sur le volume — suffisant ou non — des liquidités internationales. C'est pour corriger l’insuffisance supposée des liquidités internationales que les conseillers des banques centrales ou du Fonds monétaire international conçurent les D.T.S. Les liquidités ont pour fin, au moins en théorie, d'assurer un délai suffisant aux pays en déficit pour rétablir l'équilibre de leurs comptes extérieurs. Mais grâce à des méthodes multiples, ingénieuses et préca...
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