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Le triste état du Libéralisme Français

Vincent Bénard Publié le 07 août 2010
7658 mots - Temps de lecture : 19 - 30 minutes
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Objectif Liberté

Devoirs de vacances - Comme promis, je profite du mois d'Août pour ressusciter de vieux textes. Celui ci, libre adaptation de mon vieux discours en Anglais de Gummersbach (publié ici même avant hier), fut publié en 2006 par la revue "controverses" et l'institut Hayek. En conséquence, quelques parties sont un peu démodées, mais pas tant que cela. Les RG ont été rebaptisés depuis, mais malgré cette réforme de fond ;-) les constats d'il y a 5 ans restent valides. Ah, au fait, les puristes me reprocheront de démarrer mon histoire à la fin du XIXème siècle, passant sous silence l'histoire du centralisme Français depuis Henri IV, Jean Bodin, Louis XIV, en passant par l'administration impériale. En contrepartie, ce texte déjà long reste dans des limites encore supportables. Alors, bonne lecture ! Anti-libéralisme français Les étrangers avec lesquels je suis en contact sont souvent surpris par le parti pris anti-libéral ouvertement affiché par les français, leurs représentants politiques et leurs medias. Cette question les touche, car la France apparaît aujourd'hui comme la principale force de blocage des réformes au sein de l'union européenne comme de l'OMC. Ces résistances, qui ont considérablement freiné et empêchent encore l'ouverture de nombreux marchés, de l'agriculture à l'énergie, en passant par les services, sont particulièrement dommageables pour les économies en phase d'émergence. Bien que cet intérêt pour des questions apparemment franco-françaises puisse paraître surprenant, beaucoup sont ceux hors de nos frontières qui souhaitent savoir pourquoi la France est tellement anti-libérale. Répondre à cette question oblige rapidement à éviter les raccourcis simplistes et les théories uni-causales. Des forces politiques anti-libérales existent dans tous les pays du monde. Même aux USA, la dernière campagne du parti démocrate a démontré une radicalisation de la gauche américaine contre l'économie de marché. Mais partout dans le monde, ces idées très à gauche sont efficacement contrebalancées par un fort courant libéral qui a réussi à convaincre une part non négligeable de l'opinion publique et du monde politique que les idées qu'il portait étaient le plus à même d'améliorer grandement le sort de la plus grande part de l'humanité, y compris des plus déshérités. Même des politiciens supposés de gauche comme l'étaient Bill Clinton et Tony Blair, élus sur des programmes très socialistes, ont adopté une fois au pouvoir des politiques économiques d'inspiration libérale, comprenant qu'elles seules étaient à même de produire les richesses nécessaires pour financer les volets sociaux de leur action. Rien de tel en France. Le libéralisme est un nain politique, et même la droite de notre échiquier politique reste acquise aux recettes interventionnistes et keynesiennes qui ont pourtant prouvé leur incapacité à nous sortir de la crise vécue par notre économie depuis 1973. Lors des élections présidentielles de 2002, sur 16 candidats, un seul affichait clairement son orientation libérale. Il n'a pas atteint 4% des suffrages, un peu moins que le candidat des chasseurs ! Les quatre candidats communistes et assimilés ont totalisé 14%, l'extrême droite, au programme très interventionniste et anti-mondialiste affirmé, a atteint 19%, les écologistes 7% et les candidats des partis dits de gouvernement, qui ont tous pris soin de se dissocier du libéralisme, et dont certains, à gauche, flirtaient volontiers avec les extrêmes, ont monopolisé les 50% restant. Pourtant, jamais n'aurons nous autant entendu parler de libéralisme que lors de la campagne référendaire européenne. Selon les avocats du oui, la constitution devait nous « protéger des excès de l'ultra-libéralisme », néologisme commode brandi en toute circonstance par les interventionnistes comme l'épouvantail source de tous nos problèmes. Selon les partisans du non, cette constitution était beaucoup trop libérale, ce qui a beaucoup fait rire les gens qui savent un peu de quoi ils parlent lorsqu'ils évoquent ce courant de pensée... Bref, le libéralisme a été au centre du débat européen, alors qu'en France, il n'a pas d'existence politique. Comment en sommes nous arrivés là ? Le capitalisme libéral souffre certes d'un handicap majeur en terme de marketing. Nous le savons, la machine à créer de la valeur du capitalisme est ce mécanisme de sélection permanente des meilleurs producteurs décrit par l'économiste autrichien Joseph Schumpeter, sous le nom de destruction créatrice de valeur. Les données récemment recueillies sur l'économie montrent combien l'analyse Schumpeterienne était pertinente. Ainsi, en France, il se créée et se détruit chaque année environ 2.5 millions d'emplois, en combinant les destructions volontaires (suite à un départ d'un salarié de son propre chef), majoritaires, et les destructions forcées, qui représentent moins de 30% du total, dont 2% à peine pour les plans sociaux collectifs . Les USA, dans les années 93-2000 (mandat de Bill Clinton), ont connu une augmentation nette de leur force de travail de 21 millions de personnes, résultant de la destruction de 242 millions d'emplois et de la création de 263 millions , mieux payés que les anciens emplois dans plus de 70% des cas. Schumpeter lui même a reconnu que le côté déplaisant de cette équation vaudrait au capitalisme libéral de nombreux ennemis : pour créer de nouveaux emplois bien payés, il faut détruire d'autres emplois, et si l'on tente d'empêcher le mouvement de destruction des postes de travail les moins rentables, l'on empêche la création des emplois et des produits de demain. Il est très difficile d'expliquer à l'ouvrier textile de Roubaix que la destruction de son travail permet de créer des emplois dans les nouvelles technologies où les services commerciaux en région parisienne. Les socialistes ont beau jeu de rendre le libéralisme responsable de ces pertes d'emploi, et les libéraux français ont été particulièrement mauvais pour expliquer à ces personnes que s'ils ne retrouvent pas de nouvel emploi, la cause en est l'excès d'intervention de l'état dans l'économie, qui freine à peine la destruction des emplois inefficaces mais obère fortement la création et la croissance des nouvelles entreprises fortement employeuses de demain. Mais ce manque apparent de sex appeal du capitalisme n'est pas propre à la France et n'a pas empêché d'autres nations de s'engager dans la voie de réformes libérales avec un soutien majoritaire de leurs populations et de leurs élites. Pourquoi une telle mutation rencontre telle tant d'hostilité en France ? Les racines du mal sont à rechercher dans une conjonction d'événements historiques et de décisions politiques unique dans le monde occidental, qui ont, par petites étapes successives, créé un contexte très favorable tant à l'idéalisation des théories interventionnistes qu'au rejet de toute philosophie donnant la primauté à l'individu sur l'état. Les quatre piliers de ce contexte particulier sont le gramscisme, l'énarchie, l'accommodation aux extrêmes et l'étouffement de la société civile. Gramscisme Antonio Gramsci (1891-1937) fut un auteur et journaliste italien marxiste, qui estima que pour établir une hégémonie communiste durable, il fallait faire émerger et donner une place prépondérante à une culture de la classe ouvrière, et à une classe d'intellectuels issus de la classe ouvrière. Pour ce faire, Gramsci prôna ouvertement l'infiltration par des personnes soutenant les thèses marxistes des lieux où se forment les consciences : écoles, médias, sphère culturelle. Il n'y a pas qu'en France que les marxistes aient tenté de mettre en œuvre ces préceptes, mais ils ont bénéficié chez nous d'opportunités historiques rarement rencontrées ailleurs. Lorsqu'en 1881, sous l'impulsion de Jules Ferry, fut créée l'éducation nationale, afin de garantir à tous les enfants un accès « gratuit » et obligatoire à l'école, l'institution créée le fut sur un modèle ultra-centralisé, où notamment les programmes et les affectations étaient gérées depuis Paris. Certains historiens estiment que derrière le prétexte égalitaire de façade affiché par les politiques de l'époque, se cachaient des intentions moins avouables : il fallait exalter le patriotisme des jeunes français afin que le jour venu, la France dispose de jeunes soldats prêts à mourir pour reprendre à l'Allemagne l'Alsace et la Lorraine, perdues en 1870. Le centralisme du système servait donc, déjà, des intérêts étatistes et propagandistes. Il n'est donc pas étonnant que les lieux de décision où s'élaboraient programmes et recrutements aient constitué des cibles d'infiltration prioritaires pour les socialistes et communistes. Charles de Gaulle, en partie à son corps défendant, allait offrir sur un plateau aux communistes une opportunité historique unique de mettre en application cette stratégie. En 1944, de Gaulle fut chargé de bâtir un gouvernement provisoire d'après guerre dans un contexte où les communistes étaient incontournables sur la scène politique. Premier parti de France (ce que les élections d'octobre 1945 allaient confirmer), ils avaient joué un rôle majeur dans la résistance, ce qui leur conférait un pouvoir de nuisance extrêmement fort, peut être insurrectionnel, en cas de non prise en compte de leurs aspirations. Aussi les gaullistes durent ils largement partager le pouvoir avec les socialistes et surtout les communistes. C'est ainsi que Maurice Thorez fut nommé ministre de la Fonction publique en novembre 1945. Si l'on doit à ce gouvernement la funeste constitution de la IVème république, caractérisée par l'instabilité, une déclaration des droits de l'homme moins respectueuse des droits individuels que celle de 1789, et un haut niveau de corruption, on lui doit aussi le statut actuel de la fonction publique, qui eut au moins autant de conséquences néfastes pour l'avenir du pays, non pas uniquement à cause de la garantie de l'emploi donnée aux fonctionnaires, mais, ce que l'on sait moins, à cause du paritarisme qu'il a imposé dans la gestion des recrutements, des promotions et de la mise en œuvre des décisions politiques. Cette cogestion entre directeurs et syndicats a offert aux forces de gauche des opportunités massives pour placer leurs servants à des postes clé. L'éducation nationale n'échappera pas à ces stratégies, tout comme d'autres ministères comme l'information... Naturellement, avant de quitter le pouvoir en janvier 46, mis en minorité par la gauche sur le projet de constitution, De Gaulle était conscient de ces risques, aussi a-t-il réussi à intégrer au statut de la fonction publique des dispositions visant à limiter les risques d'infiltration : recrutement par concours, et création de corps de hauts fonctionnaires recrutés au sein de la toute nouvelle école nationale d'administration, sur laquelle nous reviendrons, et dont la direction était solidement tenue par les gaullistes, sous la férule notamment de Michel Debré. Si ces contre-pouvoirs ont sans doute permis d'éviter une mainmise marxiste totale sur l'administration, au prix d'autres inconvénients que nous verront plus loin, ils n'ont guère été décisifs pour empêcher une prise de pouvoir de fait des organisations syndicales les plus dures au sein de l'éducation nationale. C'est ainsi que les manuels d'économie du secondaire magnifient Keynes et ignorent Bastiat ou Hayek, que les messages délivrés par certains manuels d'histoire ou de géographie décrivent l'entreprise comme un lieu d'exploitation et d'oppression, et dépeignent la mondialisation exclusivement sous un angle négatif. Récemment encore, le Figaro publiait des reportages sur l'infiltration de l'école par l'organisation ATTAC, prolongement dans la société civile de tout ce que la politique compte d'adversaires acharnés de la démocratie libérale. J'ai moi même été confronté dans les années 70 et 80 à des professeurs engagés, voire enragés, qui n'hésitaient pas à profiter de leur poste pour transformer leur cours en séances d'endoctrinement. A un âge où de nombreux adolescents sont prompts à adopter une pensée plus émotive que rationnelle, puisque la construction de leur bagage culturelle est imparfaite, ces professeurs peuvent se montrer particulièrement efficaces pour bâtir de solides fondations anti-libérales chez les élèves, fondations qui non seulement assureront aux idées de gauche un support important mais qui rendront difficile toute d...
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