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Les alchimistes au pouvoir

Georges Lane Publié le 15 juin 2011
5868 mots - Temps de lecture : 14 - 23 minutes
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"Le XVIIème siècle a été le siècle des mathématiques, le XVIIIème celui des sciences physiques, et le XlXème celui de la biologie, Notre XXème siècle est le siècle de la peur". Ainsi s'exprimait Albert Camus dans "Ni victimes, ni bourreaux" en novembre 1946 (cf. Camus, A., Essais, La Pléiade, 1977, p. 351). Et Camus (photographie ci-contre) avait jugé quelques pages auparavant que : "[...] Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. [...] Pour sortir de cette terreur, il faudrait pouvoir réfléchir et agir suivant sa réflexion" (Ibid, p. 322) Que sera le XXIème siècle ? Car ils n'ont pas disparu malgré ce qu'en disent ou veulent faire croire certains - pensez simplement, par exemple, à la "loi Gayssot" ou à l'interdiction de fumer dans des restaurants et ici ou là -, la peur, l'étouffement et la terreur vont-ils perdurer dans tous les domaines et, en particulier, dans celui de la monnaie avec, entre autres, les banques centrales et l'interdiction de la convertibilité des substituts de monnaie bancaires en monnaie or ? Soit dit en passant, le passage des taux de change fixes aux taux de change variables ou prétendus tels - si cher à Milton Friedman - n'a rien changé. Personne sain d'esprit ne le sait et ne peut donc répondre à la question. Néanmoins, dans une tentative forcenée de l'éclairer, il faut s'appuyer sur des éléments certains. Dans le domaine de la monnaie et quoiqu'il soit méconnu, un élément certain mérite attention, c'est le suivant: depuis la décennie 1920, s'est déroulé un bouleversement à l'initiative des hommes de l'Etat des pays dits de l'Occident - j'y ai fait allusion dans mon billet précédent -, c'est l'interdiction de la convertibilité des substituts de monnaie bancaires en monnaie or (cf. le billet). Au lieu d'essayer de transformer du plomb en or comme s'y astreignaient les alchimistes d'autres disciplines, ils ont essayé et réussi à transformer des substituts de monnaie d'or bancaires en substituts de ... rien. Comme l'a décrit Jacques Rueff (1896-1978) (photographie ci-contre) à plusieurs occasions, le bouleversement résulte du fait que les hommes de l'Etat des pays de l'Occident sont parvenus à s'entendre pour manipuler la monnaie, sous l'influence qu'ils étaient des idéologies de l'économie dirigée, de l’intervention, du plan, dernière invention alors et à la mode des hommes de l'Etat du début du XXème siècle. Soit dit en passant, toute proportion gardée, une nouvelle mode comparable supplémentaire se développe aujourd'hui sous nos yeux avec la protection de l'environnement, de ce "gentil environnement" qu'il faut protéger contre les "méchants humains" et dont vont se charger les hommes de l'Etat des pays du monde entier., au moins certains l'espèrent-ils. Ce qu'ils n'avaient pu réaliser jusqu'alors avec succès, durablement et séparément, à l'échelon national, les hommes de l'Etat le réalisèrent progressivement de 1922 à la décennie 1940 à l'échelon de l'Occident, ce qui leur permit, en retour, de le réaliser à l'échelon national. Puis ils bouclèrent l'affaire, si l'on peut dire, après Yalta et 1944 : ils jugeaient avoir trouvé avec ce qui allait être vulgarisé sous la dénomination "étalon de change or", les moyens de toute nature pour verrouiller chaque niveau national par une banque centrale nationale étatique, un taux de change fixe de sa monnaie - avec seulement convertibilité extérieure - et une prétendue aide, le Fonds monétaire international (F.M.I.) créé pour l'occasion… Ils prirent ainsi la décision d'abandonner progressivement la référence unique de leurs monnaies nationales respectives à quelque chose que ne produisaient pas les autorités monétaires (l'or en l'espèce). Puis il convinrent de l'accord sur les "cours forcés", sur les "taux de change" ou les "prix des monnaies les unes par rapport aux autres", selon l'expression qu'on préfère. Nous sommes aujourd'hui au début de la décennie 2010. Après et malgré moult péripéties économiques prévisibles -et prévues, par exemple, par Ludwig von Mises ou Jacques Rueff- effets des manipulations étatiques de la monnaie, celles-ci perdurent en se renouvelant, ainsi que leurs effets néfastes : inflation mondiale hier, chômage européen aujourd'hui et crises de tous ordres à répétition désormais (cf. cette émission par exemple). Nous vivons peut-être surtout la dernière grande manipulation en date, à savoir l'expérience de l'euro. Cette expérience est une manipulation originale, "suprême". Des hommes de l'Etat ont, en effet, eu la prétention de mettre en oeuvre dans plusieurs pays d'Europe, c'est-à-dire d'imposer à vous et moi, une "monnaie unique" qu'ils dénomment, depuis décembre 1995, "euro" et qui a supplanté leurs monnaies nationales historiques respectives, certes obligatoires... Pourquoi "suprême" ? Parce qu'ils ont avancé, explicitement ou non, que le changement sera "irréversible" ! Soit dit en passant, on ne peut que s'étonner de cette démarche d'hommes qui, par ailleurs, invoquent à tout bout de champ, l'"Histoire". L'Histoire ne montre-t-elle pas que l'irréversibilité ne se décrète pas et ne témoigne-t-elle pas de la vanité des propos qui vont à l'encontre de celle-ci? Mais ils ne sont pas à une incohérence près. En d'autres termes, les règles de Droit et les lois économiques ne sont pas encore parvenues, par leur existence ou leur libre jeu, à imposer la raison aux hommes de l'Etat et à les faire renoncer aux malversations dans le domaine de la monnaie : leurs raisons priment toujours sur la raison. De ce point de vue, rien n'a changé depuis les propos d'Albert Camus. 1. Les alchimistes de la monnaie. Le fait est qu'ils ont pu lancer l'expérience suprême de l'euro car, aujourd'hui, conséquence des manipulations antérieures à quoi ils avaient procédé, la monnaie tient véritablement de l'alchimie pour le grand public. En France, l'illusion est si parfaite que le grand public la dénomme le plus souvent "argent" bien qu'elle ne soit plus ni en ce métal, ni en relation avec ce métal, depuis le début du XXème siècle. A ses yeux et à écouter ses propos, il semble, en effet, que la monnaie ne soit pas un bien échangeable comme un autre qu'il puisse demander ou offrir pour mener à bien ses actes d'échange, de paiement des échanges, à un coût toujours plus faible. Elle est davantage, comme il le lui est répété inlassablement, à la fois un objectif et un moyen de la politique, le cas échéant de la politique monétaire, dont les hommes de l'Etat, et les experts qu'ils appointent ou soudoient, fixent les caractéristiques, à la lumière de l'omniscience dont ils revendiquent, tacitement ou non, être dotés et que la réalité révèle pourtant illusoire en permanence. Ne peut être crédule sur tout cela quiconque a lu Le Péché monétaire de l'Occident (1971), livre où Jacques Rueff explique que le système monétaire international fondé sur les accords de la conférence de Gènes (1922) et la charte de Bretton Woods (1944) n'est jamais qu'une organisation consciemment dirigée qui est vouée à l'échec et voue l'Occident à l'enfer. Voyons ce qui explique ses conclusions. Au XXème siècle, les hommes de l'Etat des pays de l'Occident, sous tutelle des législateurs nationaux, ont donc édicté, chacun : - une interdiction à l'émetteur de monnaie qu'ils avaient privilégié, à savoir la banque centrale : c'est l'interdiction de la convertibilité-or, à vue, à la demande, à un taux fixe, des substituts de monnaie bancaires que le système bancaire émet; - une double obligation aux individus sur le territoire de leur autorité : c'est, d'une part, l'obligation d'accepter en paiement « la monnaie ainsi émasculée », « substituts bancaires de rien » et d'autre part, de l'utiliser pour effectuer des paiements. Et ils ont fait tout cela sans se préoccuper des destructions qu'occasionnaient ces réglementations et dont on avait beaucoup parlé au XIXème siècle, par exemple, Vilfredo Pareto (photographie ci-dessous) : "Une monographie encore à faire, qui serait fort intéressante, est celle de la spoliation depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Bastiat en a écrit un chapitre, mais n'a fait qu'effleurer une matière qui mérite d'être étudiée à fond. La spoliation s'exerçant directement de citoyen à citoyen a dû toujours être fort restreinte. […] Au contraire, la spoliation exercée à l'aide des pouvoirs publics a toujours fleuri parmi les hommes. [...] L'altération des monnaies a été de tout temps en honneur auprès des gouvernements besogneux [...] l'Etat éthique et moralisateur des socialistes de la chaire, a remplacé cet usage par celui du cours forcé des billets de rangée. [...] C'est surtout aux impôts indirects que l'Etat moderne demande les ressources dont il a besoin. Ce genre d'impôt n'était pas inconnu dans l'antiquité, mais jamais il n'y eut le développement qu'il a reçu de nos jours. Si les citoyens connaissaient exactement ce que leur coûte la machine gouvernementale, il est fort probable qu'ils se refuseraient à soutenir plus longtemps des dépenses aussi considérables et aussi peu productives pour leur bien-être ; il faut donc les tromper, et prendre...
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