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Les conditions du libéralisme (4) Cartels et monopole

Ludwig von Mises Extrait des Archives : publié le 04 novembre 2012
5090 mots - Temps de lecture : 12 - 20 minutes
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Ludwig von Mises.

7. Cartels et monopole Les adversaires du libéralisme prétendent que les conditions d'une politique libérale n'existent plus de nos jours. D'après eux, le libéralisme aurait été réalisable lorsque, dans chaque branche de production, plusieurs entreprises de même envergure se concurrençaient âprement. C'en est fait du libéralisme puisque de nos jours les trusts, les cartels et autres exploitations monopolistes dominent partout le marché. Le libéralisme n'a pas été détruit par la politique, mais par une tendance inhérente aux nécessités d'évolution du système de la libre entreprise. La division du travail amène la spécialisation de l'économie. Ce processus ne s'arrête jamais tant que se poursuit le développement économique. Il n'y a pas si longtemps qu'existaient encore des ateliers de construction qui fabriquaient des machines de toutes sortes. De nos jours, un atelier qui ne se cantonne pas exclusivement dans la fabrication d'un type déterminé de machines n'est pas compétitif. Avec le progrès de la spécialisation, le cercle que fournit chaque entreprise doit s'agrandir. Le cercle de clients d'une fabrique de draps qui ne fabrique que quelques variétés de toiles doit être plus grand que celui du drapier qui tisse toutes les variétés. Il est indéniable que l'évolution tend, par une spécialisation progressive de la production dans chaque domaine, à faire naître des entreprises dont les débouchés s'étendent dans le monde entier. Si l'on ne s'oppose pas à l'évolution par des mesures douanières ou par d'autres mesures anticapitalistes, un jour viendra où n'existeront plus, dans chaque branche de la production, que relativement peu d'entreprises (ou même une seule) dont le but sera de se spécialiser à l'extrême et de fournir sa production au monde entier. À l'heure actuelle, nous sommes bien entendu assez éloignés de cette situation, car la politique de tous les États vise à découper dans l'unité de l'économie mondiale de petits domaines dans lesquels, sous la protection de douanes et d'autres mesures tendant au même résultat, des entreprises qui ne seraient plus compétitives sur le libre marché mondial sont maintenues artificiellement ou même créées. En faisant abstraction des points de vue de politique commerciale, on fait valoir, en faveur de cette politique allant à l'encontre de la concentration des entreprises, qu'elle seule a empêché l'exploitation des consommateurs par des organisations monopolistes de producteurs. Pour examiner le bien-fondé de cet argument, supposons le développement de la division du travail dans l'ensemble du monde avancé à un point tel que la production de chaque article est concentrée dans une seule entreprise, de telle sorte que le consommateur n'a plus affaire qu'à un seul vendeur. Dans ces conditions, prétend une théorie économique peu réfléchie, les producteurs seraient en mesure de maintenir à leur guise les prix à un niveau élevé, de réaliser des bénéfices démesurés et de diminuer considérablement le pouvoir d'achat du consommateur. On reconnaît aisément l'absurdité de cette conception. Des prix de monopole, qui ne sont pas facilités par des interventions gouvernementales bien déterminées, ne peuvent être pratiqués de façon durable que par suite de la disposition des richesses et des énergies du sol. Un monopole de transformation visant des bénéfices plus importants que les bénéfices habituels inciterait à la création d'entreprises compétitives, dont la concurrence briserait le monopole et ramènerait les prix et les profits au niveau général. Des monopoles dans l'industrie de transformation ne peuvent pas se généraliser, car à chaque stade d'une économie le montant total de capitaux actifs et de main-d'oeuvre disponible et par conséquent aussi l'importance du produit social sont donnés. L'utilisation du capital et de la main-d'oeuvre pourrait être diminuée dans une branche particulière ou dans un certain nombre de branches pour maintenir – en face d'une production moindre – à un niveau plus haut, les prix unitaires et le gain total du ou des monopoles. Les capitaux ou la main-d'oeuvre ainsi libérés afflueraient dans une autre branche de production. Mais si l'on essaie de limiter la production dans toutes les branches afin d'obtenir des prix plus élevés, des travailleurs et des capitaux sont d'abord rendus libres et, par suite, viennent s'offrir à meilleur compte, incitant ainsi à la création de nouvelles entreprises qui, à leur tour, doivent briser à nouveau la position monopoliste des autres. L'idée d'un cartel et d'un monopole universels de l'industrie de transformation est par conséquent absolument irréalisable. Les monopoles authentiques ne peuvent être fondés que sur la disposition des richesses et des énergies du sol. Comme nous n'avons pas à nous expliquer longuement sur la possibilité de réunir en un monopole mondial toutes les surfaces arables du globe, nous n'avons à considérer ici que les monopoles qui naissent à la disposition des gisements minéraux utilisables. De tels monopoles existent déjà pour quelques minéraux de faible importance et l'on peut toujours imaginer qu'on essaiera avec succès de procéder de la même façon pour d'autres minéraux. Cela signifierait que les propriétaires de ces mines tirent du sol une rente foncière plus importante et que les consommateurs restreignent la consommation et cherchent un ersatz à la matière devenue plus chère. Un monopole mondial du pétrole conduirait à une utilisation accrue de l'énergie hydraulique, du charbon, etc. À considérer les choses du point de vue de l'économie mondial et sub specie aeternitatis, cela voudrait dire que nous devons ménager davantage les matières précieuses que nous pouvons seulement exploiter et non remplacer, que nous ne le ferions si tel n'était pas le cas; cela signifie aussi que nous devons en réserver plus aux générations futures que ne le ferait une économie affranchie de tout monopole. Le spectre du monopole, que lors des discussions sur le développement d'une économie libre, on agite sans cesse à nos yeux, n'a pas à nous inquiéter. Ne seraient réalisables en réalité que des monopoles relatifs à quelques articles de la production primaire. On ne peut décider si leur action est avantageuse ou désavantageuse. Pour les économistes qui, en examinant des problèmes économiques, ne savent pas se libérer des instincts d'envie, ces monopoles semblent pernicieux pour la raison déjà mentionnée qu'ils procurent aux propriétaires des bénéfices accrus. À considérer le problème sans parti pris on s'apercevra qu'ils conduisent à une utilisation plus parcimonieuse des richesses du sol dont l'humanité dispose en quantités limitées. Si l'on envie aux monopolistes leurs gains, on peut sans danger et sans avoir à attendre des conséquences désavantageuses pour l'économie, faire affluer ce bénéfice dans les caisses publiques par le truchement d'un impôt sur la route minière. Les monopoles nationaux et internationaux qui ont aujourd'hui une importance pratique se différencient fondamentalement des monopoles mondiaux par le fait qu'ils ne résultent pas de l'évolution d'une économie abandonnée à elle-même, mais sont plutôt le produit d'une politique économique antilibérale. La plupart des essais entrepris pour influencer de façon monopoliste le marché d'un article déterminé ne sont possibles que parce que les douanes divisent le marché mondial en de petits marchés nationaux. N'entrent plus en ligne de compte, à côté d'eux, que les cartels que peuvent former les propriétaires de certaines richesses du sol, parce qu'ils trouvent dans le cercle étroit de leur lieu d'exploitation, du fait des frais importants de transport, une protection contre la concurrence d'autres centres de production. L'erreur fondamentale qui est commise lorsque l'on juge des effets des trusts, des cartels et des entreprises approvisionnant seules le marché avec un certain article apparaît lorsqu'on parle de la « domination » du marché et du « diktat sur les prix » des monopolistes. Le monopoliste ne domine pas le marché, pas plus qu'il n'est en mesure de dicter les prix. On ne pourrait parler de domination du ma...
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