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Les faux mots.

Georges Lane Publié le 16 mai 2018
5169 mots - Temps de lecture : 12 - 20 minutes
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A une époque où les hommes de l’état se préoccupent des « fake news », ceux-ci devraient au moins faire semblant de s’interroger sur l’état de l’économie politique sur quoi ils donnent l'impression de porter intérêt. Ce qui n’est pas le cas. 1. Claude Parthenay. Dans un billet de janvier 2018, j'ai eu l'occasion d'écrire il y a une décennie, en 2008, que Claude Parthenay avait publié un livre intitulé Vers la refondation de la science économique (économie et argument transcendantal) aux éditions du Cerf (coll. La nuit surveillée) qui méritait attention. A partir de nombreux auteurs dont il présentait rapidement les propos, il montrait que les grands maîtres de la pensée économique échouent dans leur prétention à ériger un discours scientifique. Mais le problème de l'économie politique n'est pas, comme il l'a écrit, sa refondation par des savants borgnes dont les critiques acoquinés n'évoquent jamais cette dernière "qualité"… Le vrai problème est la dérive que connaît, depuis le XIXème siècle, cette science du fait des savants qui en arrivent au "n'importe quoi" actuel quand ils n'ont pas avancé, dès leur propos liminaire, ... qu'elle n'était pas une science. 2. Henri Guitton. Près de trente années plus tôt, en 1979, comme pour fêter ... les trente ans de L'action humaine, livre de Ludwig von Mises (ce qu'il ne fit pas), Henri Guitton (1904-1992), alors professeur de sciences économiques à l'université de Paris I Sorbonne, concluait le livre intitulé De l'imperfection en économie (Calmann-Lévy, col. "Perspectives de l'économique", série "critique", Paris), avec, en particulier, ces mots: "Il s'agissait de savoir ce qu'était l'objet de l'économie politique. La question reste actuelle, toujours la même, bien qu'elle s'exprime en termes nouveaux. Je me demande aujourd'hui si l'opposition que j'avais proposée entre - 'l'économie politique à l'image des sciences physiques' et - 'l'économie politique science de l'action humaine' ne garde pas sa valeur, mais dans l'atmosphère renouvelée par l'épistémologie contemporaine qui nous a permis de lever certaines ambiguïtés." (Guitton, 1979, p.225) Il était un des rares économistes de l'époque à ne pas mettre de côté l'école de pensée économique dite " autrichienne". Mais, avec les mots ci-dessus, il montrait qu'il se trompait de cible. 3. Vilfredo Pareto. Certes le scientisme qu'il évoquait était condamnable, mais l'était plus encore la priorité donnée par les scientistes aux résultats de l'action humaine sur l'action elle-même... ce dont il ne parlait pas et qui était, par exemple, au cœur des travaux de Vilfredo Pareto (1848-1923). C'est, en effet, le point de vue, largement repris aujourd'hui, d'où Vilfredo Pareto s'est placé dans son Cours d'économie politique de 1896-97 : "3. Notre étude a pour objet les phénomènes qui résultent des actions que font les hommes pour se procurer les choses dont ils tirent la satisfaction de leurs besoins ou leurs désirs. Il nous faut donc - d'abord examiner la nature des rapports entre les choses et la satisfaction de ces besoins ou de ces désirs, et - tâcher ensuite de découvrir les lois des phénomènes qui ont précisément ces rapports pour cause principale." (Pareto, 1896-97, §3). Il reste que, contrairement à ce que font croire ou que disent certains, aujourd'hui, commentateurs ou autres, au travers de ce qu'ils dénomment "optimum de Pareto", à cet égard d'un certain refus des mathématiques comme le soulignait, certes en note de bas de page, Arthur W. Marget en 1935 dans un article intitulé “The Monetary Aspects of the Walrasian System” (Journal of Political Economy, Vol. 43, No. 2, Apr., pp. 145-186), Pareto est exemplaire : . original : "Pareto's general attitude toward the use of mathematics for purposes of analysis rather than synthesis is typified by a remark in his obituary notice of Walras in the Economic Journal, XX (1910), 139: 'When mathematics are applied to particular problems of economic science, they lead merely to results more curious than useful. We should not err widely from truth in saying that, restricted within these limits, the use of mathematics in economic science is futile.' To be sure, Pareto did not mention Walras specifically on this occasion; but that he may have had reference to Walras, as well as to Marshall, may be deduced from remarks which he made on other occasions. See, for example, his cynical comments on Walras' proposals for the abolition of private property in land and for Indian monetary reform, in his 'Introduction' to A. Osorio, Théorie mathématique de l'échange (1913), p. ix. If it be objected that Pareto's skepticism, on this latter occasion, had reference, not to the possibilities of analysis with the help of mathematical tools, but merely to what I suppose he would have characterized as Walras' 'non-logical' desire to use economic analysis in order to improve the lot of mankind, I should merely point to Pareto's complete lack of sympathy with, or understanding of, Walras' analytical contributions to the field of monetary theory." . ma traduction : «L'attitude générale de Pareto à l'égard de l'utilisation des mathématiques à des fins d'analyse plutôt que de synthèse peut se caractériser par une remarque qu'il a écrite dans son article nécrologique de Walras dans l' Economic Journal, XX (1910), 139: 'Quand les mathématiques sont appliquées à des problèmes particuliers de la science économique, elles conduisent simplement à des résultats plus curieux qu'utiles. Nous ne devrions pas nous écarter trop de la vérité en disant que, dans ces limites, l'utilisation des mathématiques en science économique est futile.' A coup sûr, Pareto n'a pas mentionné spécifiquement Walras à cette occasion, mais qu'il puisse avoir fait référence à Walras, ainsi qu'à Marshall, peut se déduire de remarques qu'il a faites à d'autres occasions. Voir, par exemple, ses commentaires cyniques sur les propositions de Walras pour l'abolition de la propriété privée de la terre et pour la réforme monétaire indien, dans son "Introduction" à A. Osorio, Théorie mathématique de L'Échange (1913), p. ix. Si l'on objecte que le scepticisme de Pareto, à cette dernière occasion, se référait, non pas aux possibilités d'analyse à l'aide d'outils mathématiques, mais simplement à ce que je suppose qu'il aurait qualifié de désir "non-logique" de Walras d'utiliser l'analyse économique afin d'améliorer le sort de l'humanité, je soulignerais tout simplement le manque complet de sympathie, ou de compréhension, de Pareto avec les contributions analytiques de Walras au domaine de la théorie monétaire." Les adeptes actuels de la notion d'"optimum de Pareto" (cf. par exemple ce billet de juillet 2009) devraient avoir à l'esprit, en permanence, ces considérations. Ils devraient cesser d'imputer faussement la notion à Pareto. Ils devraient renoncer à la pratique d'introduire telle ou telle mathématique, choisie nécessairement arbitrairement, en économie politique pour l'étayer et essayer ainsi de faire de cette dernière une science comparable aux sciences exactes. 4. La mauvaise démarche... L'inculture que Guitton dénonçait implicitement (et qu'il avait déjà dénoncée en 1951, cf. texte critique d'A. Marchal) a peu évolué en France depuis lors (cf. ce texte d'août 2015). En particulier, l'économie politique dite "autrichienne" qui refuse expressément le scientisme, mâtiné ou non de mathématique, a toujours une méthode vue d'un mauvais œil par les prétendus bien-pensants (exemplaire a été le texte critique de A. Barrère). a. Les mots. On pourrait, d'ailleurs, ajouter dans la mauvaise démarche l'utilisation des mots. D’une part, Emil-Maria Claassen (1934-2014) avait insisté en 1970, dans un ouvrage intitulé l'Analyse des liquidités et sélection de portefeuille, sur la tendance regrettable qu'il avait pu constater, à savoir que: "L'habitude de commencer toute étude économique par un travail d'élucidation et de définition de certaines notions fondamentales tend de plus en plus à se perdre à l'heure actuelle" (Claassen, 1970, p.33) D’autre part, il y a près de cinquante ans, Fritz Machlup (1902-1983) écri...
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