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Moins de règles pour réguler mieux: en finir avec les accords de Bâle

Vincent Bénard Publié le 19 février 2009
4308 mots - Temps de lecture : 10 - 17 minutes
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Objectif Liberté

Les accords de Bâle (I et II) sont au centre de polémiques sur la solidité du système bancaire mondial. Entrés en vigueur en 1992 (Bâle I), modifiés au 1er janvier 2007 (II), ils étaient censés protéger les banques d'un risque de faillites en cascade. Une banque qui respectait les ratios définis par les accord de Bâle (Cooke 1992, puis Mc Donough 2007) était supposée suffisamment solide, et le système bancaire gouverné par de tels ratios était supposé stable. La crise actuelle vient de montrer à quel point cette approche mathématique de la gestion des banques s'est révélée inefficace. Car à n'en point douter, les fonds propres des banques étaient insuffisants pour couvrir efficacement les risques de pertes liés au dégonflement de la bulle de crédit que nous vivons. Voyons pourquoi, au delà du constat empirique, l'approche des accords de Bâle est mauvaise pour prétendre maîtriser le risque financier couru par les banques. Un modèle One size fits all pour toutes les banques Les ratios Bâle I et II ont été élaborés par un comité regroupant les gouverneurs des banques centrales du G10, en liaison avec les acteurs du secteur de la finance. Nous y reviendrons. Bien que les conclusions du comité n'aient en théorie pas de valeur légale, elles ont de facto été transcrites dans le droit de la plupart des autorités de supervision bancaire dans le monde. Ces ratios, dans leur dernière version (Mc Donough, une évolution paramétrique des ratios de Cooke sans changement de philosophie) stipulent que les "fonds propres" des banques doivent représenter 8% de leurs actifs "pondérés des risques". Tous ces guillemets méritent bien quelques explications. Les "fonds propres" en question ne représentent pas que les capitaux propres, mais la somme de ces capitaux (TIER 1) et ce que l'on appelle les "dettes subordonnées" (TIER 2), autrement dit les dettes dont le remboursement est subordonné au remboursement de toutes les autres dettes, bref, que les directions financières les considèrent comme du "quasi-capital". Les capitaux propres des banques proprement dits ne sont pas soumis à un ratio particulier, mais certains superviseurs nationaux comme la FDIC américaine imposent un minimum de 3%, voire 4% si l'actif de la banque présente certains profils de risque. Joyeuse dérive de la "créativité comptable" en vérité, qui consiste à assimiler de la dette à du capital, au motif que le créancier prend un risque intermédiaire entre celui du créancier "non subordonné" et celui de l'actionnaire. La dette subordonnée n'en reste pas moins remboursable et doit être considérée comme telle au bilan ! Bref, le ratio de fonds propres par rapport à l'actif "pondéré" retenu par les accords de Bâle, est caractéristique d'un modèle économique à très fort effet de levier ("leverage"), c'est à dire à très fort niveau d'endettement, synonyme de risque de faillite élevé en cas de tempête conjoncturelle, comme nous le voyons en ce moment. La norme impose en outre que ces fonds propres soient calculés à partir d'un actif "pondéré du risque". Autrement dit, plus un actif est risqué, et plus l'exigence de fonds propres est augmentée selon des coefficients parfaitement fixes, rigides, et arbitraires, définis dans ces documents PDF de la banque des réglements internationaux dont je recommande la lecture aux plus insomniaques d'entre vous. Ces coefficients dépendent de la notation émise par les agences agréées au niveau mondial, donc, en fait, par la SEC américaine, (S&P, Moody's, Fitch, principalement), sur les produits émis par les institutions financières. J'y reviendrai. Autrement dit, toutes les banques se voient imposer un business model hyper-leveragé encadré par les mêmes normes inflexibles, et leur actif est pondéré par des coefficients dont la manque de progressivité induit des effets de seuil dont nous verrons les effets dévastateurs. La première conséquence de l'encadrement de l'activité des banques par le ratio de Bâle II est de réduire la capacité réelle d'analyse des risques pris par les banques. En effet, le respect du ratio vient se substituer à l'analyse fine des risques contenus dans le portefeuille d'actifs d'une banque. Et surtout, l'application de ratios technocratiques à l'actif détenu par la banque donne à croire que le ratio prend en compte correctement le risque intrinsèque à chaque classe d'actifs et dispense d'une analyse plus fine de l'investisseur. Par conséquent, la réglementation tend à gommer la perception des différences qualitatives entre les portefeuilles de créances et d'investissement des banques. Aussi les prêteurs sont ils moins à même de faire la différence entre "bonnes" et "mauvaises" expositions au risque, et donc de moduler le taux auquel ils acceptent de prêter aux banques en fonction des risques réels figurant au bilan. Bref, l'application des accords de Bâle comporte, de par son principe, un mécanisme tendant à sous-estimer le risque encouru par les banques. Encore un mécanisme auto-correcteur des marchés délibérément endommagé par une réglementation étatique inadéquate. Bâle II et l'explosion des produits dérivés Ce phénomène déjà néfaste en lui même a été amplifié par un second aspect déjà développé ici: Bâle I et II (et les réglementations similaires en vigueur dans l'assurance) ont fortement augmenté l'incitation, pour les banques, à garnir leur portefeuille d'actifs de produits dérivés permettant de "transformer" -- je devrais dire"déguiser" -- un actif apparemment risqué (comme une collection de prêts "subprime", qui serait à la base mal notée) en une collection d'obligations de niveau de risque différent, dont une majorité notée « AAA » ou similaire que les banques pourront acheter sans être pénalisées au niveau de leur capital. Pour les banques, posséder des "tranches" AAA est important: en effet, l'étude des ratios réglementaires (cf. documents de la BRI déjà mentionnés) montre qu'une perte d'un niveau de notation sur une classe d'actifs peut augmenter mécaniquement l'exigence de fonds propres des banques concernées de plus de 20 ou 30% du total des actifs considérés. Or, la détention de fonds propres élevés est, dans toutes les économies occidentales, pénalisée fiscalement par rapport à la détention de dettes (cf. cette note essentielle, "passer d'une société du crédit à une société du capital"): les intérêts versés aux créanciers sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, alors que les dividendes versés aux actionnaires ne le sont pas. Sans cette distorsion fiscale flagrante, le recours à des taux de levier importants serait bien moins justifié, comme l'ont montré les travaux des prix Nobel d'économie Miller et Modigliani. Par conséquent, obtenir une note élevée pour ses actifs est essentiel pour une banque (et une compagnie d'assurances). Or, deuxième difficulté, une banque ou un assureur ne peuvent pas se contenter d'offrir des produits notés ...
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