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Ne pas écouter certains économistes?

Georges Lane Publié le 18 décembre 2013
3379 mots - Temps de lecture : 8 - 13 minutes
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Comment des économistes peuvent-ils faire entendre la vérité à propos des problèmes d'actualité? La question n'est pas originale. Par exemple, il y a plus de huit décennies, en 1929, Francis Delaisi s'inquiétait de l'écart qui existait sur cet entendement entre les industriels et des économistes. Il voulait faire lire à un ami industriel un livre de conférences d'Irving Fisher que ce dernier venait de prononcer en Suisse (cf. ce texte). Au coeur du livre, il y avait, en particulier, la proposition de Fisher suivant quoi: "Que l'or vaille mieux que le papier comme étalon monétaire, cela paraît aujourd'hui évident. Aucun banquier, aucun homme d'affaires ne le discute plus; mais l'un et l'autre résiste en revanche à l'idée qu'un progrès soit encore possible. Ils croient que l'étalon d'or représente le dernier sommet de l'histoire de la monnaie." On sait la suite: "le sommet a été suspendu" et, pour sa part, la France n'a plus de monnaie réglementée. Ce que Delaisi disait alors de cet entendement est d'une actualité brûlante aujourd'hui, rappelons d'abord ses propos avant de voir l'actualité. "J'ai voulu faire lire ce livre par un industriel de mes amis, homme fort cultivé, mais absorbé par d'importantes affaires. - Inutile, m'a-t-il répondu. Le titre m'en dit assez. Je veux bien admettre, puisque votre savant professeur américain l'affirme, que « l'étalon d'or est une illusion ». Mais, entre nous, cela m'est tout à fait indifférent. Il me suffit de savoir, si je vends une marchandise à l'étranger, que son prix en dollars me procurera toujours la même quantité de francs; et, que, si je fais un dépôt en francs dans une banque ou un prêt à une entreprise, je retrouverai à l'échéance, l'exact équivalent de ce que j'aurai prêté. En fait, depuis que le franc-papier est redevenu convertible en or, la sécurité de mes transactions, dans le temps comme dans l'espace, est assurée. Alors, que m'importent ces discussions sur l'étalon, la « valeur », etc., etc... Ce sont des spéculations d'économistes qui peuvent mettre en valeur l'ingéniosité d'un théoricien désireux d'entrer à l'Institut. Mais elles sont sans portée pratique. Et, comme je reposais mon livre, un peu déçu, il ajouta : - Ah! si votre éminent professeur américain, au lieu de s'attarder à des problèmes monétaires désormais résolus, occupait son talent à nous expliquer pourquoi, depuis quelques mois, notre balance commerciale est devenue brusquement déficitaire, voilà qui nous rendrait service! Car enfin la situation devient inquiétante : nos exportations diminuent, à la fois en poids, et en valeur - par contre nos importations augmentent. Les statistiques douanières accusent chaque mois un déficit considérable, que ni le revenu de nos capitaux à l'étranger, ni les dépenses des touristes ne parviennent à combler... Je sais bien que notre change n'est pas en péril. La Banque de France, depuis que la stabilisation a ramené chez nous les capitaux évadés, dispose d'une ample provision de devises. Mais, s'il nous faut cette année payer les 400 millions de dollars des stocks américains, il n'en restera plus guère. Cette situation ne peut pas durer. - Et comment l'expliquez-vous ? demandai-je. - Précisément, je ne me l'explique pas. Les prix sur le marché mondial n'ont pas changé sensiblement; le coût des transports est le même, le crédit est facile, et les tarifs douaniers des autres peuples sont restés invariables – du moins jusqu'à présent. C'est à n'y rien comprendre. Le Président de la Commission des Douanes a demandé à l'administration de faire une enquête... - Fort bien! Mais si la cause du mal n'est pas, comme vous le dites, dans les conditions du trafic, ne pourrait-on la chercher dans un phénomène monétaire - et par exemple dans une variation de la valeur de l'or. - Que voulez vous dire? l'or ne peut pas changer de valeur puisqu'il est lui-même, par définition, l'étalon de toutes les valeurs. - C'est précisément la question, répliquai-je. Et voilà pourquoi il serait peut-être utile de lire le livre du professeur Irving Fisher. - Ainsi, votre Américain prétend que l'or n'est pas un étalon? - Ce n'est pas à moi de refaire sa démonstration. Vous verrez qu'elle s'appuie sur des faits et conduit à l'évidence. Pour la commodité des échanges, il est convenu que la valeur des objets s'exprime en or. Réciproquement la valeur de l'or doit s'exprimer par la quantité d'objets qu'il peut procurer, c'est-à-dire par son pouvoir d'achat. Pour le mesurer, on fait le total des prix des marchandises les plus fréquemment échangées en un lieu et à un moment donné, et celui des mêmes marchandises en un autre lieu ou à un autre moment, et l'on calcule le pourcentage. - Je sais, dit l'industriel, c'est la méthode des nombres-indices. - Eh bien! si vous consultez les indices du dollar, établis par le Federal Reserve Board américain, vous constatez qu'il faut verser aujourd'hui en moyenne $ 138,5 pour avoir la même quantité de marchandises qu'on obtenait en 1914 pour $ 100. C'est donc que le dollar ne vaut plus maintenant 100 cents (en marchandises) comme autrefois, mais seulement 100 : 138,5 = 72 cents. Et pourtant le dollar-papier n'a jamais cessé d'être échangeable à la Banque contre la même quant...
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