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Plus ça change, plus c'est pareil.

Georges Lane Publié le 02 mars 2011
4488 mots - Temps de lecture : 11 - 17 minutes
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Il y a quarante ans, Raymond Aron (1905-83), philosophe, écrivait des éditoriaux dans Le Figaro. En janvier 1971, l’actualité monétaire dans le collimateur des politiques et autres commentateurs n’était pas l’excédent de la balance des paiements de la Chine communiste - comme il peut l'être aujourd'hui -, mais le déficit de la balance des paiements des Etats-Unis - et il l'est encore pour certains observateurs ...-. Des diagnostics différents sur les causes du déficit américain avaient même amené depuis peu les autorités américaines à changer le mode de calcul du solde comptable et à faire un calcul sur une base alternative dite l’une « des règlements officiels » et l’autre « des liquidités ». Ce changement et ses causes ne sont pas sans anticiper sur les diagnostics différents sur les causes de l’excédent chinois qu’a pu faire le dernier G20, l’autre semaine, et sur l’accent qu’il a mis - avec l’assentiment diplomatique des autorités chinoises -, sur une composante de la balance des paiements chinoise, à savoir la "balance des transactions courantes". Bien plus, un vent nouveau paraît aujourd’hui souffler dans les réunions monétaires du type "G20" et vouloir réanimer l’idée des droits de tirages spéciaux (D.T.S.), monnaie institutionnelle émise par le Fonds monétaire international (F.M.I.) les années 1970, 71 et 72. Or c’est tout juste il y a quarante ans que la première grande allocation de D.T.S. aux pays membres du F.M.I. venait d’être réalisée. Je vous propose ci-dessous deux textes de Raymond Aron des 10 et 11 janvier 1971 faisant une espèce de point sur la double question du déficit de la balance des paiements des Etats-Unis et de l’existence de la toute nouvelle monnaie institutionnelle « D.T.S. ». 1. L’alchimie des chiffres Le Figaro, 10 janvier 1971. Depuis mars 1968 et l'instauration du double marché de l'or, la « crise du dollar » ou la « crise du système international des payements » a quitté la première page des journaux pour redevenir un sujet réservé aux spécialistes. Les difficultés du franc, après les événements de mai 1968, ne permettaient plus aux hommes d'Etat français d'exprimer publiquement leurs critiques. Les autres gouvernements d'Europe avaient toujours accepté, sans trop de mauvaise humeur, le règne du dollar. Enfin le système des deux marchés, au bout de quelques mois, se révélait moins vulnérable que beaucoup d'experts ne l'avaient pensé à l'avance. Le gouvernement d'Afrique du Sud finit par conclure un accord avec le Fonds monétaire international qui l'autorise à vendre à celui-ci l'or nouvellement extrait lorsque le prix sur le marché libre risque de tomber au-dessous du prix officiel, devenu prix-plancher. Si nous laissons de côté les particularités techniques de l'accord, celui-ci équivaut à une sorte de reconnaissance d'un prix minimum — le prix officiel — qui n'exclut pas la montée du prix sur le marché libre, montée qui, jusqu'à présent, demeure limitée par l'obligation faite au gouvernement d'Afrique du Sud d'y vendre son or dès que le cours y dépasse 35 dollars l'once. Le maintien du prix libre au-dessus du prix officiel n'en reste pas moins possible et presque naturel : le gouvernement d'Afrique du Sud choisit le moment favorable pour vendre les quantités d'or nécessaires à l'équilibre de sa balance des comptes. De plus, le maintien approximatif du prix libre alors que le dollar se dévalorise depuis trois ans de 4 à 5 % par an rend le prix de l'or métal de plus en plus avantageux. La demande d'or pour des emplois non monétaires doit augmenter. Les thésauriseurs n'ont pas disparu, ils gardent en dépit de tout l'espoir qu'un jour l'or retrouvera sa fonction de « conservation des valeurs ». Bien que le métal, d'année en année, perde une fraction de son pouvoir d'achat, il continue d'exercer sur une fraction du public une fascination économiquement « irrationnelle ». Il se trouve des Français pour acquérir des louis à quelque 50 % au-dessus du prix correspondant à celui du lingot. Au cours des trois dernières années, l'évolution de l'étalon-or (ou de l'étalon de change or) à l'étalon-dollar semble donc avoir atteint son terme. La revalorisation du mark symbolise, au même titre que le double marché de l'or, l'ordre nouveau : si le dollar se dévalorise plus vite qu'une autre monnaie, c'est à cette dernière qu'incombe la tâche de rétablir l'équilibre par la réévaluation, non au dollar par la dévaluation. Nombre de monnaies ont leur valeur fixée en dollar, non en or. Elles devraient se dévaluer en même temps que le dollar. De plus, une dévaluation de la monnaie américaine entraînerait une modification du prix officiel de l'or que les responsables, à Washington, veulent éviter par principe : la stabilité du rapport or-dollar accentue le caractère conventionnel du prix du métal, devenu une sorte de monnaie de compte. En tant que monnaie, l'or différait du papier par le fait qu'il possédait une valeur intrinsèque, une valeur de marchandise. Marx, avec la plupart des classiques, définissait sa valeur par la quantité de travail nécessaire pour le produire, c'est-à-dire pour l'extraire. En empêchant le prix de l'or monétaire de fluctuer, les dirigeants américains lui enlèvent en apparence sa qualité de marchandise : sur le marché libre, l’or-métal fluctue ; dans les relations entre banques centrales, l'or-monnaie, abstraction comptable, demeure stable, du moins en dollar. Il va de soi en effet, que la revalorisation du mark par rapport au dollar entraîne du même coup sa revalorisation par rapport à l'or. Ajoutons enfin que les droits de tirage spéciaux (D. T. S.) ont été « activés » en 1970 pour la première fois. Le Fonds monétaire, avec l'assentiment de la communauté monétaire internationale, a créé environ 3 milliards de dollars des réserves supplémentaires — premier exemple de création d'un instrument, plus proche d'une monnaie internationale que d'un crédit, par décision d'un organisme international. La justification officielle des D.T.S. était la disparition ou la réduction du déficit américain de la balance des comptes. Le déficit n'a pas disparu, il n'a pas diminué mais il finit par échapper au profane en raison de la dualité des modes d'évaluation: selon que le calcul se fait sur « la base des liquidités», ou « selon les règlements officiels », le déficit se transforme en excédent on inversement. Les comptes extérieurs des Etats-Unis comportaient un excédent de 2,7 milliards de dollars en 1969, selon les règlements officiels. Ils comportent un déficit de 9,5 milliards en 1970. En revanche, selon l'autre mode de calcul (« liquidités »), le changement est de sens contraire; le déficit, encore supérieur à 4,5 milliards, devient inférieur à celui de 1969. Si l'on s'en tient aux règlements officiels, le montant du déficit est égal au montant des créances supplémentaires en dollars, détenus par des organismes officiels étrangers, avant tout les banques centrales. Selon l'autre mode de calcul, on tient compte des créances détenues par des personnes privées et les banques. Or, quand les taux d'intérêt sur le marché des eurodollars sont très élevés, comme en 1969, les...
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