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Pour en finir avec la diabolisation de l'étalement urbain

Vincent Bénard Publié le 21 octobre 2008
5031 mots - Temps de lecture : 12 - 20 minutes
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Objectif Liberté

Les lieux communs sont des expressions simplificatrices porteuses d'idées implicites tellement galvaudées que plus personne ne pense à s'interroger sur leur réelle pertinence. En politique, les lieux communs sont d'usage fréquent, car ils permettent de tenir lieu d'ersatz d'intelligence aux politiciens les plus incultes. Malheureusement, leur acceptation sans examen critique par la population permet à ces mêmes politiciens, et surtout aux lobbys qui vivent des conseils qu'ils leur prodiguent, de justifier des mesures souvent coûteuses, attentatoires aux libertés individuelles, et aux résultats parfois catastrophiques. Le lieu commun, tel que le réchauffement climatique, la folie des marchés financiers, le transport multimodal ou le développement durable, est rabâché aux populations par un matraquage politico-médiatique sans relâche. Nombre d'idiots utiles du lieu commun s'auto-intoxiquent des préjugés sous-jacents au point d'en devenir des zélotes quasi religieux. Dans les entreprises, des séminaires lieu-communards sont organisés pour lobotomiser, pardon, "sensibiliser" les troupes aux nouvelles valeurs lieu-communistes que l'entreprise adoptera dans son énième plan stratégique. Le lieu commun est la plaie de la vie intellectuelle, sociale et politique. Or, le lieu commun y est omniprésent. Il est donc essentiel, bien que la tâche soit souvent malaisée, de confronter les lieux communs aux faits. Pour commencer, je vais m'attaquer à un lieu commun peu connu du grand public: l'étalement urbain, dont certains voudraient nous faire croire qu'il constitue l'une des pires menaces contre la qualité de vie, l'environnement, la faim dans le monde, et la stabilité climatique. Non, je n'exagère pas ! L'étalement Urbain, une fausse menace à démystifier d'urgence L’étalement urbain (en Anglais, "sprawl") est un des grands lieux communs de l’urbanisme et de l'aménagement du territoire aujourd'hui. C'est un sujet dont le grand public se fiche éperdument, ce qui permet à des politiciens et des technocrates de se saisir de cette problématique pour tenter de planifier les utilisations futures de la terre. Pourquoi s'en prendre à un lieu commun d'ordre apparemment aussi secondaire, me direz vous ? Parce qu'il n'est pas aussi secondaire que cela. Au nom de la lutte contre l'étalement urbain, ont été prises par le passé des décisions qui coûtent aux ménages Français plusieurs milliards d'Euros chaque année. La lutte contre l'étalement urbain est la justification principale des politiques de planification spatiale en vigueur en de nombreux endroits du monde (exemple: "smart growth policies" américaines) et qui aboutissent à rationner le foncier constructible des zones géographiques concernées, conduisant à la formation de bulles immobilières lorsque la demande de logement est très solvable. Ces bulles, non contentes d'organiser un vaste transfert de richesses des classes moyennes vers les catégories plus aisées, ont été sans aucun doute sinon les initiatrices, du moins les amplificatrices de la crise des subprimes. (pour mes nouveaux lecteurs qui ne voient pas le rapport entre lutte contre l'étalement urbain et crise des subprimes, en voici mon explication, et, si cela ne vous suffit pas, celle du récent prix Nobel d'économie Paul Krugman). Manifestement, extrêmement rares sont ceux qui font la relation entre ces politiques et la crise actuelle, dont les causes sont si complexes et multiples que personne -- sans me vanter, peut être... moi ? -- ne semble avoir une vision intégrale de tous les mécanismes qui y ont contribué. Aussi les politiques de lutte contre l'étalement urbain, sous de multiples prétextes de nature le plus souvent environnementale, continuent d'être promues par nos gouvernements, sous des formes diverses. La Californie, pourtant touchée par la plus forte bulle immobilière jamais rencontrée de mémoire d'économiste, envisage de renforcer ses lois anti-étalement. Cela pourrait nous être indifférent, mais la situation de l'hexagone n'est guère meilleure, puisque le "Grenelle" de l'environnement a consacré la lutte contre l'étalement urbain comme une absolue nécessité, afin de réduire, soi disant, nos rejets de CO2, ce qui ne peut que . Il est donc urgent de se demander si les problèmes imputés à l'étalement urbain constituent bel et bien les calamités que les publications d'urbanistes professionnels nous dépeignent, et si les risques environnementaux inhérents à l'étalement urbain valaient bien quelques dizaines de milliers de SDF de plus et l'effondrement du système financier international. Avec l'aide de Christian Julienne, président du Think Tank Héritage et progrès, et ancien professionnel de l'immobilier, dont je m'inspire très largement (*), revisitons la mythologie que les professionnels de l'urbanisme bureaucratique propagent allègrement. Plus qu'un lieu commun : une mystification ! On trouve le terme à connotation péjorative "étalement urbain", préféré à "expansion urbaine" -- trop flatteur ! -- dans tous les discours sur le sujet, avec quelques synonymes qui se veulent tout aussi méprisants : La "consommation d’espace" est un concept biaisé et intellectuellement déficient. L'espace est utilisé de mille et une façons, il est inepte d'affirmer que certains de ces usages constituent une "consommation", et pas d'autres. Ceux qui utilisent ce concept considèrent généralement que l’urbanisation consomme de l’espace, alors que l’agriculture ou la sylviculture ne le font pas. Cette distinction ne peut que résulter d’un préjugé négatif vis-à-vis de l’urbanisation, phénomène il est vrai parfaitement nuisible du point de vue d'un éco-planificateur, puisqu’il ne sert qu’à loger et à procurer des bassins d’emploi à de misérables êtres humains. La "destruction des sols" du fait de l’urbanisation, à rapprocher de la "consommation d’espace", et tout aussi biaisée. Par définition, le sol n’est jamais "détruit" ! Par contre, bien sûr, les sols voient leurs usages se transformer avec le temps. L’ "artificialisation des sols" est un concept tout aussi absurde car, en dehors des massifs montagneux, des glaciers et de quelques forêts primitives, tous les sols sont artificiels à des degrés divers. L'on peut toutefois le définir assez justement comme les sols qui ne peuvent être rendus à l'état de "pure nature" par simple abandon. C’est cette définition qui sera reprise par la suite. Ces définitions induisent, dans l'esprit de ceux qui les utilisent, l'idée que certaines utilisations de l'espace disponible auraient moins de valeur que d'autres, la valeur n'étant ici pas jugée à l'aune d'un calcul économique ou d'une analyse scientifiquement rigoureuse, mais des préjugés environnementalistes ou naturalistes en vigueur. Depuis que l’homme a créé les premiers villages, il y a eu "étalement urbain". L’habitat a été longtemps concentré dans des villages et des villes protégées contre les invasions puis contre le brigandage, qui ne cessèrent vraiment qu'au tournant de la restauration. Dès que les hommes ont pu se passer de murailles, ils ont sans cesse agrandi et élargi leur espace voué à l’habitat et la vie collective. Selon les recherches historiques de Christian Julienne, déjà cité, voici comment ont évolué les utilisations non agricoles de l’espace au cours des temps : "De 1600 à 1945, l’occupation (Nd. Oblib’ : comprendre « artificialisation », au sens des anti-étalement…) de l’espace par l’homme passe d’environ 1 % à 4 % du territoire national. Avec 26 millions d’habitants (sans la Savoie, Nice et l’Alsace-Lorraine) les Français, ruraux à 84 %, occupaient déjà environ 1 % de l’espace au XVII et au XVIIIème siècle, non pas en raison des villes, enfermées dans leurs remparts, mais par l’importance des villages, châteaux, églises, cours de fermes, bâtiments agricoles, basses-cours, aires de battage, chemins ruraux, industries et artisanats agricoles divers. Cette proportion est restée assez stable jusque dans les années 1840/1850, la France ayant pris vingt ans de retard par rapport à l’Angleterre pour son urbanisation. C’est entre 1850 et 1920 que les Français commencent à occuper un espace plus important avec l’extension du chemin de fer (le réseau passe de 5 000 à 49 000 kilomètres), la construction des usines hors ...
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