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Prétendre jusqu’à une fin amère

James Howard Kunstler Publié le 01 février 2016
6683 mots - Temps de lecture : 16 - 26 minutes
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Prévisions pour 2016 Cet article comporte un élément suprême que vous devrez garder en tête à tout moment : une société (soit une économie et une politique, ou économie politique) qui repose sur une dette qui ne sera jamais remboursée est certaine de faire faillite. Ses institutions finiront par cesser de fonctionner. Ses activités commerciales s’enraieront. Ses dirigeants se démoraliseront. Ses citoyens prendront les choses en main et se soulèveront. Et son capital s’évaporera. Compte tenu de l’étape de l’Histoire humaine que nous traversons aujourd’hui – le dépassement de l’ère techno-industrielle – cet effondrement ne sera pas facile à surmonter. Il ne ressemblera en rien aux reprises assez aisées qu’ont traversées le Japon et l’Allemagne après le fiasco brutal qu’a été la seconde guerre mondiale. La situation est allée trop loin, et de bien des manières. L’effondrement à venir réinitialisera les termes de la vie civilisée à un niveau largement pré-industriel. Il ne nous reste plus qu’à voir jusqu’où nous rebrousserons chemin. Ces termes pourraient être quelque peu négociables si tant est que nous acceptions la réalité de cette réinitialisation et y soyons préparés. Mais hélas, une majorité des individus qui sont encore aujourd’hui capables de réflexion préfèrent le techno-narcissisme à un examen réaliste de notre monde d’aujourd’hui – ils attendent passivement que leur arrivent miraculeusement des remèdes technologiques (« ils » finiront bien par « trouver une solution ») qui permettront aux rackets actuels de se poursuivre. Ainsi, les voitures sans chauffeur permettront aux vastes étendues suburbaines de continuer de fonctionner en tant qu’environnement le plus adapté à la vie humaine ; la médecine moléculaire éliminera la finalité qu’est la mort des affaires humaines ; des sources énergétiques encore inconnues nous permettront de conserver les petits conforts qui nous sont familiers ; et les tours de passe-passe financiers continuels nous fourniront le capital nécessaire à tout cela. Au passage, il est un deuxième élément auquel nous devrions prêter attention : une majorité des activités qui ont aujourd’hui lieu aux Etats-Unis se sont transformées en rackets, ou en combines malhonnêtes d’accumulation de bénéfices, une réalité qui est plus évidente et nauséabonde dans les domaines de la médecine et de l’éducation que nulle part ailleurs. Et ce sont là deux domaines dont le système d’opération de base présente à l’origine les vertus les plus sacrées que nous ayons pu développer au cours de notre brève Histoire de civilisation : devoir, diligence, et j’en passe. Je prédis depuis un certain nombre d’années déjà que ce consortium de rackets finira par nous mener vers un échec certain. Et jusqu’à présent, rien ne semble s’être produit, du moins rien de bien catastrophique. Je maintiens toutefois que tous les systèmes complexes dont dépendent notre vie contemporaine et nos finances sont plus dénués de réalité que n’importe quel autre système, et sont donc plus enclins à s’effondrer les premiers. L’un des éléments les plus marquants de ces dernières années a été la capacité pour la hiérarchie bancaire d’employer la fraude comptable pour éviter le moindre éveil à l’ampleur majestueuse de notre dette impayable. La leçon qu’en tirent certainement ceux qui encouragent le triomphe de la fraude est que le mensonge fonctionne, et pourra fonctionner indéfiniment – ou du moins jusqu’à ce qu’une culpabilité claire ait été définie, après que les plus gros perpétrateurs seront morts ou à la retraite, ou que leur crime sera devenu trop ancien pour être puni. Voilà qui en dit long sur la société que nous sommes devenus. Le racket est devenu une norme omniprésente, et la possibilité d’échapper aux conséquences de ses actes personnels a été élevée au rang de compétence enviable. En réalité, l’art de l’évasion est venu remplacer ce que nous appelions autrefois l’honneur. Nous vivons dans un monde qui n’honore plus que les plus petits des Hommes. Ironiquement, nous ne tendons plus qu’à admirer les superhéros, parce qu’il nous est aujourd’hui impossible d’imaginer des Hommes faire preuve de courage, de fortitude et de respect pour la vérité. Tout comportement est provisionnel et équivoque. Chaque loi peut être utilisée pour servir ce qu’elle a été destinée à combattre. Tout est possible, et plus rien n’a d’importance. En cette fin d’année, je tenterai d’expliquer ce que nous avons traversé jusqu’à présent, où nous en sommes aujourd’hui, et vers où je pense que nous nous dirigeons. Ma méthode d’étude est nouvelle et heuristique. Je suis allergique aux tableaux et aux graphiques, qui sont les outils premiers utilisés par les racketteurs et les impressarios d’idées chimériques pour manipuler la réalité. Les analyses statistiques servent également l’idée que s’il vous est possible de quantifier suffisamment de choses, vous avez aussi le pouvoir de les contrôler (et si vous les mesurez mal de votre propre intention, vous pourrez prétendre avoir pris le contrôle). Cette illusion de contrôle est l’ingrédient le plus instable du système financier. Quand nous nous rapprocheront du point d’échec, une véritable calamité se profilera à l’horizon. Je suis bien plus intéressé par le long terme que par le moment présent. La succession des évènements inclue généralement plus de vecteurs et de facteurs que n’importe quel calcul. Les conséquences se détachent facilement du linéaire. C’est finalement un exercice qui pourrait être appelé raconter l’Histoire du futur – ou tout simplement raconter une histoire. Le système bancaire et les marchés Le gros évènement de l’année dernière a été la mise en scène d’En attendant Godot par la Fed autour de la question des taux des fonds fédéraux. Quand Godot s’est finalement présenté deux semaines avant la nouvelle année, il ne l’a fait que sous la forme attendue mais bien triste à voir d’une hausse « de 25 à 50 points de base » – qui nous donne l’impression d’une possible hausse de 50 point de base, mais devrait se trouver frapper au plus bas de l’échelle (sans oublier que les taux de prêt à un jour étaient déjà de quelques points de base au-dessus de zéro, ce pourquoi la hausse nette sera en réalité de moins de 25 points de base). Le contexte de cette mascarade a été évident aux yeux de tous ceux qui n’ont pas eu le cerveau endommagé par des heures de parties de Candy Crush sur leur téléphone : la Fed a fait grimper les taux malgré une économie globale chancelante ; elle a été forcée d’agir en fin d’année sans quoi elle aurait perdu ce qui lui restait de crédibilité ; et a laissé la porte ouverte à un possible battement en retraite en 2016. Mais les dommages ont déjà été causés. La Fed a été exposée telle une machine de propagande impuissante face aux courants véritables de l’économie, qui n’a généré que méfaits et incompréhensions et a fini par mettre à mal ce qu’il restait du lien solide qui existait autrefois entre la monnaie et l’activité humaine. Tout ce qui sera fait au cours de cette année d’élections présidentielles sera observé avec la plus grande suspicion, notamment pour ce qui sera des préparations au couronnement d’Hillary Clinton. Ses relations avec les grosses banques sont bien comprises. C’est pourquoi la Fed a dû agir en décembre. Les marchés boursiers ont quelque peu décliné cette année, à l’exception du Nasdaq, qui a gagné plus de 5% (vive la grandeur technologique !) – malgré un accroc à la fin de l’été qui a vité éte repris par le refinancement de ses marchés des actions et la manipulation de sa devise par la Chine. L’or et l’argent ont poursuivi leur déclin pour une quatrième année consécutive, ce grâce aux ventes répétées de contrats à termes orchestrées aux heures creuses, avant même que les traders new-yorkais ne soient sortis du lit. N’importe quel graphique peut prouver de ces activités suspicieuses, ce qui nous pousse à nous demander pourquoi un vendeur chercherait à réduire le prix de vente de son produit en vendant sur un marché à une heure où aucun acheteur n’est présent, ou même éveillé. La réponse semble être la suivante : pour donner au dollar plus de lustre qu’il n’en a réellement. Les nombreuses années de politiques de taux d’intérêt à zéro pourcent, combinées à l’accumulation d’une dette qui ne sera jamais remboursée, ont rendu plus difficile encore l’émission de dette susceptible d’être un jour remboursée. Mais les taux d’intérêt zéro ont aussi nullifié la relation entre les taux d’intérêt et le risque. Dans un système qui ne serait pas encombré par les interventions des banques centrales, les taux d’intérêt devraient être portés bien plus haut sur des instruments aux perspectives si décevantes. Bien évidemment, une hausse des taux d’intérêt ne ferait que rendre les nouvelles obligations bien moins susceptibles d’être respectées par leurs émetteurs, et notamment par les gouvernements qui s’affairent sous des montagnes de dettes de la taille de l’Himalaya. Les tensions que présente cette équation ont été provisoirement dissimulées sous des piles de papier au travers des swaps de taux d’intérêt et d’autres machinations absconses et produits dérivés destinés à supprimer la véritable découverte de prix. La frénésie de rachat d’actions des entreprises survenue en 2015 a été l’exemple parfait de la théorie selon laquelle tout peut arriver, et plus rien n’a d’importance. Tout le monde s’en est aperçu. Cette frénésie de rachat s’est développée simplement pour assurer aux directeurs de corporations le maintien de leurs bonus, et personne ne s’en est plaint. En termes d’indices, elle n’est parvenue à rien. Les marchés ont continué de stagner malgré la prise en main des insiders, parce que les bases fondamentales sont catastrophiques, et que l’économie globale entrait alors très évidemment en phase de contraction déflationniste. Mes lecteurs ne dérivent généralement qu’hilarité de mes tentatives annuelles de prédire le comportement des marchés boursiers. J’aimerais donc ajouter à leur plaisir en me montrant aujourd’hui plus précis encore. Je suis d’avis que le S&P atteindra un sommet le 15 janvier 2016 à 21h42, et s’effondrera ensuite pour passer en-dessous de 1.000 points avant juin. Le carnage qui se profile aujourd’hui aux marges du marché des obligations se propagera jusqu’en son cœur pour que nous voyions enfin réévalué le risque s...
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