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Québec : le vent socialiste venu du sud

Martin Masse Publié le 04 juin 2010
3712 mots - Temps de lecture : 9 - 14 minutes
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Le Quebecois libre

Comme tout le monde le sait, les États-Unis sont un pays mesquin dominé par le capitalisme sauvage, où les pauvres meurent de faim dans les rues ou de maladie aux portes d’hôpitaux dont ils ne peuvent payer les traitements, et où l'individualisme est si prononcé qu'on ne permet pas à l'État de mettre en place les programmes sociaux qui mettraient de l'ordre dans cette jungle sauvage. Au contraire, nous au Canada vivons dans un pays plus généreux et aimable, où l'harmonie sociale, le partage et la compassion sont la norme. Nos gouvernements n'hésitent jamais à intervenir pour qu’il y ait une mesure d'équité et d'égalité dans la vie de la communauté. De plus, il y a toujours eu un large consensus quant au besoin de maintenir et améliorer nos programmes sociaux exceptionnels. Nous devons être fiers de cette identité qui nous définit en tant que Canadiens et la protéger des mauvaises influences qui viennent du sud. Si au moins les Américains pouvaient se civiliser un peu plus et adopter les mêmes valeurs... Importations américaines Eh bien, si c’est ainsi que vous voyez la situation, pensez-y de nouveau. Ce n’est pas la réalité mais seulement le discours officiel de la propagande nationaliste canadienne. La réalité est un peu plus embrouillée. Oui, l’idéologie américaine officielle, telle qu'elle est exprimée dans la Déclaration d’indépendance, promeut « la vie, la liberté, et la recherche du bonheur », tandis que nous, avec notre héritage mixte issu des collectivismes français et tory loyaliste, préférons dans notre constitution mettre l’accent sur « la paix, l’ordre et le bon gouvernement ». Mais ce ne sont là que des slogans, et à travers l’histoire de nos pays les choses ne sont pas passées ainsi. Du moins pas avant il y a quelques décennies. C’est ce qu’explique William Watson dans Globalization and the Meaning of Canadian Life. Cet excellent livre, publié en 1998, traite surtout des effets de la mondialisation de l’économie sur les pays et des types de politiques que le Canada devrait adopter pour que ses citoyens soient prospères. M. Watson, professeur d’économie à McGill et chroniqueur au National Post et à The Gazette, soutient que contrairement à ce que disent plusieurs théoriciens de la mondialisation, les pays ne sont pas tous en train de devenir identiques, et nous restons libres de choisir le type de gouvernement que nous voulons. Mais « nous devrions choisir ce qui est bon pour nous, non ce que nous sommes habitués de choisir, ni ce que nous croyons devoir choisir parce que notre tradition l’exige, ni, ce qui est le pire, ce qui n’est pas choisi par nos voisins du sud. » Bien sûr, M. Watson est en faveur de politiques fondées sur les principes du marché libre et d’un gouvernement dont l’intervention est limitée. Il explique que l’identité canadienne fondée sur l’interventionnisme et le protectionnisme est en fait un mythe, et que nous ne nous distinguons pas des Américains en tentant de devenir plus socialistes, puisque les Américains sont passés par là avant nous. Dans deux chapitres intitulés The American Governmental Habit et The American Lead, il montre comment, dans divers secteurs de l’économie et de la société, les nouvelles manies à caractère interventionniste et collectiviste ont d’abord été en vogue au sud de la frontière. Elles n’ont seulement été introduites au Canada que plus tard. Si la perspective est si déformée aujourd’hui, c’est parce nous avons malheureusement succombé plus qu’eux ne l’ont fait à l’attrait des solutions étatistes dans la seconde moitié du XXe siècle. Nous avons maintenant un gouvernement fédéral bien plus gros que le leur. Une banque et un impôt Des impôts sur le revenu élevés font partie de ce qui nous distingue des Américains. Compte tenu du fait que nous aimons tant être taxés, nous avons certainement dû mettre en place cette forme de vol légal avant que les Américains le fassent. C'est faux! Les États-Unis avaient un impôt sur le revenu et une banque centrale avant le Canada. […] dans la première décennie du XIXe siècle, le Congrès a mis sur pied une banque nationale, la Banque des États-Unis, entreprise qui était propriété conjointe des secteurs privé et public. Elle a été conçue pour aider à réguler le cours de la monnaie et les questions budgétaires, même si elle était loin de remplir les fonctions d’une banque centrale moderne. Dans les années 1830, la Seconde Banque des États-Unis, qui lui a succédé, a été dépouillée de sa capacité à influencer les marchés par le président populiste Andrew Jackson. Toutefois, dans les années 1860, on a réintroduit une mesure de contrôle au niveau fédéral. Et en 1913, vingt-deux ans avant la création de la Banque du Canada, le Federal Reserve Act a donné à Washington, au moins théoriquement, le plus grand contrôle sur sa monnaie nationale qu’un gouvernement puisse souhaiter avoir. Mille neuf cent treize a aussi été l’année où les Américains ont amendé leur constitution afin de permettre qu’il y ait un impôt sur le revenu. Un tel impôt avait été mis en vigueur sur une base temporaire durant la Guerre de sécession, et le Congrès en avait de nouveau décrété un en 1894. Cependant, plus tard, la Cour Suprême l'a déclaré inconstitutionnel, parce qu’il mettait en place différents niveaux d’imposition pour différents types de citoyens. Cela violait une exigence de la constitution: traiter chaque citoyen de façon égale devant la loi. Notre propre impôt sur le revenu n'est entré en vigueur qu'en 1917, durant la Première Guerre mondiale. Ainsi, en dépit de nos traditions censément plus interventionnistes, les Américains, qu’on prétend être anti-étatistes, avaient avant nous à la fois un impôt sur le revenu et une banque centrale, de...
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