6287 search

Qu’est-ce que la Bonne gouvernance des Etats? LHK

Liliane Held-Khawam Publié le 22 novembre 2019
4593 mots - Temps de lecture : 11 - 18 minutes
Lire plus tard
24hgold

Etats et collectivités publics sont toujours plus privatisés et corporatisés. Mais ce mécanisme ne sort pas de nulle part. Il est exigé par les autorités supranationales. Voici le concept de la Bonne Gouvernance exigé par le FMI. Il a vocation à être généralisée à l’ensemble des pays de la planète. Ce texte est extrait du livre Coup d’Etat planétaire. « Consensus de Washington ». Conçu par John Williamson en 1989, ce concept est une liste-remède de dix « commandements », destinées à traiter la crise des pays latino-américains. Ceux-ci souffraient alors d’une inflation galopante et d’importants déficits budgétaires. Le modèle a été évalué sévèrement par le prix Nobel Joseph Stiglitz[1]: « dans tous les pays qui les ont appliquées, le développement a été lent, et, là où il y a eu croissance, ses bénéfices n’ont pas été également partagés ; les crises ont été mal gérées. […] Ceux qui ont suivi les prescriptions et subi l’austérité se demandent : quand en verrons-nous les fruits ? » Selon Tourev[2], le Consensus est « un accord tacite du FMI et de la Banque mondiale qui n’accordent d’aides financières aux pays en développement qu’à la condition que ceux-ci réduisent l’intervention de l’Etat dans la politique de développement économique ». Selon lui, ce serait un dogme des monétaristes néolibéraux, dont les objectifs réels seraient la constitution du marché mondial… La Banque mondiale confirme. « Dans son rapport annuel de 1997, la Banque mondiale infléchissait sa position en affirmant que la « bonne gouvernance » était indispensable au bon fonctionnement du marché. » La bonne gouvernance, qui remplacera par la suite le Consensus de Washington, est une affaire de « marché », cautionnée par le supranational[3]. Le business semble en avoir besoin pour poursuivre la globalisation de la planète. L’« Executive order 12 803-Infrastructure Privatization »,[4] va dans ce sens. Ce document fut signé par le président George Bush senior le 30 avril 1992 depuis la Maison Blanche. Le président s’y engage à faire le meilleur usage possible des ressources du pays, et ce par l’autorité qui lui est conférée par la Constitution et les lois du pays. Et le meilleur pour le pays serait de transférer l’infrastructure nationale à des organisations privées. Nous avons là la preuve irréfutable que les Etats-Unis, présentés par certains comme la tête de l’empire, repose sur un faux raisonnement. Ce pays n’est pas le bénéficiaire en tant qu’Etat de la globalisation du monde. Il la subit comme tous les autres. Le transfert de l’infrastructure américaine aux acteurs-clés du marché de la haute finance internationale affaiblit d’autant la population américaine ainsi que l’Etat public. Dans une énième convergence, les motivations sous-jacentes à ce texte se recoupent avec différents points des programmes de l’ONU qui lient productivité, croissance économique et partenariats multipartites (cf articles du texte en annexe de chapitre). C’est dans un contexte favorable aux privés, au détriment du secteur public que les thèses de Williamson ont trouvé leur chemin. Largement reprises, et imposées par le FMI et la Banque mondiale avec l’approbation du Trésor américain, ces normes, au nombre de 10, doivent être mises scrupuleusement en place par l’ensemble des pays, qu’ils soient gouvernés par la droite ou la gauche. Elles conditionnent l’octroi -ou pas- d’aides aux pays en difficulté : Discipline budgétaire stricte (équilibre des dépenses et des recettes) Réorientation de la dépense publique (vers des secteurs de forts retours économiques sur investissements, diminution des inégalitésde revenu), Réformefiscale (élargissement de l’assiette fiscale, diminution des taux marginaux), Stabilité monétaire(inflation faible, réduction des déficits du marché, contrôle des réserves d’argent), Adoption d’un taux de changeunique et compétitif, Libéralisationdu commerce extérieur, Eliminationdes barrières à l’investissement direct étranger, Privatisationdes entreprises publiques (pour une meilleure efficacité et pour réduire l’endettement), Dérèglementationdes marchés (fin des barrières à l’entrée ou à la sortie), Prise en compte des droitsde propriété (incluant la propriété intellectuelle). Accords internationaux, organismes supranationaux, et autres unions douanières et monétaires intègrent ces points. En zone euro par exemple, les textes de l’UE et de l’Eurosystème (cf. ci-dessous) exigent la discipline budgétaire stricte (surveillance, contrôle et sanction en cas d’écart important entre les dépenses et les recettes). La gestion budgétaire des membres est sous le contrôle d’un tiers supranational, qui a la possibilité de sévir en cas de non-respect[5]. Il est dit : « 2. La Commission surveille l’évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les États membres en vue de déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée, (…) » (Art. 126 du TFUE) Ailleurs, il est demandé de : « a) renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire ; (…) » (Art.136 TFUE, 1) Les Etats sont priés de réorienter de la dépense publique vers des secteurs à forts retours sur investissements. Seraient-ce ceux par exemple qui favorisent la croissance endogène des entreprises? L’argent public est par conséquent autorisé à soutenir les grandes entreprises. Ce point doit être mis en perspective avec le point 8 qui demande la privatisation du patrimoine, des entreprises et des services publics. Le privé récupère ainsi des patrimoines inestimables à prix cassés. On pense à la privatisation des infrastructures grecques (ports, aéroports, immobiliers publics, etc.), des entreprises publiques françaises, des aéroports français, des régies publiques suisses, etc. A l’Est, la chute du communisme a enrichi un nombre restreint de personnes qui ont mis la main à bon compte sur les ressources naturelles et les entreprises autrefois propriété de l’Etat… Exemple français de privatisation d’infrastructure publique « Casil Europe, l’actionnaire chinois qui détient 49,9% des parts de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, a présenté ce mercredi en assemblée générale une demande de levée exceptionnelle de dividendes de 1,5 million d’euros. Cette levée de fonds à laquelle se sont opposés les représentants des petits actionnaires locaux, a toutefois recueilli une majorité de votes favorables parmi les membres du Conseil de surveillance. Un Conseil de surveillance où siègent six représentants de Casil Europe, quatre de la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse (CCIT), deux de l’Etat, tandis que conseil régional, conseil départemental et Métropole de Toulouse disposent d’une voix chacun. « L’Etat a choisi son camp, mais ce n’est pas celui de la puissance publique », a-t-on constaté chez les petits actionnaires locaux. C’est en effet grâce aux deux voix de l’Etat-actionnaire que l’investisseur chinois a pu réunir une majorité sur sa demande de levée de fonds exceptionnelle, car elle porte sur les capitaux issus de l’époque où l’aéroport était géré par la puissance publique. Cette somme s’ajoute ainsi aux 5,8 millions d’€ prélevés par ailleurs – et cette fois sur décision unanime du Conseil de surveillance – par l’investisseur asiatique, et qui correspondent à 100% des bénéfices dégagés par l’aéroport de Toulouse en 2016. Soit un total de 7,3 M€ qui font suite à une première ponction de 15 millions, l’an dernier, dan...
Cet article est reservé uniquement pour les membres Premium. 75% reste à lire.
Je me connecte
24hGold Premium
Abonnez-vous pour 1€ seulement
Annulable à tout moment
Par Liliane Held-Khawam via lilianeheldkhawam.com
Inscription
Articles en illimité et contenus premium Je m'abonne
Editoriaux
et Nouvelles
Actions
Minières
Or et
Argent
Marchés La Cote
search 6287
search