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Remonétisation de l’or : interview de Jim Rickards

Jean-François Faure Publié le 20 juin 2017
5656 mots - Temps de lecture : 14 - 22 minutes
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Au Coffre

Lors de la Rencontre Annuelle du 26 novembre, nous avons été honorés de la présence de Jim Rickards. Nous en avons profité pour lui poser des questions à propos de son livre, et notamment sur la possible remonétisation de l’or, sur l’influence réelle du Président des Etats-Unis et sur l’or comme monnaie « open-source », un sujet d’actualité qui nous tient particulièrement à cœur ! A propos de Jim Rickards Jim Rickards est rédacteur en chef d’Intelligence Stratégique, une lettre d’information financière ainsi que de deux autres services d’investissement consacrés aux devises et à l’analyse géopolitique. Ancien avocat d’affaires, économiste et banquier d’investissement avec 35 ans d’expérience à Wall Street, Jim est également consultant auprès de la CIA. Il est l’auteur de Currency Wars, The Death of Money, New Pledge for Gold et de Road to Ruin, tous des best-sellers du New York Times. En France, seul Le Nouveau Plaidoyer pour l’or est pour l’instant disponible. Dans Nouveau Plaidoyer pour l’or, vous expliquez qu’un retour à l’étalon-or est possible, à condition que le cours de l’or fixé soit stable et non déflationniste. Quel devrait être le cours de l’or actuellement en fonction de la masse monétaire pour qu’il soit étalon ? Bonjour, je suis ravi d’être à nouveau ici à Paris, c’est l’une des plus belles villes du monde et je suis toujours heureux d’y revenir. Pour répondre à votre question, si le monde ou un pays donné devait revenir à un étalon-or, il serait essentiel de fixer correctement le cours du métal jaune. Tout étalon-or exprime une relation entre l’or physique et l’argent papier, ou une autre forme de monnaie fiduciaire. Nous n’allons pas commencer à nous promener avec mes poches pleines de pièces d’or. Nous le pourrions, dans un cas extrême, mais le scénario le plus crédible est que l’Etat détient de l’or et émet une monnaie. Cette monnaie, par contre, est couverte par de l’or et échangeable contre ce métal à un taux fixe : vous pouvez donc avoir toute confiance en sa valeur. Mais comment fixer le prix ? Aujourd’hui, le prix de l’or sur le marché est d’environ 1180 dollars de l’once. Il a été assez instable ces derniers temps, et a baissé un peu récemment. Le cours est consultable sur internet. Mais est-ce là le bon taux pour un étalon-or ? La réponse est non. Pour illustrer mon propos, une petite leçon d’histoire s’impose : en 1925, le monde a dû faire face au même problème. Avant 1914 et la Première Guerre mondiale, la plupart des grands pays développés du monde, comme la France, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, utilisaient un étalon-or. Après cela, ces pays ont abandonné l’étalon-or pour financer l’effort de guerre : ils ont été forcés d’imprimer de l’argent, ce qui, dans ce genre de circonstances, équivaut à emprunter de l’argent à ses propres citoyens. C’est une question de survie. Après la Première Guerre mondiale, au début des années 1920, la question fut ensuite : allons-nous revenir à un étalon-or ? Il y avait bien une parité d’avant-guerre entre l’argent papier et l’or, mais tous les grands pays, la France, la Belgique, l’Italie, le Royaume-Uni, avaient fait doubler la masse monétaire. Il s’agissait maintenant de revenir à l’or. Vous avez deux possibilités dans ce cas : soit vous pouvez doubler le prix de l’or, en d’autres termes, amener l’or à un nouveau niveau qui correspondra à la masse monétaire. C’est ce qu’ont fait la France, la Belgique, l’Italie et d’autres pays. L’autre solution est de diviser par deux la masse monétaire pour revenir à l’ancien niveau. C’est ce qu’a fait le Royaume Uni. C’est Winston Churchill, à l’époque Chancelier de l’Echiquier (le Ministre des finances britannique), qui prit cette décision. Une énorme erreur, car cela ne tenait pas compte l’impact de l’impression de monnaie. Diviser la masse monétaire par deux est extrêmement déflationniste, et cette mesure a plongé le Royaume-Uni dans la Grande Dépression bien avant le reste du monde, pour qui elle commença en 1929. Si l’on devait faire face au même problème aujourd’hui, il serait important de ne pas répéter les erreurs de 1925. Alors, quel est le cours à fixer pour l’or en cas d’étalon-or ? On peut revenir à un étalon-or à n’importe quel prix, mais quel est le bon prix pour éviter la déflation et la crise ? Le calcul est simple. Les grandes économies, la Banque Centrale Européenne, la Banque Populaire de Chine, la Banque du Japon et la Réserve Fédérale américaine, ont créé ensemble 24 milliers de milliards de dollars de masse monétaire (je parle ici de monnaie fiduciaire). Admettons que la couverture par l’or doit déterminée à 40%. (Ce n’est pas forcément nécessaire : certains affirment que la meilleure solution est de 100%, certaines économies ont travaillé avec une couverture à hauteur de 20%, mais disons 40% comme base de réflexion). Historiquement, c’est un chiffre qui semble fonctionner. 40% de 24 milliers de milliards de dollars, ce sont 9,6 milliers de milliards de dollars. Il y a dans le monde 33 000 tonnes d’or « officiel », c’est-à-dire l’or détenu par les banques centrales et les fonds souverain, et non l’or que nous détenons en tant que particuliers. Il faut donc diviser 9,6 milliers de milliards par 33 000 tonnes. Un calcul simple, qui aboutit à un prix de près de 10 000 dollars de l’once. Nous ne sommes pas forcés de revenir à un étalon-or, mais si nous le faisons, il faut fixer le prix à environ 10 000 dollars de l’once pour éviter de refaire l’erreur de 1925 et de plonger le monde dans une crise grave, dans ce cas précis, la Grande Dépression. Les experts en matière monétaire comprennent ce calcul, qui n’est pas bien compliqué. Mais personne ne souhaite en parler, car les implications sont terribles : l’or vaudrait alors 10 000 dollars de l’once. Cela veut aussi dire que si les gens perdent confiance dans l’argent-papier en cas de nouvelle crise financière, et que les Banques Centrales se voient obligées de revenir à un étalon or, le prix fixé serait de 10 000 dollars de l’once. Quelles seraient les conditions requises pour adopter l’étalon-or ? Jusque-là, toutes mes explications sur la masse monétaire et les stocks d’or dans le monde étaient chiffrées en dollars. Le dollars US est aujourd’hui la première monnaie de réserve au monde. Environ 60% des réserves mondiales sont placées dans des actifs en dollars. Le Japon, Taïwan, la Chine, la Norvège, tous les grands pays (même si la France, il est intéressant de le noter, détient une quantité relativement importante d’or) ont des actifs en dollars. Les Etats-Unis sont la première économie mondiale, donc les gens réfléchissent en dollars, mais ce n’est pas une obligation. Toute monnaie peut adopter son propre étalon à condition que le pays détienne suffisamment d’or. C’est toute la question : avez-vous suffisamment d’or pour faire face au marché ? En adoptant un étalon-or, le message que l’on fait passer est « si vous acceptez notre monnaie, nous, en tant que gouvernement, sommes d’accord pour vous l’échanger contre de l’or à taux fixe, et inversement ». C’est ainsi que l’on maintient un étalon-or. Mais si le prix fixé n’est pas le bon ? S’il est trop haut, tout le monde va tenter de vous vendre son or et sera ravi d’acheter votre monnaie. S’il est trop bas, tout le monde va venir vous acheter votre or. C’est ce qui s’est passé aux Etats-Unis au début des années 1970. La France, l’Espagne, la Suisse, et quelques autres pays –mais surtout la France –, avaient un excédent commercial par rapport aux Etats-Unis. La France gagnait beaucoup de dollars, grâce aux touristes américains, à ses exportations etc. et échangeait ensuite ses dollars contre de l’or. A l’époque, il était possible d’acheter de l’or aux Etats-Unis pour 35 dollars de l’once. Il existait cependant un marché secondaire privé, où l’on pouvait vendre son or pour 42 dollars de l’once. Le calcul était vite fait : achetez l’or à 35 dollars, revendez-le à 42, les profits sont garantis. Il y a donc eu une sorte de ruée vers l’or de Fort Knox, la base militaire où les États-Unis stockent leur or. Richard Nixon y a mis un terme en 1971 en annulant la convertibilité des dollars en or par les partenaires commerciaux des Etats-Unis. S’il ne l’avait pas fait, les Etats-Unis n’auraient plus eu d’or au bout de quelques années seulement. On voit l’importance de choisir un prix réaliste...
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Par Jean-François Faure via www.loretlargent.info
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