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Ronald H. Coase, 1910-2013, R.I.P.

Georges Lane Publié le 04 septembre 2013
4721 mots - Temps de lecture : 11 - 18 minutes
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En mémoire de Ronald H. Coase, qui vient de disparaître, je reproduis ci-dessous un texte sur les travaux de ce grand homme que j'avais rassemblés en 1991. Le texte ci-dessous est paru dans le périodique de l'aleps, 35 avenue Mac Mahon, Paris 17ème Liberté économique et progrès social, n°63, décembre 1991, pp.2-13, A l'occasion du prix Nobel d'économie décerné à Ronald H. Coase (ci-dessous). "Un jour, Isaac Newton, le célèbre physicien [1642-1727], a dressé le bilan de sa vie et de son œuvre en déclarant: 'J'ai vécu comme un enfant qui a joué avec les galets sur une plage où est enfoui un trésor'. Les hommes de science mesurent la pauvreté de leur œuvre quand ils voient tout ce qui reste à découvrir. L'éloge que vous m'adressez – et qui est pour moi une très heureuse surprise – est-il justifié ? Je ne suis pas allé sur la plage aux galets. J'ai simplement indiqué la direction où pourrait se trouver le sentier qui y conduit : vous voyez que mon rôle a été modeste. L'éloge que vous m'avez réservé n'est donc pas mérité. Mais il pourra le devenir le jour où vous-mêmes, universitaires et étudiants français, pourrez emprunter le sentier et vous retrouver sur la plage. C'est le fruit de votre travail qui pourra donner un sens au mien. Car alors, et alors seulement, on saura si j'ai orienté la science économique dans le sens qui convenait. J'ai confiance dans la recherche scientifique française qui a déjà donné à la science économique mondiale des noms prestigieux et des œuvres maîtresses. Je vous remercie pour l'honneur que vous me faites. Je vous remercie encore plus pour ce que vous ferez plus tard pour que l'éloge d'aujourd'hui soit mérité" C'est en ces termes que Ronald H. Coase, Anglais du Middlesex, 82 ans cette année, à qui le Comité Nobel a choisi de décerner, en octobre dernier, le prix 1991 de sciences économiques, conclut son intervention à la XIIè Université d'Eté des "Nouveaux Economistes" (1989) où Jacques Garello l'avait convié et lui avait fait remettre la Médaille d'honneur de l'Université d'Aix-Marseille III (ci-dessous). La grande modestie de R.H. Coase dût-elle en souffrir, il faut reconnaître que le nouveau Nobel a découvert deux trésors de connaissance : le concept de "coût de transaction" et un théorème (le "théorème de Coase" comme le dénomme, depuis maintenant quelques années, une partie de la communauté scientifique). L'Académie royale suédoise ne s'y est pas trompée. Elle n'a pas récompensé(1) l'homme, aujourd'hui professeur émérite de l'Ecole de Droit de l'Université de Chicago, pour l'ensemble de son œuvre, mais le chercheur pour ses travaux originaux et plein d'avenir sur les coûts de transaction et sur les droits de propriété, pour la percée qu'ils ont permis de faire dans la compréhension de la structure institutionnelle de l'économie. L'extraction des trésors ne s'est pas faite en un jour. R.H. Coase a écrit maints articles très divers sur des sujets pratiques aussi variés que, par exemple : - le monopole de la B.B.C., - l'éclairage public, - les phares maritimes , - les étincelles du train qui mettent le feu aux paysages qu'il traverse, - les fréquences d'émission des radios, - la pollution, - la poste britannique. Beaucoup d'entre eux furent écrits alors qu'il enseignait à la "London School of Economics" (de 1935 à 1951). Tous étaient à la frontière du Droit et de l'Economie, dans un "espace flou" comme diraient aujourd'hui les mathématiciens, en vérité dans une discipline de la connaissance encore méconnue qui fleurira fin décennie 1970-début décennie 1980 (2). Le fait est qu'il est reconnu et récompensé pour deux articles désormais classiques, "La nature de la firme" (3) et "Le problème du coût social" (4) après que, pendant des années, l'un et l'autre ont été soit négligés soit mal compris par la plupart des économistes. I. La firme et le concept de "coût de transaction". Comme l'a rappelé Michael Prowse dans un article du Financial Times du 16 octobre 1991, "[…] le travail du professeur Coase sur les coûts de transaction a commencé quand, étudiant encore non diplômé, il écrivit un texte sur 'La nature de la firme'. C'est ce texte qui deviendra la publication de l'année 1937. Il s'y demande pourquoi les travailleurs se soumettent volontairement à la direction des entrepreneurs au lieu de vendre leur propre produit [leur temps de travail] directement sur le marché […] Après une démonstration rigoureuse, sa réponse est que l'organisation interne bureaucratique d'une entreprise réduit les coûts de nombre de transactions que devraient faire les individus indépendants sur le marché". Dans "La nature de la firme", Coase défia l'orthodoxie prévalant en sciences économiques en se posant une question simple : - pourquoi la firme existe-t-elle ? - autrement dit, pourquoi des activités sont-elles organisées dans le cadre d'une firme tandis que d'autres sont organisés entre des firmes ? - ou encore, pourquoi en certaines occasions, acheteurs et vendeurs échangent "dans le cadre du marché" tandis que, dans d'autres, ils effectuent des activités semblables "dans une firme intégrée verticalement" ? R.H. Coase exclut d'emblée l'argument selon lequel c'est la présence de l'incertitude qui est la raison qui pousse les individus à créer des firmes. Toute production est destinée à une demande attendue avec incertitude, non à une demande certaine. Toute production est par nature le fruit de l'action du chef d'entreprise ou de l'équipe de direction. Mais le rôle de l'entrepreneur n'est pas le même que le rôle de la firme. Les compétences des dirigeants peuvent être louées, et le sont, sur le marché pour gérer l'incertitude. Pour pouvoir répondre à la question, il découvre qu'un concept lui manque. Qu'à cela ne tienne, il le forge sans le dénommer : c'est le concept de "coût de transaction" qu'on devrait dénommer "coût de l'échange". I.A. Les "coûts de transaction". Il est une hypothèse absurde qui, jusqu'à la décennie 1960, a été chère aux théoriciens de l'"équilibre économique général" : c'est l'hypothèse de la "gratuité" des échanges. Pourtant, rien n'est "gratuit" en ce bas monde. Tout échange fait supporter des coûts à chacune des parties car toute transaction consomme des richesses (au nombre desquelles figure la durée d'action de chaque individu). Que l'échange procure aux parties des gains qui compensent plus que les coûts, c'est une autre question. C'est même un fait trop souvent oublié qu'il convient de rappeler en passant : l'échange libre apporte nécessairement un gain net aux parties sinon elles n'y procèderaient pas. Il reste que des richesses auront été détruites pour que l'échange prenne forme, à savoir, en particulier, pour que les parties : - obtiennent des informations sur les prix et les caractéristiques des biens désirés, - négocient le contrat d'échange, - suivent les résultats qu'elles obtiennent, - et (fassent) appliquer le contrat. Chacune de ces utilisations donne lieu à une facette des coûts de transaction. I.B. La décision de création d'une firme. Grâce au concept de "coût de transaction", la réponse à la question posée est directe. Les firmes ne sont que des zones d'activité à l'intérieur de quoi les économies de richesses procurées par l'organisation interne choisie sont supérieures à celles que...
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