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Sécurité routière : échapperons nous un jour à l'arbitraire répressif ?

Vincent Bénard Publié le 15 juin 2009
4486 mots - Temps de lecture : 11 - 17 minutes
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Objectif Liberté

L'annonce d'un nouvel et énième renforcement des mesures de répression anti-automobilistes, si elle ne saurait étonner, provoquera sans doute lassitude et ecoeurement chez nombre de citoyens qui, sans avoir rien à se reprocher, se sentiront un peu plus traités comme la pire espèce de criminels. Parmi les annonces phares d'un projet présenté par Mme Alliot-Marie en conseil des ministres, la confiscation du véhicule pour les auteurs d'infractions jugées graves par le législateur. La liste des nouvelles annonces faites par le gouvernement ne peut que faire bondir toute personne un tant soit peu férue de droit, et plus encore de philosophie du droit. L’on pourra lire à ce sujet la critique de Maître Eolas, l'avocat le plus lu du web. Elle suggère en outre d'autres nombreuses critiques venues autant du coeur que de la raison. De l'importance des élus Tout d’abord, passons rapidement sur le caractère politicien de telles annonces. Quand un gouvernment ne sait plus quoi faire pour avoir l'air « d'agir » sur la société, il annonce un nouveau plan de "lutte contre l'insécurité routière". Ça détourne l'attention du chômage, peut être ? Nous noterons que les ministres et autres édiles qui concoctent de telles machines répressives, souvent en contravention avec les principes les plus élémentaires du droit, se réservent eux mêmes le droit de ne pas les respecter, à l'aide de moult gyrophares, escortes, cocardes signalant un véhicule privilégié, et autres passe-droit. Le magazine Auto-Plus s'est fait une spécialité de flasher ces politiciens inciviques à des vitesses que la morale réprouve, sans parler de moult autres infractions, relevées notamment lors de filatures des principaux candidats à la présidentielle... En général, les fautifs justifient leur attitude par "l'importance de leur fonction". Je vais vous dire: vu de moi même, mon épouse, mes enfants, mes parents et mes amis sont bien plus importants que tous les Sarkozy du monde. Et il en ira de même pour quasiment toute autre personne. L'importance est une notion qui est toute relative, et dont l'invocation peut quelque peut choquer au pays où les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit : devrions nous tous disposer de passe-droits du fait de notre "importance" ? Certes, il y a bien un moyen de caractériser l'importance des gens au sens que les politiques lui donnent: les décisions qu'un Nicolas Sarkozy ou même qu'un maire de bourgade de province peuvent prendre peuvent me causer du tort, alors qu'il y a fort peu de chance que les actions que je puisse entreprendre de moi même aient la moindre conséquence néfaste sur ces gens. Bref, si l'importance se définit en fonction de la "nuisibilité" des individus, pardon pour le néologisme, alors oui, Mme Alliot Marie et M. Sarkozy sont bien plus importants que moi. Cela ne leur donne pas pour autant plus de légitimité à transformer nos vies d'automobilistes en enfer permanent, entre l'enclume du permis à point et le marteau des nouvelles taxes carbone ! La propension des politiciens à vouloir "changer nos comportements" à n’importe quel prix, y compris celui de l’établissement de lois qui franchissent chaque jour un peu plus l’espace qui existe entre un droit de la liberté et celui de la servitude, n’est sans doute pas étrangère à la défiance croissante que la population semble nourrir vis-à-vis de toute volonté réformatrice de nos gouvernants. Confiscation du véhicule : l'horreur législative Ainsi donc, les véhicules des "chauffards" risquent d'être confisqués. Pas temporairement, non: saisis et revendus aux enchères au bénéfice de l’Etat. A noter que la sanction existe déjà au code de la route, mais que le projet présenté par Michèle Alliot Marie en conseil des ministres prévoit son application automatique, le juge devant "se justifier" s'il décide de ne pas l'appliquer. D'une façon générale, tout ce qui impose au juge une décision "automatique" en dehors de toute capacité de rapporter les faits à un contexte donné ne peut que conduire à des désastres judiciaires. Là encore, je vous invite à fouiner dans les archives de maître Eolas pour approfondir cette question. Une telle disposition viole, que dis-je bafoue, le principe de l'égalité en droit, ainsi que le droit de propriété, de plusieurs manières. D'abord, elle introduit une inégalité de la sanction en fonction de l'âge du véhicule et du modèle, autrement dit, en fonction des moyens du contrevenant d'une part, et en fonction du facteur chance qui fait que certains se feront prendre au volant d'une voiture neuve, d'autres derrière le volant d'un véhicule de 8 ans. L'égalité dans la sanction suppose que celle ci ne puisse en aucun cas être différente que vous soyez riche ou pauvre d'une part, et d'autre part qu'elle ne dépende pas d'éléments tenant du pur hasard. Elle introduit en outre une inégalité flagrante entre propriétaires d'un véhicule et locataires. Vous savez quoi ? les formules d’achat en LOA ou en LLD vont connaître un regain de popularité ! Seul problème: ces formules de « possession » d'un véhicule sont accessibles aux acheteurs de véhicule neuf mais peu répandues dans l'occasion. Ceux qui, pour des raisons diverses, ne peuvent accéder à un véhicule neuf seront donc pénalisés. Et comme d'habitude, ce sont les plus modestes... Il y a pire: la sanction violera, dans de nombreux cas, le droit de propriété de nombreuses personnes innocentes. En effet, nombre de véhicules sont possédés par une famille, même si la facture d'achat ne porte que le nom d'un de ses membres. De facto (surtout en cas de communauté de biens...), la sanction touchera donc l'auteur des « terrrribles » infractions sanctionnées par les gendarmes, mais aussi son épouse, son fils ainé, et que sais-je encore, en confisquant leur propriété commune. Or, en droit français, jusqu'à nouvel ordre, on ne peut que sanctionner l'auteur d'un fait répréhensible, et pas des personnes qui n'ont rien à voir avec la commission de ces faits. La confiscation des véhicules des « chauffards » devrait, dans un véritable état de droit, être cassée par un conseil constitutionnel. Le caractère hasardeux des décisions de cet organe me fait craindre que certaines hérésies législatives puissent, hélas, arriver au stade applicable. Wait and see. Qui sont ces terrrrifiants criminels de la route ? Loin de moi l'idée de légitimer le droit de rouler ivre mort à 180 km/h en ville après avoir sniffé un rail de coke. Mais admettons que, hormis certains samedis soir près de certaines boites de nuit, ce type de comportement est rare. Le projet de loi prévoit la confiscation quasi automatique du véhicule de ceux qui roulent sans permis. Le phénomène de la conduite sans permis s'est considérablement développé depuis que le permis à point est en application. Pourquoi de plus en plus d'automobilistes conduisent ils sans permis malgré les risques qu'ils encourent ? Parce que pour bien des gens, ne plus pouvoir conduire signe leur arrêt de mort économique ...
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