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Sortir de la crise (1): passer d'une société du crédit à une économie du capital

Vincent Bénard Publié le 19 novembre 2008
4877 mots - Temps de lecture : 12 - 19 minutes
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Objectif Liberté

Dans une précédente note, j'ai affirmé que l'état aurait tout intérêt à ne pas chercher à passer le cap de la crise qui s'annonce pour les entreprises en subventionnant ou forçant l'octroi d'un surplus de crédit, mais au contraire devrait s'attacher à ce que les mécanismes de l'économie favorisent la collecte et la formation de capital. Il est temps de passer à la démonstration. Voyons d'abord pourquoi la perception du bon niveau d'équilibre entre capital et crédit est aujourd'hui dangereusement distordue, une fois de plus, par des dispositions étatiques de diverse nature. Cela va nous obliger à un petit détour, aussi simple que possible, par un sujet un peu ardu, la comptabilité des entreprises. Les bases du bilan d'une entreprise Pour ceux qui n'ont jamais fait de comptabilité -- les bienheureux -- voici une présentation ultra-simplifiée d'un bilan d'entreprise. Le bilan est le document comptable qui indique, à un instant T, quelle est la situation du patrimoine de l'entreprise. Cette situation se caractérise par d'un côté des ressources financières (généralement appelées "passif", mais je m'en tiendrai au terme de ressources financières, plus intuitif), de l'autre côté des usages qui en sont faits, appelés "actif" (terme retenu pour la suite) ou "emplois". Si les ressources financières sont inférieures aux actifs, alors la différence est ajoutée aux ressources : c'est le bénéfice. Le bénéfice traduit le fait qu'avec un certain niveau de ressources financières au départ, vous avez créé un actif de valeur supérieure. Mais si les ressources financières sont supérieures à l'actif, cela veut dire qu'elles ont été mal employées par l'entreprise, qui est alors déficitaire: un déficit égal à la différence est inscrit à l'actif de l'entreprise. Il résulte de cette convention que les ressources financières d'une entreprise + son bénéfice (ou moins son déficit) sont toujours égales à la valeur des actifs à un instant T. La question qui se pose est donc de savoir si l'entreprise, pour financer son activité, a intérêt à se reposer uniquement sur du capital, ou au contraire à compléter ses ressources par du crédit, et jusqu'à quelle proportion. Or, le crédit et le capital sont deux ressources financières de nature différente. Différences de nature et de rémunération entre crédit et capital Ces deux ressources nécessitent une rémunération: le crédit est rémunéré sous forme d'un intérêt, fixé par contrat, exprimé en pourcentage annuel de la somme empruntée. Le capital sera rémunéré sous forme de dividendes, que l'entreprise versera en fonction de ce qu'elle aura gagné. Les mauvaises années, le dividende peut être nul. Les bonnes années, il augmentera plus vite. Surtout, le crédit est remboursable, alors que, dans le cas général, le capital ne l'est pas. Cela veut dire que le prêteur (celui qui fournit le crédit) est à peu près sûr de revoir son argent si l'entreprise ne fait pas faillite, alors que l'investisseur peut voir, si l'entreprise fait de mauvaises affaires, le cours de ses actions chuter, voire perdre son capital. En contrepartie, l'actionnaire peut espérer revendre ses parts avec une plus value élevée si l'entreprise se montre capable de créer beaucoup de valeur. En outre, il est propriétaire de l'entreprise et associé aux risques qu'elle prend: il peut donc participer aux décisions stratégiques qui rythment la vie de l'entreprise, alors que le créancier, sauf faillite, ne le peut pas. L'actionnaire court plus de risques: il attend donc une rémunération plus élevée de son capital. Cette rémunération est à la fois constituée du dividende et de la plus value latente de son investissement, plus value qui deviendra réelle lorsque il aura revendu ses titres, s'il y parvient. Au contraire, le prêteur court un risque moins élevé. Il réclamera donc une rémunération de son argent plus faible. Cette rémunération sera égale à celle qu'il aurait réclamé au plus sûr de tous les emprunteurs, augmentée d'une prime de risque, souvent appelée un "premium", surcroît de taux d'intérêt correspondant à la couverture du risque de faillite de l'entreprise. Pour des raisons diverses, ce sont les états les plus riches, c'est à dire ceux qui sont capables de générer les plus gros flux financiers par l'impôt, qui sont -- jusqu'ici, mais ce n'est pas immuable ...-- considérés comme les emprunteurs les plus sûrs, du moins tant que la gestion financière de leur trésor public est sérieuse. Si votre entreprise est considérée comme très sûre, les prêteurs réclameront une prime de risque assez faible par rapport au taux qu'ils exigent de l'état. Par contre, si vous êtes une PME en phase de démarrage, les prêteurs se baseront sur leur expérience du taux de défaillance d'entreprises telles que la votre et exigeront un premium plus élevé, à partir d'un calcul de la probabilité du risque que vous représentez. Naturellement, si le prêteur, une banque ou une assurance, se trompe dans l'estimation des risques, il proposera un taux trop faible, et se retrouvera lui même en grande difficultés si les premiums encaissés ne couvrent pas la totalité des défaillances enregistrées. Quel effet de levier ? La capacité d'une entreprise à gagner de l'argent est directement liée à la quantité et la qualité de ses actifs: quantité et qualité des usines, des marques et des savoir-faire, des brevets... Accumuler ces actifs demande donc de fortes ressources. Donc, plus vous augmentez vos ressources, plus vous augmentez votre capacité de gagner de l'argent plus tard. Naturellement, vous pouvez augmenter vos ressources de trois manières: en thésaurisant une partie de vos bénéfices, qui sont alors incorporés aux capitaux propres les années suivantes, ou en ouvrant votre capital à de nouveaux investisseurs, ce qui signifie diluer votre propre part, ou enfin, aller l'emprunter, en général à votre banque. Plus vous aurez recours au crédit, et plus vous aurez la possibilité d'augmenter vos ressources, et donc votre capacité à créer des actifs de valeur. Or, la rémunération du crédit est moins élevée que celle du capital: il est donc tentant de croire que les entreprises ont intérêt à privilégier le crédit sur le capital. En poussant la logique jusqu'au bout, une entreprise opérant avec quelques pour cent de fond propres et plus de 80% de fonds empruntés aurait une rentabilité de ses fonds propres maximale. De tels chiffres se rencontrent parfois... Dans la banque ! Fort heureusement, les entreprises non financières ont des ratios de dettes sur fonds propres beaucoup plus raisonnables ! Généralement, les fonds propres d'une entreprise saine représentent plus de 50% de ses ressources. On lit donc souvent que le crédit opère un "effet de levier" permettant de démultiplier la rentabilité du capital. Nous verrons que cette affirmation doit être fortement nuancée. Mais patience... Pourquoi est il si important d'avoir des fonds propres suffisants ? Revenons à notre bilan d'entreprise (rappel: "passif" = "ressources financières"). Le capital n'est pas remboursable, la dette l'est: lorsqu'une partie de votre dette arrive à échéance, vous devez donc la rembourser: vos ressources (le passif) diminuent. Si vous parvenez à remplacer cette ressource par une autre, d'un montant équivalent, pas de problème, vous ne devez pas prélever sur vos actifs pour y parvenir. Et si vous gérez bien, que le contexte économique est bon, que vous n'avez pas connu d'incident de paiement et que votre activité est profitable, il y a fort à parier que ceux qui vous prêtent de l'argent vous renouvèleront leur confiance, et vous prêteront à nouveau la somme nécessaire. Et plus cette somme est faible, plus ce sera facile. Mais si, pour quelque raison que ce soit, vous ne pouvez pas réemprunter, alors vous devrez taper dans vos ac...
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