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Tempêtes, inondations et construction : une réglementation sévère est elle la solution...

Vincent Bénard Publié le 04 mars 2010
4299 mots - Temps de lecture : 10 - 17 minutes
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Objectif Liberté

Les images impressionnantes et le lourd bilan (plus de 70 morts, et des centaines de millions de dégâts) des ruptures de digues occasionnées par la tempête Xynthia sont l'occasion d'un authentique déchaînement médiatique contre "le laxisme de ces maires" qui ont accordé des permis de construire en "zone inondable". La faiblesse des analyses diffusées par les médias face à ce qui sera pour nombre de familles un souvenir tragique confine à l'indécence. La peine que les victimes ont enduré nécessiterait au contraire, par respect pour elles, que le choeur des politiciens et journalistes analyse un peu plus en profondeur les circonstances, les causes et les mesures correctrices à prendre suite à cet épisode douloureux, au lieu de sonner mécaniquement les trompettes du "nécessaire renforcement des normes", ou de la vindicte des "vilains maires laxistes". Loin de moi l'idée de dire qu'aucun élu local n'a fait preuve de légèreté dans l'application des règles en vigueur, ou de nier que certaines digues aient fait l'objet de défauts d'entretien caractérisé. Mais si les maires de communes modestes et moyennes en sont arrivés là, le moins que l'on puisse dire est que l'état, endossant pourtant les habits du père fouettard par la voix de son président, les a largement poussés dans la mauvaise direction. La construction en zone inondable a toujours existé De tout temps, les anciens ont construit dans des zones inondables. Oh, bien sûr, ils ont autant que faire ce peut évité les zones régulièrement inondées ou celles dans lesquelles l'inondation se doublait d'un courant d'eau dévastateur, mais ils se sont accommodés du risque d'inondation occasionnelle. Paris, Orléans, Tours, pour ne citer qu'elles, ont été des cités en partie inondables et pourtant prospères. Sans parler de Venise, zone inondable par excellence ! Nos anciens n'étaient pas fous. Simplement, la mer ou le fleuve ont longtemps constitué les voies d'acheminement les plus praticables pour les marchandises lourdes ou volumineuses, et donc de nombreuses personnes dépendaient de la voie d'eau pour leurs moyens d'existence. Or, les moyens de transport étant ce qu'ils étaient, nombreux étaient ceux qui habitaient sur ou au plus près de leur lieu de travail. Pour limiter les risques liés aux inondations, les anciens bâtissaient des quais rehaussant le terrain naturel, et adaptaient lorsque cela était possible les règles de construction à l'existence de hautes eaux. Ainsi, à Venise, mais aussi dans les maisons nantaises traditionnelles, le Rez de Chaussée était il réservé au stockage de pondéreux ou de matériels facilement déplaçables en cas de coup dur, et les pièces "à vivre" étaient aménagées aux étages des constructions. Plus rarement, la décision d'établir des villes en des zones inhospitalières fut le fait de princes ou de bureaucrates. St Petersbourg fut développée sur un marais inhospitalier sur ordre de Pierre le Grand et agrandie par ses successeurs. La Nouvelle Orléans, coincée derrières des digues sous le niveau de la Mer, du Mississipi et du Lac pontchartrain, fut établie sur décision individuelle d'un émissaire du régent Philippe d'Orléans, un certain Le Moyne, sieur de Bienville, qui eut sans doute été mieux inspiré de choisir d'autres lieux, mais c'est facile à dire aujourd'hui... Aujourd'hui toutefois, nous avons, dans nos pays riches, la chance de pouvoir dissocier nos lieux d'habitation et de travail, merci l'automobile ! Quand bien même nous serions encore liés à notre moyen d'existence par l'eau, plus rien ne nous oblige à construire nos habitations dans les endroits les plus exposés par nécessité. En contrepartie, il est souvent préférable de développer des activités économiques près des cités existantes, ce qui conduit parfois à vouloir perpétuer des extensions urbaines dans la continuité de zones construites par les anciens dans des lieux inondables. Inondable VS submersible De nombreux exemples de créations de digues pour sécuriser des espaces inondables existent de par le monde. Citons les Polders des Pays Bas, dont environ 20% se situent sous le niveau de la mer, et l'édification des digues de la Loire entre Orléans et Nantes après les grandes crues de 1857. De même, pour permettre l'urbanisation le long de la seine et de ses affluents, dont la valeur économique a toujours été primordiale pour le bassin parisien, et encore aujourd'hui, de nombreux aménagements visant à réguler le débit du fleuve ont été effectués: digues, barrages, canaux de dérivation, bassins d'écrétage des crues, etc... Des réponses techniques au risque d'inondation existent donc, mais ne sauraient en aucun cas constituer une protection totale. Les digues, lorsqu'elles sont mal entretenues, finissent par être fragilisées. Le plus grand danger qui menace les digues fluviales, soumises à des courants plus ou moins forts, n'est d'ailleurs pas la submersion par le dessus mais le ravinement des fondations et l'infiltration par des failles ("trous de renard") en niveau inférieur. Les digues maritimes sont par contre plus sensibles à des risques de débordement, ainsi qu'aux dommages causés à la longue par la répétition des houles. Les courants marins peuvent également en saper les fondations. Les zones situées derrière des digues ne devraient pas être caractérisées comme "inondables", comme le serait une zone naturellement recouverte par la montée d'un Fleuve, mais comme "submersibles", c'est à dire soumises à un risque d'envahissement brutal suite à rupture accidentelle d'une digue. A l'époque ou ces digues ont été érigées, la question de la constructibilité derrière elles ne se posait pas: les terrains libérés par la digue avaient une valeur économique, généralement agricole, et le manque de transports convenables obligeait les familles à s'installer à proximité. Les digues ont été édifiées pour cela: il était à l'époque hors de question d'interdire, au nom d'un principe de précaution, de construire derrière ces digues malgré le risque connu et assumé de rupture qu'elles portaient. Les habitants s'en remettaient à un dispositif de surveillance plus ou moins fiable, à Dieu, et à l'industrie naissante de l'assurance. Quelques rappels sur les tempêtes en France Notons avec satisfaction que les hurlements au "réchauffement climatique" se sont faits discrets suite à cette tempête. Malgré tout, pour couper court à toute polémique sur ce front, comme je l'avais fait après les tempêtes de janvier 2009 dans les Landes, je rappelle cette étude (PDF) de l'ancien directeur de la climatologie de météo France, Pierre Bessemoulin, qui montre que les tempêtes d'aujourd'hui ne sont ni pires ni plus nombreuses qu'elles ne l'étaient au début du XXème siècle, et que nombre de tempètes du passé ont également eu des conséquences dramatiques. En voici un extrait (passages en gras par moi même): Il n’existe ...
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