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Transformer les pierres en pain ou le miracle keynésien

Ludwig von Mises Extrait des Archives : publié le 15 janvier 2012
3785 mots - Temps de lecture : 9 - 15 minutes
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Ludwig von Mises.

Le fonds de commerce de tous les auteurs socialistes est l'idée qu'il existe une abondance potentielle et que le remplacement du capitalisme par le socialisme permettrait de donner à chacun « selon ses besoins ». D'autres auteurs veulent arriver à ce paradis par une réforme du système de la monnaie et du crédit. Selon eux, seuls la monnaie et le crédit font défaut. Ils considèrent que le taux d'intérêt est un phénomène créé de manière artificielle par la rareté tout aussi artificielle des « moyens de paiement ». Dans des centaines, voire des milliers, de livres et de pamphlets, ils s'en prennent de manière passionnée aux économistes « orthodoxes » qui répugnent à admettre que les doctrines inflationnistes et expansionnistes sont saines. Tous les maux, répètent-ils à l'envie, sont causés par les enseignements erronés de cette « sciencelugubre » qu'est l'économie et par le « monopole du crédit » des banquiers et des usuriers. Libérer la monnaie des chaînes du « restrictionnisme », créer une monnaie libre (Freigeld, dans la terminologie de Silvio Gesell) et accorder un crédit bon marché ou même gratuit, voilà le point principal de leur plate-forme politique. Des telles idées plaisent aux masses mal informées. Et elles sont très populaires auprès des gouvernements engagés dans une politique d'accroissement de la masse monétaire en circulation et des dépôts permettant de tirer des chèques. Cependant, les gouvernements et les partis inflationnistes n'ont pas voulu avouer ouvertement leur adhésion à la doctrine des inflationnistes. Alors que la plupart des pays s'engageaient dans la voie de l'inflation et se lançaient dans une politique d'argent facile, les auteurs partisans de l'inflationnisme étaient encore dénoncés comme des « monnayeurs fous ». Leurs doctrines n'étaient pas enseignées dans les universités. John Maynard Keynes, feu le conseiller économique du gouvernement britannique, est le nouveau prophète de l'inflationnisme. La « révolution keynésienne » a en réalité consisté à épouser ouvertement les doctrines de Silvio Gesell. Lord Keynes, qui était le plus en vue des Geselliens britanniques, avait également adopté le curieux jargon messianique de la littérature inflationniste et l'avait introduit dans les documents officiels. L'accroissement du crédit, dit le Paper of the British Experts du 8 avril 1943, accomplit le « miracle... de transformer une pierre en pain ». L'auteur de ce document était, bien entendu, Keynes lui-même. On peut dire que la Grande-Bretagne a bien évolué depuis les idées de Hume et de Mill sur les miracles jusqu'à cette affirmation. - II - Keynes entra sur la scène politique en 1920 avec son livre, Les Conséquences économiques de la paix. Il essayait de prouver que les sommes exigées pour les réparations étaient bien plus grandes que ce que les Allemands pouvaient se permettre de payer et de « transférer ». Le succès de ce livre fut énorme. La machine de propagande des nationalistes allemands, bien implantée dans tous les pays, présentait activement Keynes comme le plus grand économiste et le plus sage diplomate de Grande-Bretagne. Ce serait pourtant une erreur de rendre Keynes responsable de la politique étrangère suicidaire que la Grande-Bretagne poursuivit dans l'entre-deux guerres. D'autres forces, en particulier l'adoption de la doctrine marxiste de l'impérialisme et du « bellicisme capitaliste », furent bien plus importantes dans la montée de la politique d'apaisement. À l'exception d'un petit nombre d'hommes clairvoyants, tous les Britanniques soutenaient la politique qui permit finalement aux nazis de lancer la Seconde Guerre Mondiale. Un économiste français très doué, Étienne Mantoux, a analysé point par point le célèbre ouvrage de Keynes. Le résultat de cette étude très détaillée et consciencieuse était dévastatrice pour Keynes l'économiste et le statisticien, ainsi que pour Keynes le diplomate. Les amis de Keynes n'arrivaient pas à trouver de réponse convaincante. Le seul argument que son biographe et ami, le professeur E.A.G. Robinson peut avancer est que cette puissante mise en accusation de la prise de position de Keynes provenait « comme on pouvait l'attendre, d'unFrançais » (Economic Journal, volume LVII, p. 23). Comme si les effets désastreux de la politique d'apaisement et de défaitisme n'avaient pas aussi produit ses effets en Grande-Bretagne! Étienne Mantoux, fils du célèbre historien Paul Mantoux, était le plus brillant des jeunes économistes français. Il avait déjà fait de précieuses contributions à la théorie économique – parmi celles-ci une critique tranchante de la Théorie générale de Keynes, publiée en 1937 dans la Revue d'Économie politique – avant de commencer son ouvrage The Carthaginian Peace or the Economic Consequences of Mr. Keynes (Oxford University Press, 1946). Il ne vécut pas assez longtemps pour voir la publication de son livre. Officier des forces françaises, il fut tué en campagne dans les derniers jours de la guerre. Sa mort prématurée fut un grave coup porté à la France, qui a tragiquement besoin aujourd'hui d'économistes sains et courageux. - III - Ce serait également une erreur de faire rendre Keynes responsable des erreurs et des échecs des politiques financières et économiques britanniques. Quand il commença à écrire, la Grande-Bretagne avait abandonné depuis longtemps le principe du laissez-faire. On le devait à des hommes comme Thomas Carlyle et John Ruskin et, plus particulièrement, aux Fabiens. Les gens nés dans les années 1880 et plus tard étaient les simples épigones des socialistes des universités et des salons de la fin de la période victorienne. Ils ne critiquaient pas le système en place, comme leurs prédécesseurs l'avaient fait, mais chantaient les louanges des politiques du gouvernement et des groupes de pression, dont l'insuffisance, la futilité et le caractère nuisible devenaient chaque jour plus évident. Le professeur Seymour E. Harris vient de publier un gros volume d'essais de différents auteurs, universitaires et bureaucrates, traitant des doctrines que Keynes a développées dans sa Théorie générale de l'emploi, de l...
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