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Un abus économique fondamental.

Georges Lane Publié le 16 janvier 2017
6283 mots - Temps de lecture : 15 - 25 minutes
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Paris, le 16 janvier 2017. … « Dissertation, ennui, Dissertation sur la Valeur, ennui sur ennui » Frédéric Bastiat, 1850a. Introduction. Jusqu’aux travaux de Vilfredo Pareto sur les deux types de valeur que sont les "prix en monnaie" et les "quantités" de marchandises échangés entre les gens (en particulier son Cours d'économie politique 1896-97), il ne semble pas excessif de dire que les économistes n’ont pas bien cerné, en théorie, les notions de « prix en monnaie » d’une marchandise et de « quantité » de celle-ci échangés. 1. Certes, longtemps, ces notions ont été un fait économique, elles résultaient des échanges de « valeurs », de biens, de richesses ou de marchandises, de quantités convenus entre les gens. Mais elles ne sauraient être prédites en tant que telles par qui que ce soit pour cette raison. A l'opposé, elles sont des données qu’on peut toujours retracer dans le passé ou à un moment particulier. 2. Reste l’idée de Jean Baptiste Say (1815) selon quoi la personne offre des marchandises pour pouvoir en demander d’autres, qu’elle préfère. Et non pas l’opposé comme des auteurs le prétendent. La personne offre à une autre personne ou à une population de personnes qui demandent puis, à l’opposé, elle demande à une autre personne ou à une population de personnes qui offrent 1). 1) Et son souhait aboutit ou n’aboutit pas. Je laisse de côté la question. Autre idée de Say : ce qu’on dénomme « monnaie » est un intermédiaire des échanges: "La monnaie n’est pas le but, mais seulement l’intermédiaire des échanges. » (Say, 1815, chap.11, p.49) D’où la déduction qu’il en tirait: « Elle [la monnaie] entre passagèrement en notre possession quand nous vendons ; elle en sort quand nous achetons, et va servir à d’autres personnes de la même manière qu’elle nous a servi." (ibid.) Mais ces idées de Say ont été oubliées au bénéfice des hypothèses mathématiques retenues et imputées à des économistes du XIXème siècle qui ont succédé. 3. Il s’avère que ceux-ci ont fait le choix d’étudier la notion qu’ils ont dénommé « marché » qui réunissait des hypothèses algébrique ou géométrique comme les lois d’offre de marchandises ou de demande, l’égalité de celles-ci et l’ajustement à l’égalité. Les lois d’offre ou de demande étaient des relations supposées par nos économistes exister entre la quantité de marchandises offerte ou demandée et son prix en monnaie. Elles faisaient intervenir des relations algébriques ou étaient retracées par de la géométrie analytique . Pour sa part, non précisément défini, le prix en monnaie était, d’abord, la cause des quantités envisagées qui étaient supposés varier de zéro à « plus l’infini » ("de 0 à + ∞") et non pas un des résultats de l’échange. Ensuite, il était supposé être un des deux éléments de l’égalité entre les relations d’offre et de demande, le second étant la quantité de marchandises convenue. Le « marché » en question était indifféremment autant celui qui chapeaute l’offre de la personne de Say que celui qui chapeaute sa demande, une fois l’offre aboutie. Il ne pouvait donc pas être unique, mais nécessairement double, mais nos économistes s'en sont moqués (on aura l’occasion de revenir sur la question). 4. Si l’on en croît Pareto, il a fallu attendre Stanley Jevons (1835-82) pour que la notion de « taux d’échange » de deux quantités de marchandises ou d’une quantité de marchandises et d’une quantité de monnaie, voie le jour en économie politique: « Le terme taux d'échange a été introduit dans la science par Jevons (Money and mechanism of exchange). Nous emploierons plus souvent le terme: prix d'une chose en une autre chose. » (Pareto, op.cit. §74) L’emploi de la notion lui a permis d’expliquer l’échange synallagmatique entre deux personnes (« marché de troc », sans ou avec monnaie) et de définir la notion théorique de « prix en monnaie » d’une marchandise alternativement - comme « taux d’échange de quantités de marchandises convenu » et - comme « taux d’échange d’ophélimités élémentaires de marchandises ». Le raisonnement faisait intervenir, géométriquement, les « courbes d’indifférence » des deux personnes, ou, algébriquement, leurs « taux marginaux de substitution » de marchandises correspondant à une même utilité totale, lesquels cachaient leurs ophélimités élémentaires. Et ainsi Pareto a juxtaposé un type de marché au principe admis mathématiquement du marché antérieur des économistes. 5. La définition alternative du « prix en monnaie » d’une marchandise de Pareto n’a rien à voir, en particulier, avec celle dont parlait Carl Menger au même moment. Je n’en veux pour preuve que ce qu’il écrivait, en français, de la relation entre les notions de « rapport d’échange » et de « rapport de l’offre à la demande» dans un article de 1892 intitulé « La monnaie, mesure de la valeur » : "Ayant cependant reconnu que les rapports d’échange sont déterminés - non par un mesurage de valeur quelconque, - mais par le rapport de l’offre à la demande, il nous reste à expliquer comment les prix sont fixés par ce rapport et sans mesure préalable.» Le rapport d’échange de l’offre à la demande, dont parlait Menger pour définir la notion de « prix » d’une marchandise, était organisé alors, depuis quelque temps, par des économistes qui développaient la notion de « marché » en termes mathématiques et faisait référence implicitement moins à Antoine Augustin Cournot (1801-77) … qu’à John Stuart Mill (1806-73). I. La notion de « marché » selon Cournot et Mill. 6. L'idée de Cournot (1838) était que le monde économique était un ordre naturel au nombre de quoi offre et demande de marchandises par les gens en étaient des lois. Seulement Cournot n’a pas défini avec précision la notion de « prix» d’une marchandise avant de l’utiliser. Ainsi dans le cas de la loi de demande, il en parlait de la façon suivante : "Si la fonction F (p) est continue, elle jouira de la propriété commune à toutes les fonctions de cette nature, et sur laquelle reposent tant d'applications importantes de l'analyse mathématique : les variations de la demande seront sensiblement proportionnelles aux variations du prix, tant que celles-ci seront de petites fractions du prix originaire. D'ailleurs, ces variations seront de signes contraires, c'est-à-dire qu'à une augmentation de prix correspondra une diminution de la demande. [...] 23. Pour définir avec exactitude la quantité D, ou la fonction F (p) qui en est l'expression, nous avons admis que D représentait la quantité débitée annuellement, dans l'étendue du pays ou du marché (1) que l'on considère. ___________ 1) On sait que les économistes entendent par marché, non pas un lieu déterminé où se consomment les achats et les ventés, mais tout un territoire dont les parties sont unies par des rapports de libre commerce, en sorte que les prix s'y nivellent avec facilité et promptitude. __________ [...] 24. Puisque la fonction F (p) est continue, la fonction p F (p), qui exprime la valeur totale de la quantité débitée annuellement le sera aussi." (Cournot, 1838, pp.54-58). On retiendra en passant que Cournot admettait implicitement que le prix d’une marchandise était un prix en monnaie et pût exister avant qu’il y ait eu échange convenu entre les gens. Et ses successeurs n’ont pas dérogé à la démarche … La géométrie dont il s’est servi (en dernière page de son livre…) retraçait les lois hypothétiques d'offre et de demande de marchandises qu’il avait définies par des relations algébriques monotones entre la quantité de marchandises d'une population de gens et le prix en monnaie de la marchandise (qu'il supposait pouvoir varier entre 0 et +∞). L’une (l’offre) était supposée croissante et l’autre (la demande).décroissante (cf. ci-dessous fig. 1 … d’origine). Source : Recherche sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, dernière page. La démarche lui permettait d’introduire une égalité entre la loi d'offre et la loi de demande et il en déduisait un prix en monnaie et une quantité de marchandises échangés par les gens que rien ne justifiait de séparer l’un de l’autre comme des économistes l’ont fait (cf. ci-dessous fig. 6 … d’origine). Source : Recherche sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, dernière page. Le prix de la marchandise, de fait un « prix en monnaie », - soit n’avait pas de sens économique, il n’exprimait rien sinon d’avoir été supposé cause d’une offre ou d’une demande de choses « tombées du ciel », - soit représentait l’égalité entre offre et demande au point où elles se coupaient, où il y avait égalité, où il y avait en fait accord des deux populations (de celle de l’offre et de celle de la demande) … Et tout cela a été discuté par la suite. 7. L’échange en question était donc un échange dit aujourd’hui « de marché», non synallagmatique, « dépersonnalisé » (pour reprendre le mot de Douglass North), où intervenait, ou non, un commissaire-priseur. Il était « indirect » (au sens des économistes dits « autrichiens ») pour autant qu’il faisait intervenir une population qui offrait des marchandises pour obtenir une quantité de monnaie et une autre qui demandait des marchandises du fait de la quantité de monnaie dont elle disposait 8. Des économistes ont suivi la méthode de Cournot qui voulait que la notion de « marché » fût, par excellence, l’échange de marchandises entre deux populations de personnes. John Stuart Mill n’a pas hésité à définir comme « prix en monnaie d’une marchandise » le rapport de l'offre à la demande entre deux populations de personnes. Et, dans la citation ci-dessus qui le concerne, il apparaît que Menger a appliqué son propos 2). 2) Je laisse de côté la démarche très voisine de John Stuart Mill. Le « prix en monnaie » d’une marchandise dont il parlait, n’exprimait donc pas le taux ou rapport d’échanges synallagmatique convenu entre deux personnes, expliqué par Pareto....
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