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Un bouclier fiscal ignoré : la taxation des plus values (selon Maurice Allais)

Georges Lane Publié le 11 mai 2011
4928 mots - Temps de lecture : 12 - 19 minutes
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Comme Vénus selon le poète, les hommes de l'Etat et leur administration sont féconds en artifices. Ceux-ci affleurent régulièrement en France à l'occasion de la dernière loi de finances de l'Etat ou de la dernière loi de financement de la sécurité sociale qu'ils ont concoctées. Le cas échéant, entre deux lois, ils lancent des « ballons d'essai » – comme on dit – pour voir la réaction de l'opinion à la nouvelle meurtrissure. La réforme de l'imposition des plus values est ainsi un des dadas du ministère de l'économie et des finances. Une preuve en est qu'elle est aujourd'hui d'actualité comme elle l'était il y a 35 ans. Est-ce à dire que rien ne s'est produit entre temps ? Que nenni. Alors que Giscard d'Estaing était président de la République en exercice – il avait « battu » Mitterrand à la dernière élection présidentielle en date - et Chirac, son Premier ministre en exercice, depuis 1974, et que les deux premiers déficits annuels du budget de l'Etat venaient de fleurir après une longue période d'équilibres budgétaires annuelles, mais que les taux d'augmentation respectivement des prix et du chômage augmentaient de façon significative, Maurice Allais, prix Nobel de science économique 1988, publiait dans Le Figaro du 23 novembre 1975 une analyse de la question sous le titre «Taxation des plus-values ». Ce texte présente l'intérêt que certaines des idées de l'auteur ne sont pas sans rappeler des propositions qui ont été agitées ces dernières semaines par les uns ou par les autres. Maurice Allais (photographie ci-dessous), disparu l'année dernière, en serait-il l'inspirateur ou bien s'agit-il d'une coïncidence? Pourquoi telle ou telle idées du texte ont-elles alors été choisies, s'il y a eu effectivement la référence à la pensée d'Allais, plus ou moins libérale, plutôt que telle ou telle autre ? Pourquoi pas de référence doctrinale ? En tout état de cause, le fait est que les idées retenues, volontairement ou non, par nos artificiers sont malheureusement très condamnables. Voici le texte de Maurice Allais que je ponctue de quelques remarques. Taxation des plus-values. La Documentation française vient de publier en deux volumes d'environ 600 pages le rapport de la « commission d'étude d'une imposition généralisée des "plus–values", ainsi que les textes des auditions de quarante-neuf personnalités. [Remarque 1: le rapport était donc adressé à la triplette infernale du moment - Giscard d'Estaing, Chirac et Fourcade -, représentative d'un gouvernement de l'Etat de la France prétendument libéral] Le projet gouvernemental soulève naturellement de nombreuses questions. Je me bornerai ici à des observations de fond. 1. La fiscalité, l'égalitarisme et la démagogie Dominée par une philosophie égalitaire, la fiscalité française et les transferts de revenus qui l'accompagnent ont déjà atteint un seuil excessif et insupportable. [Remarque 2 : pour fixer les idées, le taux de prélèvements obligatoires n'était alors que de l'ordre de 35% !] La question qui se pose réellement est de savoir comment aménager cette fiscalité de manière à pallier les inégalités et les inefficacités les plus criantes qu'elle suscite. L'impôt progressif sur le revenu pénalise les plus capables et favorise indûment les moins capables en les affranchissant de 1'impôt. II constitue un obstacle à la promotion sociale. C'est un impôt conservateur et réactionnaire qui protège la fortune acquise et compromet la constitution de patrimoines pour tous ceux qui ne disposent d'autres ressources que celles de leur travail [Remarque 3: face libérale des idées d'Allais] On voit les profits faciles qui résultent de l'inflation, de la hausse du prix du sol, de l'utilisation habile des règlements administratifs, voire de la corruption. On ne voit pas l'écrasement des classes moyennes par un système fiscal inique. [Remarque 4: Allais, le "bastiatiste" vraisemblablement sans le vouloir, fait apparaître que rien n'a changé depuis lors ; aujourd'hui, 35 ans plus tard, la classe moyenne est plus qu'écrasée, elle est écrabouillée] Dans la mesure où la fiscalité envisagée sur les plus-values frapperait d'autres éléments que les plus–values foncières, elle protégerait, tout comme l'impôt progressif sur le revenu, les fortunes acquises et pénaliserait la constitution de nouveaux patrimoines. [Remarque 5: la fiscalité sur les plus values, un «bouclier fiscal» avant l'heure et sans le nommer !] Les plus-values peuvent être considérées comme des éléments des revenus, mais une fiscalité qui ne frappe que les revenus tend - à protéger les situations acquises et - à s'opposer à la promotion sociale. [Remarque 6: erreur d'Allais, une plus value n'est pas un revenu, sauf chez les Marxistes, c'est un gain réalisé étant donné le monde d'incertitude où vous et moi prenons des décisions d'action à mener] En fait, l'inégalité des revenus est beaucoup moins forte que l'inégalité des fortunes. S'attaquer à l'une en négligeant l'autre aboutit à une distorsion inévitable et en tout cas très nocive. [Remarque 7: Strauss Kahn a travaillé sur le sujet dans le cadre de sa thèse d'Etat dans la décennie 1970 ; cela ne veut-il pas tout dire ?] Pour une grande part, nous vivons dans une économie décentralisée dont le principe moteur est la recherche de surplus réalisables, - soit par le progrès des techniques, - soit par une meilleure utilisation des ressources disponibles pour une technologie donnée. [Remarque 8: Allais raisonne, en bon marshallien qu'il est, en termes de surplus, concept pour le moins douteux] Si une part suffisante n'en est pas attribuée à ceux qui les découvrent et les réalisent, une motivation essentielle se trouve compromise. Une fiscalité qui se proposerait de confisquer tous les surplus condamnerait l'économie à l'inefficacité. La réalisation des surplus est conditionnée par le financement de nouveaux équipements. Il ne peut y avoir d'efficacité si la constitution d'un outil de travail et d'une épargne suffisante pour assurer son financement n'est pas assurée. [Remarque 9: originalité des ingénieurs économistes de la décennie 1960, en France, le «raisonnement» avec le concept marshallien de surplus et, le cas échéant, en le déformant, Stoléru, autre ministre de Giscard d'Estaing, mais aussi postérieurement de Mitterrand, en est un représentant exemplaire] Une imposition des plus-values qui ne tiendrait pas compte de la nécessité de favoriser l'épargne compromettrait tout progrès. [Remarque 10: Allais saute "du coq à l'âne" ou, si vous préférez, le texte a un "non sequitur", et c'est pour cette raison qu'on ne peut pas dire que le présent texte épouse un raisonnement logique ] Mais l'outil de travail physique, quelque important qu'il puisse être, est beaucoup moins essentiel que l'outil de travail humain. La philosophie actuelle de l'évolution de la fiscalité français est fondamentalement égalitaire et nivellatrice. [Remarque 11: nous sommes donc en 1975 quand Allais écrit ces lignes et Chirac est Premier ministre ; sans vraisemblablement le vouloir, Allais évoque en fait la philosophie permanent des gouvernements français jusqu'à aujourd'hui inclus ] Cependant , un égalitarisme excessif ne peut manquer de compromettre la formation et l'efficacité de l'outil humain, conditions indispensables de tout progrès. [Remarque 12: dont acte ; face libérale d'Allais ] Dans les discussions contemporaines, de dangereuses confusions sont faites entre - égalité des chances pour des capacités égales, - égalité des capacités et - égalité des revenus, entre injustices et inégalités. [Remarque 13: au nombre des victimes des confusions, Alain Madelin ...] L'objectif de la fiscalité devrait être la suppression des injustices mais non la suppression des inégalités. [Remarque 14 : certes, mais au pays d'Alice, celui des Merveilles ] L'expérience historique montre que toute société égalitaire se condamne à l'i...
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