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Il y a dix ans, à l'occasion de la loi de finances pour 2004, le Sénat
s'était intéressé aux "prélèvements obligatoires qui servent de plus en
plus à financer les comptes sociaux" - http://www.senat.fr/rap/r03-055/r03-0552.html
-.
Et
le Sénat de proposer, en particulier, un graphique sur l'évolution comparée
du taux de prélèvements obligatoires affectés à l'Etat et aux administrations
de sécurité sociale (années 1980-2002).
Le graphique est reproduit ci-dessous (tab.1) :
Tableau
1
Evolution comparée du taux de prélèvements
obligatoires affectés
à l'Etat et aux administrations de sécurité
sociale
(années 1980-2002)
(en %
du PIB)
Source
: rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de
finances pour 2004
Selon le Sénat,
"A ce titre, il convient d'ailleurs de souligner la singularité
française puisque, si, en 2000, 47,3 % des prélèvements obligatoires étaient
perçus au profit des organismes de sécurité sociale, ce taux s'élevait à 24 %
en moyenne dans l'ensemble des pays de l'OCDE.
Cet écart reflète largement les différents choix de société en matière de
financement de la protection sociale." (ibid.)
Sacré singularité effectivement!
1. La divergence.
Le
graphique faisait surtout ressortir la décroissance de la part des de
prélèvements obligatoires affectés à l'Etat et la croissance de celle des
administrations de sécurité sociale dans la période considérée, ce qui était
méconnu.
Rien n'a changé si l'on en croît le texte
du rapport sur les dépenses publiques pour 2013, la divergence a été
accrue.
De 2002 à 2011, l'Etat a vu ses dépenses augmenter de 350 à 410 milliards d'€uro (tab.2 ci-dessous)
Tableau 2
Source
: ibid., p. 26
tandis que les dépenses des organismes de sécurité sociale obligatoire sont
passées de 370 à 520 milliards d'€uro (tab.3
ci-dessous).
Tableau 3
Source:
ibid.
2. Remarque.
Sauf goût affirmé pour les statistiques, rien ne justifiait de procéder à ces
travaux.
A fortiori quand elles ne sont pas agrégées, les grandeurs
précédentes mises en parallèle cachent une ignorance farouche des auteurs sur
l'économie politique et l'histoire récente.
Jusqu'à preuve du contraire, l'Etat et l'organisation de la sécurité sociale
obligatoire (O.S.S.O.) "font deux".
L'une
est ancienne, l'Etat, l'autre est très récente, l'O.S.S.O. (cf. ce texte
de décembre 2007).
A
l'origine de 1945-46, elles étaient indépendantes l'une de l'autre en raison
de la législation.
Les
finances publiques - de l'Etat - n'avaient rien à voir avec les
"finances" de l'O.S.S.O. dès lors que cette dernière respectait ce
qui lui avait donné existence.
Certes,
sur ce point, était revenue à différentes reprises la Cour des comptes pour
s'en inquiéter, pour rappeler à l'O.S.S.O. ses conditions d'existence, et
pour qu'elle ne les oublie pas.
Elles
donneront lieu, en particulier, aux ordonnances de 1967 sur le régime général
de l'O.S.S.O., à la révision de la Constitution de 1996 (sur quoi le peuple
français n'a pas été convié) et à la loi organique de 2005 (cf. http://www.irdes.fr/EspaceDoc/DossiersBiblios...cementSecu.pdf)
Point essentiel : de même qu'à chaque instant, l'O.S.S.O. prend aux uns pour
donner aux autres, en se servant au passage, de même, à chaque instant, les
cotisations obligatoires doivent être égales aux prestations versées, à
certains décalages près.
La vérité est qu'au moins depuis 1952, cette égalité n'a pas été respectée,
mais un déficit s'y est substitué contre toute attente... de certains.
Les prétendues "lois de financement de la Sécurité sociale", remède
parmi d'autres inventé par les politiques pour y mettre un terme, n'y ont
rien changé depuis la première d'entre elles, à savoir la loi de financement
pour 1997.
3.
Le tribut.
Pour
pouvoir continuer à exister, l'O.S.S.O. est désormais tributaire de l'Etat
car elle n'a pas accès au marché financier et car celui-ci y a accès et ...
de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (C.A.D.E.S.) qui a elle
aussi accès au marché financier.
Soit dit en passant, présentons les target="_blank" ressources
de la CADES
La
CRDS
La
CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale) a été créée en 1996
afin de doter la CADES de recettes qui lui permettent d'amortir la dette qui
lui est transférée.
Son taux est de 0,5%.
Elle s'applique à l'ensemble des revenus d'activité et de remplacement, des
revenus du patrimoine et des placements ainsi qu'à la vente des métaux
précieux et aux gains des jeux de hasard (quelques exonérations).
La loi du 13 août 2004 a élargi l'assiette de calcul de 95 à 97 % des
salaires bruts et des allocations chômage.
La Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 l’a étendue à 98,25%.
La
CSG
La
CSG (Contribution Sociale Généralisée) a été créée en 1991.
Jusqu’en 2008, la CSG était répartie entre le Fonds de Solidarité Vieillesse,
la Caisse nationale des allocations familiales, les régimes de base
d’assurance maladie et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
En contrepartie de la nouvelle dette de 27 milliards d’euros votée par le
Parlement dans la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et
conformément à la loi organique du 2 août 2005, une nouvelle ressource
correspondant à 0,2 point de CSG a été affectée à la CADES.
La Loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010 a porté la part de la CSG affectée à
la CADES à 0,48 point.
La CSG est très semblable à la CRDS.
Elle est issue principalement des revenus d’activité et est également perçue
sur les revenus de remplacement, du patrimoine, des placements et des jeux.
Le
prélèvement social sur les revenus du capital
En
contrepartie des reprises de dettes par la CADES, la Loi n°2010-1594 du 20
décembre 2010 a affecté à la CADES 1,3% du prélèvement social sur les revenus
du capital.
Le taux du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits
de placement initialement à 2,2% a été relevé à 3,4% à compter du 1er octobre
2011, puis à 5.4% au 1er juillet 2012 et réduit à 4.5% au 1er janvier 2013.
Le
versement annuel du Fonds de réserve pour les retraites
La
loi n°2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la Sécurité sociale
pour 2011, a, dans le cadre de l’équilibre du financement de la réforme des
retraites, prévu un versement annuel de 2,1 milliards d’euros de 2011 à 2024
soit un versement total de 29,4 milliards d’euros.
Les
autres ressources
L’article
9 de l’ordonnance du 24 janvier 1996 disposait que le patrimoine privé à
usage locatif des Caisses Nationales de Sécurité Sociale et de l'Agence
Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS), à l'exclusion des locaux
affectés à un usage administratif, serait vendu à l'initiative de ses
propriétaires et le produit des ventes serait affecté à la CADES.
En
outre, il prévoyait que la partie du patrimoine qui ne serait pas vendue au
31 décembre 1999 serait transférée à la CADES, ainsi que les droits et
obligations qui y étaient attachés.
La vente intégrale des immeubles devait intervenir au plus tard le 31
décembre 2008.
L'arrêté
du 27 décembre 1999, publié au Journal Officiel le 30 décembre 1999,
a transféré à la CADES la propriété des immeubles privés à usage locatif
appartenant à la CNAVTS.
Le conseil d'administration s'était engagé à vendre ce patrimoine dans les
meilleurs délais et aux meilleures conditions financières.
A
la date du 31 décembre 2003, l'ensemble des opérations de cession avait été
réalisé pour un montant de 467,2 millions d'euros.
Plusieurs
opérations distinctes de reprise de dettes sociales par la CADES ont été
autorisées par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2011 et
2012, pour un total de 132,5 Md€.
En
2010, la durée de vie de la CADES a été allongée de 2015 à 2021 par la loi
organique n° 2010-1 380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette
sociale.
De
nouvelles ressources ont été affectées à la CADES pour permettre de financer
l’amortissement de cette dette d’ici 2025 (versements annuels de 2,1 Md€ du
fonds de réserve des retraites, affectation de 0,28 point de CSG
supplémentaire).
À
la fin de l’année 2012, à l’issue de ces transferts, le montant des dettes
reprises par la CADES depuis sa création s’élèvera à 209 Md€ et la dette
amortie par la CADES atteindrait 71,7 Md€.
La
dette restant à amortir au 31 décembre 2012 s’élèverait quant à elle à 137,3
Md€.
L’endettement de la sécurité sociale a, en particulier, fortement augmenté
"pendant la crise" puisqu’il est passé de 119,9 Md€ en 2008 (6,2
points de PIB) à 205,4 Md€ en 2011 (10,3 points de PIB).
Autre
remarque tirée de ce target="_blank" texte
sur les dépenses publiques pour 2013, la part d’endettement supportée par
les administrations de sécurité sociale a nettement progressé depuis la
création de la CADES en 1996.
Le transfert d’une partie de la dette sociale à la CADES, classée en ODAC -
organisme divers d'administration centrale - jusqu’en 2010, avait permis de
maintenir cet endettement autour de 1,5 point de PIB (comme le montre le
tab.4 ci-dessous).
Tableau 4
Source:
ibid. p.21.
Le reclassement par l’Insee - organisme créé en 1946 - en 2010 de la CADES
dans le secteur des administrations de sécurité sociale a
"mécaniquement" augmenté la part d’endettement de ce secteur au
sein de la dette totale des administrations publiques.
Elle est en effet passée de 5,8 % en 1996 à 12 % en 2011.
Sur les cinquante dernières années (1960-2011), la part des dépenses
publiques dans le PIB a augmenté.
Elles représentaient un peu plus de 35 % du PIB au début des années soixante
(cf. tab.5).
Tableau 5
Source:
ibid. p.12
Au début de 2010, elles ont pulvérisé les 55%.
Le taux global des prélèvements sociaux comprenant seulement la CSG, la CRDS,
le prélèvement social et ses contributions additionnelles était au 1er
janvier 2013 de 15,5% du PIB (dont 2,28% attribués à la CADES).
4.
Le tribut oublié.
Le
tribut de l'O.S.S.O. à l'Etat ou à la C.A.D.E.S. ne saurait faire oublier la
réalité économique fondamentale, à savoir les règles de droit et leur
comptabilité générale dont procède le marché financier pour agir ou ne pas
agir, et non pas telle ou telle comptabilité conçue par "X",
"Y" ou "Z" ... en toute innocence.
Mais
ce qui anime les hommes de l'Etat tient justement dans ces comptabilités sans
queue ni tête, à commencer par la comptabilité nationale créée à partir de la
décennie 1940 en France.
Il faut savoir qu'en France,
"la
comptabilité nationale cherche à déterminer ce qui, par nature, est une
dépense, quel que soit son intitulé, qu’elle se traduise ou non par un flux
de trésorerie" (ibid. p.7).
Et notre auteur ou nos auteurs - car le texte est anonyme - de poursuivre:
"Le
critère essentiel est qu’une dépense est un flux qui appauvrit
l'administration concernée au sens où son actif financier net courant diminue
(soit par une baisse de l’actif, soit par une augmentation du passif)."
Ces propos absurdes se suffiraient à eux-mêmes si nos orfèvres, toujours
incertains de leurs méfaits, n'y rajoutaient:
"Concrètement, cette définition conduit à exclure du champ des dépenses
publiques certaines opérations qui sont des dépenses au sens
budgétaire".
Ou encore :
"À l’inverse, des opérations sans impact budgétaire [...] sont
enregistrées par la comptabilité nationale comme des dépenses publiques..[...] "
"La comptabilité nationale conduit aussi à d’autres corrections
qui éloignent le concept de dépenses de celui retenu en comptabilité
budgétaire ou générale.
On
peut en particulier mentionner les trois corrections suivantes :
La
notion de droits constatés [...] La comptabilité nationale est donc sur ce
point proche d’une comptabilité générale, fondée sur le principe de
constatation des droits et obligations. [...]
Les cotisations sociales imputées [...] les cotisations fictives .[...]
Les prélèvements sur recettes [...] une dépense .[...] ."
5. Un dernier mot.
Bref,
malgré ce qui a été écrit en préliminaire de ce texte, il y a dépense et
dépense dans cette approche absurde.
La
notion de dépense varie selon les conventions comptables adoptées.
Pour
l’État, trois comptabilités coexistent, qui appliquent des normes différentes
et poursuivent des finalités distinctes:
- la
comptabilité budgétaire,
la comptabilité générale et
la comptabilité nationale.
Ce
sont donc ces absurdités qui gouvernent les propos des hommes de l'Etat et
qu'il faudrait abandonner pour revenir à la réalité économique.
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