1. Le vocabulaire de l'économie politique.
Dans son livre intitulé Harmonies
économiques (1850), Frédéric Bastiat a eu l'occasion d'écrire :
"Chapitre
X.
L’économie politique n’a pas, dans tout son vocabulaire, un mot qui ait
autant excité la fureur des réformateurs modernes que le mot concurrence,
auquel, pour le rendre plus odieux, ils ne manquent jamais d’accoler
l’épithète : anarchique. [...]
concurrence, ce n’est qu’absence d’oppression.[...]
Il est évident que la concurrence, c’est la liberté.
Détruire la liberté d’agir, c’est détruire la possibilité et par suite la
faculté de choisir, de juger, de comparer ;
c’est tuer l’intelligence, c’est tuer la pensée, c’est tuer
l’homme." (Bastiat,
1850, chap.10)
Aujourd'hui, et depuis maintenant un certain temps, la concurrence qui
fait toujours se dresser un maximum de gens, n'est plus "anarchique",
mais "imparfaite".
Des économistes postérieurs à
Bastiat, lui ont opposé la concurrence "pure et parfaite",
prétendu idéal qu'ils s'étaient chargés d'écrire en termes mathématiques
(avec la "théorie de l'équilibre économique général" de Léon Walras
et consorts ...).
Il en a été ainsi car nos économistes ont appliqué une notion
mathématique pour pouvoir interpréter la notion économique de
concurrence ou, si vous préférez, la notion réelle de liberté.
2. L'élasticité-prix en monnaie.
Cette notion, c'est l'"élasticité-prix" de la courbe d'offre de
marchandises, notion mathématique largement employée par les physiciens, d'où
d'ailleurs sa dénomination...
Dans un billet récent (cf. ce texte
d'octobre 2016), il a été vu que les notions de courbe d'offre et de
courbe de demande avaient été inventées par Antoine-Augustin Cournot en 1838.
Pour préciser ces deux hypothèses économiques, des économistes ont
introduit le rapport arithmétique de la variation relative de la quantité à
la variation relative du prix en monnaie qui est dénommé
"élasticité-prix".
La courbe de demande a été caractérisée par une élasticité-prix
décroissante de 0 à +∞ tandis que la courbe d'offre l'a été par une
élasticité-prix croissante.
Et nos économistes de passer, sous prétexte de simplification, à
l'une des deux limites de l'élasticité-prix de l'offre, à
savoir l'élasticité-prix nulle et l'élasticité-prix infinie.
Ils ont interprété l'élasticité-prix nulle comme une quantité de
marchandises fixée et l'élasticité-prix infinie comme une offre de
marchandises dont l'opposé de l'élasticité-prix infinie correspondait à un
prix en monnaie fixé...
3. L'"élasticité-prix" infinie et la concurrence.
Pour cette dernière raison, ils sont même allés au-delà et ont interprété
l'élasticité-prix infinie comme la "concurrence" - "pure et
parfaite" ... pour une partie d'entre eux -.
Et des économistes qui avaient fui le communisme, ont pu, à partir
de la décennie 1930, en particulier aux Etats-Unis d'Amérique, y
développer des textes à n'en plus finir sur la "concurrence
imparfaite".
Soit dit en passant, J.M.
Keynes y a été sensible...
4. Les fixations de prix en monnaie par les hommes de l'état.
Reste que l'interprétation a été biaisée pour ne pas dire volontairement
falsifiée.
Si les hypothèses de leur économie politique n'avaient pas exclu d'emblée
les règles de droit et les réglementations du législateur ou des pouvoirs
publics, ils se seraient vraisemblablement rendu compte que
l'"élasticité-prix" infinie de l'offre de marchandises ouvrait des
chemins différents.
Elle avait, au moins, une autre grande interprétation possible
que celle de la concurrence.
Cette interprétation, c'est tout simplement les réglementations de
fixation des prix décidées par les hommes de l'état.
5. L'ambiguïté.
Pour l'extra-terrestre de passage dans le monde..., les prix en monnaie
fixés témoignent ainsi autant de la concurrence que de la réglementation des prix
en monnaie par les hommes de l'état.
Mais alors que la concurrence
va de pair avec des "marchés blancs" et ne saurait cacher quelque
coût économique que ce soit, les réglementations des prix en monnaie vont de
pair avec des "marchés noirs" et cachent des coûts économiques
importants, le plus souvent laissés de côté par les économistes officiels.
Il n'y a pire opposition que la concurrence et les réglementations de prix
en monnaie.
Tout cela fait apparaître le mal que peuvent constituer l'application d'une
mathématique à l'économie politique, puis sa prétendue interprétation (cf. ce
texte
de décembre 2009).