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1. Un
premier fait.
Faut-il le rappeler : en cinquante ans (1948-98), le prix en FF du DM, la
monnaie de la République fédérale allemande (R.F.A.),
puis de l’Allemagne réunifiée, a été
multipliée par 4,5 (cf. ce texte).
Il y a fort à parier que si l’Allemagne ne s’était
pas réunifiée au début de la décennie 1990 sur la
base d’un mark de l’Est pour un DM, le
«multiplicateur» eût été encore plus
élevé.
2. Un second fait.
Mais, depuis lors, les gouvernements de l’Etat de l’Allemagne ont
appliqué la politique qui avait fait la réussite de la R.F.A.
alors que ceux de la France ont continué à appliquer celle qui
avait conduit au «multiplicateur».
Surtout, comme si de rien n'était, les hommes de l’Etat de ces
deux Etats et ceux d’autres – 11 au
total au départ - ont choisi de fusionner leurs monnaies
nationales en une monnaie régionale qu'ils ont dénommée
« euro » sur la base de taux de change qu'ils ont fixés en
mai 1998. Cela est un processus politique sans précédent.
3.
Le portrait de Dorian Gray.
Les ajustements économiques qu’à la fois
révélaient et provoquaient les variations des taux de change
des monnaies en question antérieurement, sont donc désormais
enfouis dans la fosse des parités creusée par les hommes de
l’Etat en mai 1998.
Elles le resteront jusqu’à ce qu’éclate le
processus «euroïque» ou, si on préfère,
jusqu’à l’éruption du volcan «euroïque».
Parce qu'il ne faut pas croire que les ajustements économiques ne se
font pas : ce n’est pas parce qu’on ignore, qu’on
n’est pas informé d’un phénomène ou qu'on
feint de l'ignorer que le phénomène n’existe pas.
Plus de dix ans après le fossoyage des monnaies concernées, il
y a nécessairement des ajustements économiques, des
"transferts" entre les pays de l’euro - les pays
«euroïques» -, qui se font.
Des ajustements, des transferts se sont effectués ces dernières
années et ce n’est pas fini.
Ils ont pris la forme de flux de quantités ou de revenus
"invisibles" car non cernés par les règles
prétendument comptables en vigueur, au lieu de prendre la forme
ostensible de variations de taux de change.
4. Les relations
économiques entre la France et l'Allemagne.
Dans le cas des relations entre l’économie de la France et
l’économie de l’Allemagne, étant donné ce
qu’on vient de souligner, les ajustements ou les transferts ont pris la
forme de flux de quantités et de revenus "invisibles" au
lieu de prendre celle d’une augmentation
du prix de la monnaie de l’Allemagne en monnaie de la France.
Le phénomène n'a d'autre cause que celle qu’aurait eu
cette augmentation : il est la conséquence plus ou moins invisible,
non cernée par les règles comptables « officielles
», d’une diminution des prix en monnaie allemande par rapport aux
prix en monnaie française.
Il s’analyse, d'une part, par l’augmentation de l’offre
allemande – par gain de productivité – par rapport
à la demande allemande, une augmentation qui donne lieu à une
balance des paiements courants excédentaires et à
l’élimination à terme du déficit
budgétaire, toutes choses égales par ailleurs.
Il s’analyse, d'autre part, par l’augmentation de la demande
française – par dépenses et déficit
budgétaires – par rapport à l’offre
française, une augmentation qui donne lieu à une balance des
paiements courants déficitaire et à l’aggravation du
déficit budgétaire, toutes choses égales par ailleurs.
5. Retour au "baudet"...
Dans ces conditions, les hommes politiques et les commentateurs,
stipendiés ou non, qui diabolisent actuellement
l’économie grecque et surtout les finances de l’Etat grec
devraient y regarder à deux fois.
Soyons malthusiens un bref instant : la Grèce, ce n’est que 11
millions d'habitants, la France, c'est 63 millions d'habitants et
l’Allemagne 83 millions. Les situations ne sont guère
comparables.
6. Soyons fins.
Nos commères - pour utiliser un mot cher à La Fontaine -
devraient s’interroger sur le graphique ci-dessous qui concerne les
finances de l’Etat de la France et à quoi j’ai
déjà eu l’occasion de me référer
tant il est majeur et ignoré.
Graphique
Evolution
comparée du taux de prélèvements
obligatoires
affectés à l'Etat et aux administrations de
sécurité sociale
(en % du PIB)
Source : rapport
économique, social et financier annexé au projet de loi de
finances pour 2004.
Ce graphique qui porte sur les années 1980-2002 - quand sera-t-il mis
à jour ? - est éloquent, en particulier, par ce qu’il ne
montre pas....
Il divulgue la dérive de la fiscalité « cotisations sociales
» du para Etat de la France qu’est l’organisation
de la sécurité sociale obligatoire (O.S.S.O.) par rapport
à la fiscalité de son Etat en titre.
Pourquoi parler de
"dérive" ?
Parce que la fiscalité de l’O.S.S.O. - officiellement
"A.S.SO." - qui n'a fait qu’augmenter par rapport à
celle de l’Etat, laquelle a diminué en apparence (en % du
P.I.B.), est lourde de dettes non comptabilisées – à
savoir les retraites de l’O.S.S.O. (cf. les trois livres sur Futur des retraites
et retraites du futur ).
La population des retraités du seul "régime
général de la sécurité sociale" (cf. le livre
1), c’est plus que la population grecque.
Certes, la fiscalité de l’Etat est lourde de dettes pour la
même raison – à savoir les retraites des fonctionnaires
non comptabilisées -, mais apparemment moindres en montant.
Il reste tout de même que la population des fonctionnaires en
activité et des fonctionnaires retraités, c’est à
peu de choses près la population grecque !
Qui va payer toutes ces retraites en France ? Et comment si
l'absurdité instaurée en 1941-46 continue à être
ignorée et vénérée comme l'indiqueraient les
sondages, malgré les destructions qu'elle occasionne ?
7. Tel sera pris qui
croyait prendre.
En d'autres termes, de qui se moque-t-on ?
La Grèce ne doit pas être le baudet
de la fable.
D'aucun dirait ce qu'on peut découvrir ci-contre.
Bref, l’ « euroïsme » des hommes politiques ou des
commentateurs en France devient vraiment héroïque.
Il doit être endigué par l'information, une information de tous
les instants, sinon tout le monde sera pris au piège.
Georges
Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de
Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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