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A l'époque que nous vivons où les hommes de l'Etat
sont à la dérive dans le fleuve des finances publiques et cela
non pas à cause d'une guerre qui vient d'être
déclarée à leur pays ou qu'ils viennent de
déclarer à un ou plusieurs autres, mais à cause des
décisions qu'ils ont prises dans le passé et des
prélèvements de richesse y afférents qu'ils ont
infligés aux contribuables, il semble judicieux de rappeler quelques
considérations ou principes qu'ils ignorent ou ont oubliés.
1. De la
fiscalité.
Il y a un siècle, il y avait trois grandes conceptions de
l'impôt.
1) L'impôt doit frapper les objets de consommation courante et certains
objets de luxe : ce sont les contributions indirectes.
2) L'impôt doit frapper directement le revenu ou le capital ou les
deux, ce sont les contributions directes.
3) L'impôt ne peut qu'être injuste et, en conséquence, le
meilleur ou le moins mauvais impôt est celui qu'on ne paie pas.
C'est, symétriquement, celui qui donne à l'Etat, aux
départements et aux communes la propriété des moyens de
production et de circulation - en créant des monopoles ou en
exploitant sous forme de régie intéressée des
entreprises (dont ils partageront les bénéfices et sur
lesquelles ils garderont le droit de contrôle).
2. Les
dépenses publiques.
De fait, pour payer les dépenses publiques, les hommes de l'Etat ont
voté des dispositions qui relevaient de ces trois manières de
voir.
S'y ajoutaient l'emprunt de monnaie et deux moyens - que certains auteurs
qualifiaient de "secondaires" - dénommés
"économies et restrictions" et "expédients de
trésorerie", ces derniers étant destinés à
"aveugler provisoirement le déficit" - tout comme "on
aveugle une voie d'eau sur un bateau" -.
3. Quelques
chiffres.
3.A. Budget de 1914.
Il y a près d'un siècle, le budget de l'Etat de la France pour
l'année 1914 s'élevait à :
F 5,2 milliards,
étant donné qu'alors le mot "franc" (F en sigle)
était le nom donné à :
322 mg d'or
depuis, officiellement, germinal an XI (mars 1803), mais de fait depuis 1726
;
que circulaient, en France, librement autant des pièces d'or que des
pièces d'argent, le taux de conversion officiel entre l'or et l'argent
étant de
1 g d'or pour 15,5 g d'argent ;
et que ces pièces avaient été frappées par l'un
ou l'autre des Etats de l'Union monétaire latine constituée par
iceux-ci depuis 1865.
3.B. Pourquoi
prêter attention à cette année 1914 ?
Pour les raisons précédentes, parce que la "guerre de
1914-18" allait commencer, mais surtout parce que, le 15 juillet 1914,
était promulguée la loi instituant l'impôt sur le revenu.
La loi disposait que l'application en commencerait l'année 1916.
Il est à remarquer que la déclaration de "fortune
imposable" était facultative et qu'il n'y avait ni
contrôle, ni sanction !
En 1916, sera promulguée la loi pour l'année 1917 dans laquelle
la déclaration est désormais obligatoire et sera
contrôlée :
- il n'y a pas d'impôt pour des revenus d'un montant inférieur
à F 3000 ;
- le taux d'imposition va de 1 % à 10%, il est de 10% pour les
revenus d'un montant supérieur à F 150000 ;
- il y a taxation d'office en cas de non déclaration.
3.C. L'invariance de
l'unité de compte de 1726 à 1914 .
Il est à souligner qu'en raison de l'invariance de l'unité de
compte, les chiffres du budget de l'Etat étaient directement
comparables à ceux des budgets antérieurs et cela depuis 1726.
Par exemple, le budget de l'Etat de la France qui s'élevait en 1914
à :
1,67
milliards de grammes d'or,
soit
1670
tonnes d'or.
était directement comparable à celui de 1869 qui
s'élevait à un peu plus de :
F 2 milliards,
soit
plus de 644 tonnes d'or.
Il avait donc plus que doublé entre 1869 et 1914.
A cette façon de procéder non anachronique, certains
préfèrent celle qui consiste à faire référence
à l'agrégat de comptabilité nationale P.I.B. - qui
n'existait pas à l'époque et est apparu dans la décennie
1950 -.
Pour l'année 1912, ils obtiennent par exemple comme chiffre du rapport
"dépenses publiques/P.I.B." :
12,6 %.
3.D. Budget de 2010 équivalent à celui de 1914.
Etant donné qu'à l'époque, et depuis 1900, le dollar des
Etats-Unis était tel que :
1
once d'or = $ 20,68
et qu'aujourd'hui, en 2010 :
1 once d'or vaut plus de $ 1200,
grosso modo,
le prix de l'once d'or en $ a été multiplié par un
nombre de l'ordre de 60.
Pour 1€ = $ 1,20,
1 once d'or vaut aux environs de € 1000,
(rappelons que 1 once d'or = 31,1 grammes),
tout se passe comme si le prix de l'once d'or en € avait
été multiplié par un nombre de l'ordre de 50.
A supposer que le F - aujourd'hui abandonné - ait eu
l'évolution du $ et étant donné le calcul
précédent, le budget de l'Etat de la France 2010
"équivalent" au budget de 1914 serait égal à :
5,2
x 50 = € 260 milliards
Aujourd'hui,
le budget de l'Etat s'élève à près de :
€ 1000 milliards,
il est donc près de 4 fois celui de 1914 et de 8 fois celui de 1869.
Selon la démarche en termes du rapport "dépenses
publiques/PIB", le dernier chiffre donné (source O.C.D.E.) est
56,9 %.
Où cette augmentation s'arrêtera-t-elle ?
Faut-il admettre un taux d'augmentation des dépenses publiques qui
double tous les demi-siècles ?
4. Les
dépenses publiques dans le monde de 2010.
Il est difficile de répondre à la question.
Une chose est certaine : parmi les pays de l'O.C.D.E.,
seul le Danemark fait pire que la France en 2010, en termes de
dépenses publiques !
Selon les chiffres de l’O.C.D.E., les dépenses de l’Etat
français représenteraient, pour 2010 :
56,9 % du P.I.B.
Le Danemark et la France occupent donc le haut du classement,
devançant la Suède, le Royaume Uni, l'Italie - qui se situent
au-dessus de la moyenne calculée des pays de l'euro -
l’Allemagne et l'Espagne - qui se situent néanmoins au dessus de
la moyenne calculée des pays de l'O.C.D.E. - le Canada, les
Etats-Unis, le Japon, etc.
5.
Le jour de la libération fiscale 2010 : 28 juillet.
Contribuables associés
a calculé que, pour cette année 2010, le jour de l'année
où les contribuables commenceront à travailler pour
eux-mêmes et non plus pour les hommes de l'Etat sera :
le 28 juillet.
En 2009, c'était le 15 juillet
2008
12 juillet
2007
16 juillet
2006
16 juillet
2005  ...;
16 juillet
2004
16 juillet
2003
14 juillet
2002
12 juillet
2001
10 juillet
2000
13 juillet
1999
17 juillet
1998
17 juillet
1997
20 juillet
En d'autres termes, après une faible amélioration de 1997
à 2001, c'est une détérioration permanente et un
plongeon marginal.
Georges Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de
Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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