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Il y a cinq ans, dans la perspective de
l'élection présidentielle prochaine, j'avais écrit un
billet en date du 16 janvier 2007 intitulé "Demandez l'addition
2002-2007" (cf. le
billet) .
Dans la perspective actuelle de la prochaine élection
présidentielle, le billet qui suit fait un point en termes analogues -
à la prise en considération de la C.A.D.E.S. près -,
pour la période 2007-2012.
1. Création de
richesses.
* 2007
Le P.I.B. de la France était de l'ordre de :
€ 1 900 milliards
Source : France-inflation.com.
Rappelons que le produit
intérieur brut aux prix du marché (P.I.B.) est un
agrégat représentant le résultat final de
l'activité de production des unités productrices
résidentes.
Il peut se définir de trois manières dans le cadre de la
"comptabilité nationale" de l'I.N.S.E.E.:
- le P.I.B. est égal à la somme des valeurs ajoutées
brutes des différents secteurs institutionnels ou des
différentes branches d'activité,
augmentée des impôts et diminuée les subventions sur les
produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux branches
d'activité) ;
- le P.I.B. est égal à la somme des emplois finals
intérieurs de biens et de services (consommation finale effective,
formation brute de capital fixe, variations de stocks), augmentée des
exportations, et diminuée des importations ;
- le P.I.B. est égal à la somme des emplois des comptes
d'exploitation des secteurs institutionnels : c'est la
rémunération des salariés, impôts sur la
production et les importations diminué des subventions,
excédent brut d'exploitation et revenu mixte.
* 2012
Le P.I.B. de la France devrait être de l'ordre de, selon toute
vraisemblance :
€ 2 000 milliards.
Bref, en cinq ans :
€ 100 milliards
de création annuelle de richesses supplémentaires auront
été progressivement générés.
En termes trimestriels, l'évolution est retracée par le
graphique 1 ci-dessous.
Graphique 1
Période 2005 I-
2010 IV
Source : ibid.
Sur plus longue période, on peut se reporter au graphique 2
ci-dessous.
Graphique 2
Période 1950-2010
données annuelles
Source : ibid.
2. Institution
présidentielle.
* 2007
Le Président de la République en exercice - Jacques Chirac - terminait
son quinquennat, mais ne se représentait pas.
Un nouveau était donc élu en mai - Nicolas Sarkozy - et
commençait ainsi un quinquennat.
* 2012
Selon toute vraisemblance, le Président de la République en
exercice terminera son quinquennat et se représentera pour tenter
d'être élu une deuxième fois.
3. Le budget de l'Etat et
le marché politique.
* 2007
Le budget de l'Etat qui avait été confectionné par le
"gouvernement Villepin" sous les auspices du Président de la
République précédent était rapiécé
par le nouveau gouvernement, le "gouvernement Fillon" sous les
auspices du nouveau Président.
Le déficit du budget de l'Etat voté et prévu fin 2006
pour 2007 par la "Loi de finances" était de l'ordre de :
€ 42 milliards.
Et l'encours de la dette négociable de l'Etat atteignait fin 2006:
€ 877 milliards
(cf. agence
France trésor)
* 2012
Le déficit du budget de l'Etat voté et prévu fin 2011
pour 2012 par la dernière "Loi de finances" est de l'ordre
de :
€ 78,7 milliards
(art. 64 de
la loi du 21 décembre 2011)
Le même article stipule que l'Etat devra trouver sur le marché
financier
€ 178,9 milliards
du fait des dettes qui viennent à échéance et doivent
être remboursées (amortissement) et des nouvelles qui doivent
être contractées en conséquence.
Fin 2011, d'après l'agence France trésor, le marché
financier a bien voulu que la dette négociable cumulée de
l'Etat atteignît :
€ 1 313 milliards.
Il s'ensuit qu'il y a eu une augmentation de la dette négociable de
l'Etat pendant le quinquennat de l'ordre de :
€ 436 milliards
c'est-à-dire de l'ordre de 50%.
Soit dit en passant, une pratique discutable veut qu'on retrace
l'évolution du rapport de la "dette de l'Etat au sens de
Maastricht" au P.I.B. et que cela ait une signification
économique.
En voici ci-dessous la représentation (cf. graphique 3) étant
entendu que "l'Etat au sens de Maastricht" n'est autre que
l'ensemble des administrations publiques:
Graphique 3
Dette des administrations
publiques
en point de P.I.B.
1995 - 2011
Source : I.N.S.E.E.
Je me réserve l'interprétation de la courbe... (cf. ce
billet).
En relation avec les autres Etats de l'Union européenne, on pourra se
reporter à ce billet
du 3 mai 2009, "date intermédiaire".
4. En bref, "le jeu
en valait-il la chandelle ?"
Toutes choses égales par ailleurs et par comparaison, le P.I.B. de
2007 - les €1900 milliards - était donc grevé de :
€ 42 milliards
à aller quêter, net, sur le marché financier,
étant donné un endettement de :
€ 877 milliards
;
le P.I.B. de 2012 - les € 2000 milliards - sera grevé non pas
d'une quête de € 42 milliards mais de près du double :
€ 78,7 milliards
pour un endettement de l'ordre de :
€ 1313 milliards.
En d'autres termes, de 2007 à 2012, il y a eu finalement :
€100 milliards
de richesses supplémentaires produites annuellement pour près
de
€450 milliards
de dettes de l'Etat en plus.
Je pose la question : "le jeu en valait-il la chandelle" ?
C'est au marché financier de répondre à la question car
"la chandelle", c'est la confiance qu'il peut avoir dans les
débiteurs, dans les "chercheurs de capitaux".
Pour sa part, "le jeu", c'est le choix des hommes de l'Etat
d'endetter icelui plutôt que de faire en sorte que ses dépenses
soient égales à ses recettes, bref qu'il ait un budget en
équilibre.
Autre question : que reste-t-il de la chandelle aujourd'hui ?
* Remarque : la C.A.D.E.S.
Difficile de répondre à la question.
Une chose est certaine : y contribuent les agissements de
l'établissement public national qu'est la Caisse
d'amortissement de la dette sociale (C.A.D.E.S.) et que je n'avais pas
évoqué en 2007.
Il faut savoir que la C.A.D.E.S. a pour mission :
- d’amortir la dette sociale qui lui est
transférée, c’est-à-dire les déficits
cumulés à l’agence centrale des organismes de
Sécurité sociale (A.C.O.S.S.) - agence créée par
ordonnance en 1967 (cf. entre autres mon
livre sur la sécurité sociale) - ; d’effectuer des versements
à différentes caisses et organismes de Sécurité
sociale.
Seulement, depuis qu'elle a été créée en 1996,
l’échéance de sa mission a déjà
été repoussée plusieurs fois : à chacune d'elle,
on disait que c'était la dernière et des parlementaires
n'hésitaient pas à faire valoir qu'ils s'opposeraient à
la dérive.
Dans l'intervalle de temps 2007-2012 qui nous intéresse, il se trouve
que l'échéance a été de nouveau modifiée
et fixée cette fois ... à l’amortissement total de la
dette sociale reprise.
En d'autres termes, il n'y a plus d'échéance affichée
puisque le montant de la dette sociale n'est pas lui-même fixé,
mais peut varier d'un instant à l'autre par décision des hommes
de l'Etat.
De qui se moque-t-on !
Si on en croit l'échéancier ci-dessous, à l'heure
actuelle, ce serait 2025:
Source : C.A.D.E.S.
Soit dit en passant, l’article 7 du décret n° 96-353 du 24
avril 1996 relatif à la C.A.D.E.S. prévoyait l’adoption
d’un plan comptable particulier établi en conformité avec
le plan comptable type des établissements publics à caractère
administratif (instruction M 9-1 de la Direction générale des
finances publiques).
Dans la mesure où ce plan de comptes, directement inspiré du
plan comptable général, s'est trouvé peu adapté
à l’activité particulière de la CADES, le conseil
d’administration du 10 octobre 1996 a décidé
d’adopter le plan comptable des établissements de crédit.
Depuis lors, l’enregistrement des opérations et le compte
financier annuel rendu par l’agent comptable sont
présentés selon les normes propres à ces établissements
et un compte financier est établi selon la norme réglementaire
M 9-1 pour transmission aux organismes de contrôle.
Ce cadre comptable particulier, proposé par un consultant, a
été validé par l’ordonnateur, l’agent
comptable, la Direction générale de la comptabilité
publique et le Conseil national de la comptabilité (avis n° 99-04
- assemblée plénière du 18 mars 1999).
Ne vous étonnez-donc pas de ne rien comprendre à la sus
nommée "comptabilité".
Il n'en reste pas moins
que :
"Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale a
été voté par le Parlement le 29 novembre 2011.
En particulier, l’article 27 du projet propose le transfert à la
C.A.D.E.S. des déficits cumulés 2009 et 2010 de la branche
vieillesse du régime des exploitants agricoles, à hauteur de
2,5 milliards d’euros.
[...]
en 2011, la C.A.D.E.S. a versé 65,3 milliards d’euros
à l’A.C.O.S.S. avec un dernier versement de 2,3 milliards
d’euros réalisé le 9 décembre 2011,
conformément à la loi de financement de la
Sécurité Sociale (L.F.S.S.) pour 2011."
Il est à souligner que :
"L'Etat est responsable en dernier recours des engagements de la
C.A.D.E.S. Il garantit la solvabilité de la C.A.D.E.S...
Le remboursement des emprunts est d'abord assuré par les ressources de
la C.A.D.E.S. En effet, le service et l'amortissement de la dette sont
prioritaires sur le versement annuel de 3 milliards d'euros à
l'État (article 9-III de l'ordonnance du 24 janvier 1996).
En outre, comme c'est le cas pour tous les établissements publics
nationaux, l'Etat est l'ultime responsable de la solvabilité de la
C.A.D.E.S, en application de la loi du 16 janvier 1980 relative à
l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public.
Les procédures de redressement et de liquidation judiciaire ne sont
d'ailleurs pas applicables à un établissement public (article 2
de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la
liquidation des entreprises) et, s'il est dissout, sa dette éventuelle
est transférée à la collectivité qui l'a
créé (l'Etat dans le cas de la C.A.D.E.S.)...et la
prémunit contre tout défaut de liquidité
L'Etat peut à tout moment accorder une avance de trésorerie aux
établissements publics nationaux afin de garantir leur
liquidité. Il est même tenu de le faire si celle
ci se trouve en situation d'insuffisance de crédit
constatée par décision de justice (loi du 16 juillet 1980). Ces
avances sont accordées à partir d'un compte spécial du
Trésor."
En juin 2011, l'endettement net de la C.A.D.E.S. s'élevait à :
€ 135,3 milliards.
(cf. p.5
du texte cité)
Les chiffres au 31 décembre 2011 ne sont pas encore disponibles.
5. Le marché
financier.
Si les hommes de l'Etat ont une mémoire sélective dans le
meilleur des cas et, dans le pire, pas de mémoire du tout, le
marché financier se souvient de tout.
De plus, il se forme en permanence des espérances nouvelles sur un
avenir dont l'horizon n'est pas celui de la prochaine élection ...
gagnée ou perdue ... par tel ou tel dans tel ou tel pays, mais celui
des processus d'investissement qu'il estime dignes d'intérêt et
donc d'appui.
Jusqu'à ce quinquennat de 2007-12, le marché financier ne
s'était pas fait tirer l'oreille.
Depuis quelques mois, il a changé d'avis (cf. par exemple ce
billet).
6. Marché
financier contre marché politique ?
Le marché politique de la France n'est guère comparable
à un tel processus de marché depuis qu'en particulier, il a
été verrouillé début de la décennie 1990
par un de ses rouages, à savoir le Parlement.
En effet, sous prétexte de mettre fin à la corruption qui avait
laminé le marché politique les décennies
précédentes, les parlementaires n'ont pas trouvé mieux
que de voter le financement public des partis politiques.
A défaut de végéter sur la corruption, le marché
politique vogue désormais sur le vol légal.
Une partie de la conclusion de mon billet
du 16 janvier 2007 intitulé "demandez l'addition
2002-2007" était :
"C'est donc le marché financier qui vous donnera, un jour
prochain, l'addition que vous demandez - et non pas moi - si la tendance que
je viens de rappeler continue à croître et embellir."
Le fait est que la tendance n'a pas changé, bien au contraire, elle a
été accentuée.
Et le marché financier en a pris acte et, logiquement, a commencé
à donner des éléments de l'addition il y a quelques mois
et des agences de notation lui ont emboité le pas.
Pour le reste, rendez-vous dans cinq ans.
Georges
Lane
Principes
de science économique
Le texte ci-dessus a été
publié, sous le même titre, dans le périodique de l'A.l.e.p.s
., , 35 avenue Mac Mahon, 75017 Paris, intitulé Liberté
économique et progrès social, n° 70, mars 1994, pp.
10-23 .
Georges
Lane enseigne
l’économie à l’Université de Paris-Dauphine.
Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire
J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié
avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés
par l’auteur
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