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Aujourd’hui, en France, où près de 55% du
P.I.B. semblent tomber des mains des hommes de l’Etat et du para Etat -
qu’est l’organisation de la sécurité sociale
obligatoire (O.S.S.O.) – sous forme de sommes de monnaie
distribuées, il y a quelque chose de cocasse à lire tous les
raisonnements économiques qui font abstraction de nos deux ensembles
d’épouvantails qui, à cette occasion, démontrent
leur efficacité dans le domaine : ils épouvantent tellement
qu’on n’en parle pas !
La cocasserie atteint son comble quand les raisonnements
n’hésitent pas à formuler des conclusions, par exemple en
matière de retraite, et à dire qu’il y a un
problème économique.
1. La retraite en
tant qu’effets d’obligations réglementaires.
La retraite en France n’est pas le problème économique
qu’on veut bien dire.
Elle n'est que la conséquence d’un problème politique
dont on refuse de parler. Il a été créé de
toutes pièces, principalement au long des années 1936-1946 - aux deux prétextes des prétendus échecs
et abus du capitalisme et du bien être qu’apporterait quelque
communisme ou socialisme aux couleurs de la France -, et qui ont conduit
à l’O.S.S.O.
La retraite en France démontre aujourd’hui, tout simplement, les
effets à long terme des coups de force et autres coups d’Etat
qui se sont déroulés et qui ont débouché sur
l’O.S.S.O., effets qu’avaient prédits certains alors.
2. Remarque : le
« non dit » de l’« obligatoire ».
Soit dit en passant, il est un fait que l’adjectif
«obligatoire» n’est pas un leitmotiv du vocabulaire
français.
En conséquence et a
priori, de deux choses l’une :
- tout est obligatoire en France, le « libre » est extraordinaire
et l’ « obligatoire » va sans dire ;
- rien n’est obligatoire, le « libre » est la règle,
et cela est seul l’important…, pourquoi en effet encombrer le
discours par le mot « obligatoire » ?
Que, dans une conversation à bâtons rompus ou pour un
étranger observant la France, il en soit ainsi, soit.
Que dans un travail scientifique ou dans une opération politique de
grande envergure, il en soit ainsi, nous sommes dans l’imposture.
Il faut savoir que la retraite en question aujourd’hui, qui occupe le
gouvernement, est une retraite obligatoire, pas une retraite facultative,
c’est une retraite multiparamètrique ou, si on
préfère, multiobligation règlementaire par ses causes,
infligée aux gens qui travaillent en France.
Rien ne justifie d’écarter le mot « obligatoire » du
vocabulaire en relation avec la retraite comme c’est le cas ordinaire.
Si je vais le faire ci-dessous, c'est pour alléger les phrases.
3. Le «
très dit » de la « durée ».
Prenons le cas du paramètre ou de l’obligation
réglementaire « durée de cotisation pour avoir le droit
à une retraite à taux plein » que comporte le
régime de base vieillesse du régime général de
l’O.S.S.O., régime «essentiel» par le nombre de
personnes concernées et qui fait beaucoup jaser.
3.A. N’ayons
pas la mémoire courte.
Il faudrait d’abord que chacun sache que :
1) en 1945-46, la durée avait été fixée à
30 ans pour le régime général en cours de constitution ;
2) en 1971, i.e. 25 ans - une génération - plus tard, il y a
donc près de quarante ans, cette durée a été
allongée à 37,5 années, soit une augmentation de
longueur de 25% ! ;
l’augmentation a véritablement sonné le glas de la
retraite de base, mais personne ne l’a entendu ou n’a fait mine
de l’écouter.
3) entre temps :
* en 1967, les ordonnances du gouvernement de l’époque (de
Gaulle, président de la République, et Pompidou, 1er ministre)
avaient cherché à mettre un terme à la gabegie du
régime général que dénonçait la Cour des
comptes : parmi les modifications que les ordonnances ont apportées
à l’O.S.S.O., est à citer l’individualisation de la
« branche » "sécurité sociale-vieillesse"
ou, si vous préférez le mot, "...-retraite" ;
* en 1968, avait été convenue une hausse du salaire minimum
industriel garanti (s.m.i.g.) de plus de 30% ;
* en 1970, le s.m.i.g. était devenu salaire minimum interprofessionnel
de croissance (s.m.i.c.) ;
4) aujourd’hui, la « retraite à taux plein » du
régime de base vieillesse du régime général de
l’O.S.S.O. est 50% du «plafond de sécurité
sociale», lequel est égal à 2,15 s.m.i.c. brut, soit
2,15 fois le vrai prix du travail diminué des prétendues
«cotisations employeur» ou
1,37 fois ce vrai prix du travail ou, à peu de choses près,
1 s.m.i.c. brut.
3.B. « Tout
cela est bien compliqué ».
« Tout cela est bien compliqué », devez-vous penser.
Je vous l’accorde, vous avez raison.
Mais c’est étudié pour…
Cette complication fait partie des effets de l’O.S.S.O. et de toute
organisation planificatrice, elle contribue au coût de
l’organisation, i.e. aux ressources gaspillées, et à sa
disparition un jour ou l’autre pour cause d’augmentation
permanente de ce coût.
A chacun de faire un petit effort et de supporter un petit coût pour
s’informer et refuser certaines obligations nouvelles et pour
éviter ainsi de supporter un coût non seulement plus
élevé mais surtout croissant dans l'avenir jusqu'au jour
où...
3.C. Une
détermination non économique du montant de la retraite de base.
Dans ces conditions, il faut comprendre que le montant de la retraite du
régime de base vieillesse du régime général de
l’O.S.S.O. est entièrement déterminé par la
collusion des hommes de l’Etat et du para Etat, par leur connivence.
La détermination du montant de la retraite de base n’a ainsi
aucun fondement économique puisqu'elle procède de la fixation
arbitraire du s.m.i.c.
Elle résulte d’un jugement porté par nos hommes sur ce
qu’ils croient savoir des capacités productives de
l’économie de la France et qui les conduit à fixer
d’un commun accord ... politique :
- le montant du smic brut,
au 1er janvier 2010, le montant du s.m.i.c. horaire brut est fixé
à €8,86, soit par mois €1343,77, sur la base de la
durée légale de 35 heures hebdomadaires.
- le prix légal minimum du travail, via ce qu’ils
dénomment les « cotisations employeur »,
au 1er janvier 2010, € 2100
, soit près du double de la somme que le "smicard" trouve
sur son compte en banque et dont il peut donc disposer pour survivre ;
- le « plafond de la sécurité sociale », un certain
multiple du smic brut,
au 1er janvier 2010, le plafond mensuel est €2885 ;
- la « retraite à taux plein », une fraction du plafond,
au 1er janvier 2010, 50% du plafond.
3.D. Le « taux
plein ».
"Et quel est le rapport de tout cela avec l’obligation
réglementaire « durée de cotisations pour avoir le droit
à une retraite à taux plein » ?", me direz-vous.
Il est direct : dès lors qu’on a moins que cette durée de
cotisations, la retraite qu’on reçoit n’est pas
«à taux plein», mais supporte une décote.
Aujourd’hui, la durée est de 41 années ou 164
trimestres.
Par rapport à 1971, elle a donc été encore
augmentée de 9,3%.
Et cela ne semble pas fini...
En tout état de cause, si vous n'avez pas ces nombres d'années
ou de trimestres, votre retraite de base présentera donc une
décote dont les paramètres ont été
eux-mêmes fixés arbitrairement.
4. Attention
à la confusion des durées obligatoires !
Cette obligation réglementaire de la « durée de
cotisations pour avoir le droit à une retraite à taux plein
» n’est pas à confondre avec l’obligation
réglementaire de la «durée prise en considération
pour le calcul du salaire de référence» dont il est
question le cas échéant.
A supposer que vous satisfassiez l’obligation de la première
durée, vous aurez droit à « 50% du plafond »
à la condition que vous satisfassiez cette autre obligation que votre
« salaire de référence » soit supérieur au
plafond, c’est-à-dire que votre salaire moyen calculé sur
la durée en question ne soit pas inférieur au plafond.
En d’autres termes, et par exemple, la personne qui, toute sa vie de
travail durant, aura gagné le s.m.i.c. et qui satisfait la
première obligation de durée, ne recevra pas pour autant comme
retraite de base 50% du plafond.
Elle recevra un montant de retraite inférieur car son salaire aura
été en permanence inférieur au plafond et car, en
conséquence, son salaire de référence y est
inférieur.
5. Le paradoxe de la
durée.
Pour s’affranchir du capitalisme et du marché financier qui,
seuls, permettent de gérer efficacement le temps et qu’ils
honnissaient, les constructeurs de l’O.S.S.O. ont fait valoir la
« répartition obligatoire » qui, de fait, obligent les
"travailleurs" à vivre au jour le jour.
La « répartition obligatoire », c’est en effet,
à chaque instant, prendre aux uns pour donner aux autres, en se
servant au passage (frais de gestion de l'obligation
réglementaire...). Tout se passe comme si nos constructeurs
avaient obligé le temps à suspendre son vol à défaut
d'en faire abstraction.
Soit dit en passant, autre cocasserie, ils n'hésiteront pas à
dire simultanément que le marché en général est
myope, que le marché financier en particulier recherche de plus le
profit à court terme. Avec la répartition obligatoire, il
n'y a même plus de terme !
En matière de retraite de base, c’est, à chaque instant,
obliger les uns à payer des cotisations de sécurité
sociale vieillesse pour verser des retraites aux autres, en se servant au
passage.
Mais, comme on vient de le voir, les cotisations ont une dimension temporelle
- via les salaires à prendre en considération pour le calcul du
salaire de référence - et les retraites ont une dimension
temporelle - via la durée de cotisations pour obtenir le « taux
plein » ou un taux avec décote -. Ces deux dimensions temporelles
ne sauraient être cachées.
Pas davantage que la troisième dimension de même nature : les
régimes de retraite peuvent avoir un déficit car le
marché financier accepte de leur prêter les ressources qui
manquent. Sans marché financier, pas de déficit.
En d’autres termes, loin d’être indépendante du
temps, la répartition obligatoire y est étroitement
liée.
Et sans les manipulations des obligations temporelles rappelées
ci-dessus, les régimes de retraite de base auraient disparu depuis
longtemps .
Mais, étant données toutes les manipulations pratiquées,
l’ensemble des régimes de base de la sécurité
sociale vieillesse est devenu hétérogène au point que
jalousies et mécontentements s’exacerbent et l'exacerbation
commence à apparaître à la surface de l'actualité.
Dans ces conditions, les hommes de l'Etat et du para Etat ne peuvent
qu'être confrontés de façon croissante à un
problème d'homogénéisation temporelle des régimes
de base.
A coup sûr, étant donné l'évolution passée,
il va arriver un jour où il sera plus difficile de passer à
l'homogénéisation temporelle qu'à la capitalisation.
En attendant, tant sur l'homogénéisation de régimes de
base en définitive incompatibles les uns avec les autres aujourd'hui
que sur le passage à la capitalisation et les coûts respectifs
des deux démarches, il conviendrait que les Français soient
officiellement informés, ce qui n'a pas été
malheureusement le cas jusqu'à présent.
A fortiori,
il conviendrait que ce problème politique des régimes de
retraite obligatoires de base ne soit pas mélangé avec celui
des obligatoires complémentaires malgré ce que certains
s'emploient à faire, vraisemblablement pour que rien ne change en
dépit de la débâcle.
Georges Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de
Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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