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Il y a près de vingt
ans, Pascal Salin a publié un livre l'Arbitraire
fiscal (Robert Laffont, Coll.Liberté
2000).
Le livre a
été réédité en 1996 par les
éditions Slatkine (Paris), avec le sous
titre Comment sortir de la
crise et une préface d'Alain Madelin.
1. Un
résumé du livre par l’auteur.
Dans le périodique Liberalia,
en juillet 1988, Pascal Salin (ci-contre) a eu l’occasion de faire le
résumé suivant de l'ouvrage :
« Le bricolage fiscal caractérise la structure des
impôts dans un pays comme la France. Les impôts résultent
de décisions parcellaires, prises en fonction d'intérêts
électoraux ou de conceptions superficielles. Ils ne répondent,
par conséquent, à aucun critère valable de justice et
donc d'efficacité.
Partout dans le monde on se préoccupe de la réforme fiscale.
Pour que celle-ci ait un sens, il faut qu'elle repose sur des principes
moraux et des conceptions de théorie économique rigoureuse
"l'Arbitraire fiscal" vise à fournir des principes de cet
ordre plus précisément, il recherche comment concilier une
approche individualiste de la société avec les décisions
collectives qui sont à l'origine de l'impôt.
L'ouvrage s'interroge donc, évidemment, sur la nature du
phénomène étatique, dont la fiscalité est un
instrument majeur. Il s'ouvre par un chapitre sur le rôle de l'Etat et
se termine par une réflexion sur les moyens de réformer
l'impôt pour qu'il réponde mieux à une vieille exigence:
celle du consentement à l'impôt.
Les chapitres intermédiaires abordent des problèmes plus
spécifiques. Parmi les thèmes essentiels de l'ouvrage, on peut
relever les suivants:
- Une critique radicale de la notion de progressivité de
l'impôt. Celle-ci est généralement
considérée comme l'expression de la "justice
fiscale". Il est montré qu'il n'en reste rien et que la
progressivité est simplement la conséquence des
mécanismes du "marché politique".
- La surtaxation de l'épargne, qui constitue
l'une des causes majeures de la "crise économique".
L'impôt sur le revenu est un impôt sue l'épargne et il
conviendrait donc de le remplacer par un impôt général
sur la dépense ( c'est à dire un impôt déclaratif
où l'épargne serait soustraite de l'assiette de l'impôt).
Les implications d'une telle réforme sont étudiées en
détail et permettent d'aboutir à une conception unifiée
de l'impôt, au lieu du "patchwork" actuel où des
impôts multiples aboutissent à des spoliations
considérables et à des distorsions aussi importantes que mal
connues. L'impôt sur le capital et les droits de succession font
évidemment l'objet d'une attaque vigoureuse.
- L'ouvrage souligne le caractère caché de beaucoup
d'impôts. Ainsi, il est mythique de croire que les entreprises
"paient" des impôts. Les impôts sont toujours
payés par des personnes. Mais les hommes politiques ont
évidemment intérêt à cacher le poids réel
de l'impôt, au mépris des règles de transparence qui
devraient inspirer le fonctionnement d'une démocratie.
Au passage, plusieurs impôts sont examinés, par exemple la
T.V.A. ou les impôts sur les plus-values, mais toujours dans le cadre
d'une conception théorique et éthique unifiée.
"l'Arbitraire fiscal"
n'est donc pas un livre de technique fiscale, il n'est pas non plus un
pamphlet contre l'impôt.
Il constitue une réflexion en profondeur sur le
phénomène fiscal et sur le phénomène étatique.
Il fournit un cadre à toute discussion sur la réforme fiscale
et il a donc d'importantes implantations pratiques. »
2. Mon « Etude
et critique de l'ouvrage »
Dans le même numéro du périodique Libéralia,
j’ai eu l’heur de juxtaposer une « Etude et critique
de l'ouvrage de Pascal Salin », accepté sans réserve
par celui-ci.
En voici le texte
« Les ouvrages sur la fiscalité sont, dans leur leur grande majorité, de deux types : il y a
- ceux dans lesquels, non initié, on hésite à
pénétrer sous prétexte que, dès les premiers
paragraphes, on est précipité dans les labyrinthes du
"droit fiscal et
- ceux qui tentent de vous faire vénérer le dogme de
l'impôt juste comme pour mieux conférer à l'Etat la
fonction de grand prêtre du culte.
Bien évidemment, certains sont à cheval sur les deux
catégories précédentes et d'une certaine façon
inclassables.
Si l'Arbitraire fiscal
est lui aussi inclassable, c'est pour une raison différente d'un ordre
autrement respectable. Ce livre a pour fondement la réalité, c'est-à-dire
l'individu, la liberté de choix et d'action dont celui-ci dispose par
nature et ne devrait pas être dépossédé par les
hommes de l'Etat.
Avec ce point de départ original, inédit, mais si peu
discutable qu'on se demande pourquoi la littérature l'a ignoré
pour l'instant, Pascal Salin entreprend de démystifier la
fiscalité qui régit la France dans la décennie 80.
Dans un premier temps, il prend soin de décrire, en termes simples et
lumineux, l'impôt progressif sur le revenu, les impôts sur le
patrimoine, l'impôt sur l'héritage, la T.V.A., les impôts
cachés, les illusions, bref tous les ingrédients de la
spoliation légale.
Au passage, il montre pourquoi, tous autant les uns que les autres, ceux-ci
sont arbitraires et qu'ils le resteront tant qu'ils auront pour principe la
contrainte de l'individu. Plus fondamentalement, il suggère, me
semble-t-il, qu'à cause de cette dernière
caractéristique ils resteront même doublement destructeurs.
L'idée que les techniques fiscales provoquent la destruction de richesses
matérielles n'est pas nouvelle. En la rappelant, Pascal Salin
témoigne une fois de plus de sa rigueur scientifique, mais aussi de
son souci de rendre compte de l'étendue actuelle des
dégâts.
En développant l'idée que ces techniques portent atteinte
à la nature même de l'homme, il fait preuve par contre de la
plus extrême perspicacité.
Jusqu'à présent, personne en France ne s'était rendu
compte que la richesse suprême que constitue l'homme n'est pas
épargnée par le fléau fiscal. L'arbitraire suscite
l'arbitraire.
Là où, en toute conscience, l'individu devrait destructeur,
prendre des décisions qui forgent son avenir, il en arrive à
cause de la fiscalité à se préoccuper du seul
présent, il choisit encore mais de façon à payer
aujourd'hui le moins possible d'impôts, voire affecte ses efforts de
recherche à la "fraude fiscale" quand il ne se
détourne pas de sa prévoyance instinctive, son épargne
étant dévastée par le fisc.
Ainsi éclairé, le lecteur est alors en mesure de percevoir
qu'aussi importantes les destructions matérielles soient-elles, elles
sont dérisoires comparées au sort que réservent les
hommes de l'Etat au contribuable : la destruction inéluctable de sa
conscience.
Sauf s'il a démissionné et voit dans l'Etat l'étable, il
ne peut qu'être d'accord avec Pascal Salin et chercher avec lui, parmi
les moyens qu'il présente dans la seconde moitié de son livre,
ceux qui réduiront l'arbitraire fiscal le plus efficacement.
La vanité d'une réforme qui fixerait des limites à
l'action fiscale de l'Etat lui saute aux yeux, l'arbitraire serait simplement
déplacé. Et la solution lui apparait évidente : fonder
la fiscalité sur un principe qui soit assorti à la nature
humaine et ne puisse en conséquence l'altérer.
Dans l'état actuel des connaissances, un tel principe n'a pas encore
été découvert, s'en approche évidemment le
principe du consentement de l'individu à l'impôt.
Mais comme le fait remarquer Pascal Salin, l'impôt consenti"
serait le principe recherché si le consentement pouvait être
total, or, comme il le prouve, celui-ci sera toujours partiel. Le type de
fiscalité qui en découle, certes moins pernicieux que
l'impôt sur la dépense globale, autre possibilité qu'il
envisage, n'en reste pas moins destructeur.
Que faire dans ces conditions en attendant ?
A défaut de réduire directement l'arbitraire de l'impôt
consenti, Pascal Salin propose de circonscrire des dépenses
étatiques et donne à cette fin plusieurs moyens disponibles.
L'un d'eux me semble essentiel à souligner : il consiste à
mettre en concurrence les monopoles que les hommes de l'Etat se sont
peaufinés au fil du temps.
Il n'existe pas de monopoles naturels malgré ce que ceux-ci
prétendent pour justifier la situation.
Il existe soit, en phase de progrès technique, des activités un
moment en situation de monopole mais bien vite concurrencées quand la
réglementation en place ne retarde pas l'évolution, soit, en
période ordinaire, des activités protégées aux
frais des contribuables par de véritables privilèges qui,
délibérément ou non, leur confèrent un statut
monopolistique le plus souvent public.
Abolir ces privilèges, ne plus interdire la concurrence, ne plus
empêcher la création d'entreprises privées dans un
secteur aujourd'hui monopole public, provoquerait, par efficacité et
informations accrues de celui-ci, la réduction des dépenses
étatiques superflues.
A solde budgétaire désiré constant, celle-ci
entraînerait à son tour la réduction des recettes
fiscales qui les couvraient (en type et en montant) et par conséquent
celle de l'arbitraire fiscal.
Mais surtout, simultanément, les destructions cachées que
celui-ci occasionnait seraient elles aussi atténuées.
En particulier, et comme elles le font par ailleurs, les personnes
expérimenteraient alors leur faculté de choix entre les
produits désormais concurrents, mettraient en œuvre leur
liberté d'action en créant des entreprises sur les
marchés concernés, tant que le degré de concurrence leur
semblerait insuffisant, et, au total, retrouveraient chacun une part de la
partie de nature humaine qui leur a été extorquée par
les hommes de l'Etat."
3. Réduire
l’arbitraire.
Dans Le Figaro du
4 novembre 1985, Pascal Salin avait eu l’occasion d’insister sur
un aspect de son livre, dans un article intitulé
« Réduire l’arbitraire ».
Voici l’article :
Dans la plupart des grands pays, la décrue fiscale est amorcée
et la France n'échappe pas à cet heureux mouvement, au moins
dans les esprits. Pourtant, un grave danger nous guette : celui du bricolage
qui conduirait seulement à rapiécer, plus ou moins bien, un
système fondamentalement mauvais.
Ce risque est réel parce que les hommes de l'État ont
naturellement tendance à accorder des privilèges à des
groupes spécifiques - dont les membres perçoivent clairement
les avantages dont ils bénéficient ainsi - et à masquer
le coût réel de leur intervention en rendant l'impôt
incolore ou en le faisant supporter, plus particulièrement, par des
groupes restreints, afin de minimiser les pertes de voix aux
élections.
L'accumulation de mesures parcellaires de ce type a abouti au monstrueux
édifice fiscal que nous connaissons.
Il est illusoire de s'imaginer qu'il sera possible de retrouver la
prospérité et de rendre leurs liberté aux
Français sans une profonde réforme fiscale.
Celle-ci doit se déduire d'une conception cohérente du
fonctionnement de la société (1).
(1) C'est cette conception que nous proposons dans notre ouvrage,
L'Arbitraire fiscal (Robert Laffont, 1985).
Au lieu de considérer l'impôt comme un instrument de
régulation macro-économique nous en recherchons la place par
rapport à une conception individualiste de la société.
Prenons l'exemple de l'impôt sur le revenu. Nombreux ont, maintenant,
ceux qui en réclament la suppression pure et simple.
Mais les arguments changés concernent en général les
conséquences de cet impôt et non son principe.
Or, pour porter un jugement sur cet impôt, i1 convient de distinguer
deux choses : son caractère progressif, d'une part, et le fait que le
revenu serve de base d'évaluation.
Qu'en est-il tout d'abord de la progressivité ?
On évoque souvent, en sa faveur, la nécessité
d'égaliser les sacrifices entre contribuables ou les exigences d'une
prétendue « justice sociale ». Mais aucun de ces arguments
ne résiste à l'examen de l'analyse économique ou
même de l'analyse morale.
En réalité, si l'impôt progressif existe, c'est parce
qu'il est toujours possible de trouver une majorité pour spolier une
minorité. Mais on n'attaque pas impunément les droits naturels,
parmi lesquels le droit de propriété tient une place
éminente: tout le monde pâtit du freinage de la
prospérité qu'impliqué cette pénalisation de
l'effort et de l'épargne. C'est pourquoi la diminution profonde et
rapide de la progressivité, jusqu'à sa suppression totale, constitue
une priorité dont tous les citoyens profiteront.
Faut-il pour autant supprimer l’impôt sur le revenu (qui.
même s'il n'était que proportionnel et non progressif, serait
inégalement réparti entre les contribuables) ?
Le revenu constitue un concept sans grande signification théorique
puisqu'il représente à la fois des valeurs qui sont
consommées — et qui disparaissent donc du circuit
économique — et des valeurs qui sont épargnées,
c'est-à-dire accumulées pour accroître le capital et
fournir des ressources futures.
Prendre le revenu comme base de taxation c'est donc surtaxer l'épargne
par rapport à la consommation.
Et c'est pourquoi nous préconisons d'imposer non pas le revenu mais la
dépense globale (c'est-à-dire le revenu moins
l'épargne).
Mais il nous paraît préférable de réformer ainsi
l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire en supprimant son
caractère progressif et en exemptant totalement l'épargne, que
de le supprimer: en effet, il est nécessaire que l'impôt soit
douloureux pour que le citoyen sache combien l'État lui coûte.
Nous rencontrons ainsi deux exigences auxquelles devrait satisfaire une
réforme fiscale : « libérer l'épargne »,
combattre l'illusion de la gratuité qui naît de l'impôt
indolore. En ce qui concerne le premier point, tout d'abord, il faut insister
sur l'extraordinaire surtaxation du capital, dans
notre système fiscal.
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'aller chercher ailleurs
l'explication de la « crise économique » : on la
prétend bien souvent inhérente au fonctionnement du
système capitaliste, elle est en fait le résultat de la spoliation
du capital par l'État (impôt sur le revenu, impôt sur le
capital, droits de succession, etc.)
Quant à l'illusion fiscale, on en trouverait de multiples exemples.
Retenons-en un seul : on veut nous faire croire que les entreprises «
paient des impôts ». Il n'en est rien, car les entreprises sont
des t faisceaux de contrats » et seuls paient des impôts ceux qui
signent les contrats, c'est-à-dire des individus, les apporteurs de
capitaux, les salariés, les clients et fournisseurs. Il se peut fort
bien, par exemple, que les impôts sur les bénéfices des
sociétés soient payés par les salariés...
Mais il est facile pour les hommes de l'État de dire «
l'entreprise paiera » : celle-ci n'a pas le droit de vote et les
électeurs ignorent qu'ils sont les véritables payeurs.
Il est enfin une dernière exigence que l'on devrait imposer à
un système fiscal, à savoir, de ne pas être une source de
risques pour l'activité humaine. Il est souvent admis que la politique
de stabilisation économique constitue l'une des fonctions essentielles
de l'État. En réalité, l'État est devenu la
source principale de l'instabilité : en modifiant sans préavis
le système fiscal, il peut ôter toute rentabilité
à un investissement et bouleverser les projets des hommes.
C'est pourquoi la véritable réforme fiscale est d'abord une
réforme institutionnelle : il est urgent de protéger le citoyen
contribuable contre les spoliations arbitraires dont il est victime,
d'imposer à l'État les règles de la
société civile, c'est-à-dire le contrat et le respect du
contrat -
La réforme fiscale n'est pas seulement affaire de technique, elle
concerne d'abord les principes.
Pour sortir de la barbarie fiscale il n'est pas suffisant de dénoncer
les méfaits de l'impôt. La solution ne sera trouvée que
dans la résurgence de la philosophie politique et même de la
philosophie morale.
4. L’article
d’un politique prétendument ... de l’opposition du moment.
Nous étions en 1985. Les ravages du socialo-communisme
allaient bon train en France : François Mitterrand était
président de la République et Laurent Fabius, Premier ministre.
Vraisemblablement les élections législatives prochaines de 1986
seraient perdues par la majorité du même nom, en place, et une
nouvelle majorité - dite "libérale" - en finirait
avec les erreurs du passé.
Le Figaro avait cru bon de juxtaposer à
l’article précédent de Pascal Salin, en particulier un
article d'Alain Juppé (ci-dessous) - représentatif de
l'opposition - intitulé « Se donner les moyens d'inverser
la tendance ».
Un second article était proposé : intitulé "Une
illusion dangereuse", il émanait d'un représentant de la
majorité, à savoir Christian Pierret. Je le laisserai de
côté.
Rétrospectivement, la lecture de l'article d'Alain Juppé est
édifiante et chacun pourra mesurer "l'inversion de la
tendance" qui a eu lieu et en tirer des conséquences.
En voici le texte :
« Il faut rendre aux socialistes du moins cette justice : leur
échec a porté un coup sérieux au mythe de
l'État-providence omniprésent, omniscient et omnipotent.
En l'espace de quelques années, les yeux se sont ouverts sur les
vertus irremplaçables de l'entreprise privée ; les mots
longtemps bannis de capital, de rentabilité, de concurrence, de
marché et de profit ont retrouvé droit de cité en
cessant, les uns de sentir le soufre, les autres de faire peur.
Un large consensus s'est établi sur la nécessité de
déplacer la frontière entre les responsabilités
économiques et sociales jusqu'ici assumées par l'État,
et celles que peuvent prendre en charge les citoyens.
Dans cet éveil des esprits, dans cette prise de conscience des effets inhibants d'un système exagérément
dirigiste et redistributifs, la révolte
contre l'augmentation continue des prélèvements obligatoires,
passés de 35,6 % en 1973 à 45,5 % en 1984, a joué un
très grand rôle.
Non tant parce que cette hausse était perçue, à
proprement parler, comme injuste — puisqu'elle était la
contrepartie de transferts — qu'en raison de ce que, passé un
certain seuil, elle apparaissait comme une absurdité
économique :
les citoyens les plus actifs, frappant les entreprises (avec des charges plus
lourdes de 60 à 100% que celles de nos principaux partenaires,
celles-ci investissent de moins en moins, s'endettent de plus en plus - + 30
% depuis 1980 - et sont de plus en plus nombreuses à faire faillite -
2200 au printemps 1984 contre 1 300 l'année précédente) ;
décourageant l'épargne.
La leçon à tirer de ces remarques est double.
La première est que la réforme fiscale souhaitée par les
Français est moins affaire de « grands principes » que
d'une appréciation réaliste de l'état de la
société et des « seuils de tolérance »
à ne plus transgresser.
C'est pourquoi il n'y a rien à attendre sur ce terrain des
socialistes, qui, empêtrés dans leur idéologie
égalitaire, font mine de s'orienter dans le bon sens, mais à
cloche-pied : la diminution d'un point du dernier budget de M.
Bérégovoy n'est du reste qu'un trompe-l'oeil,
obtenu par des transferts de charges de l'État aux grandes banques
nationalisées, à la Caisse des dépôts, à la
Sécurité sociale, etc., et il est vraisemblable que le
déficit annoncé de la loi de finances pour 1986 est
inférieur de plusieurs dizaines de milliards au chiffre effectif.
Il convient, pour la même raison, de résister à la
tentation de l'intégrisme libéral qui, parti de
prémisses souvent justes, commet l'erreur de raisonner par syllogismes
dans un domaine extrêmement sensible, où on ne peut
prétendre tout réformer de fond en comble sans se condamner
à un échec certain.
L'objectif ne saurait être en effet de pratiquer à notre tour la
politique de la table rase.
Mais de nous donner les moyens d'inverser la tendance.
La seconde leçon est que la nouvelle politique fiscale exige, pour
renverser durablement la tendance, d'être inscrite dans une politique
d'ensemble.
Tel est l'esprit des propositions en la matière du pacte du R.P.R.
pour la France et de la plate-forme de l'opposition présentée
à la convention libérale des 8 et 9 juin 1985 : il faut
recréer une économie de croissance, génératrice
d'emplois, qui repose sur l'autofinancement des entreprises et sur l'épargne
des particuliers, et non plus sur les bases malsaines de l'endettement.
Dans ce but, priorité sera donnée dans le budget de 1987 aux
allégements fiscaux — consistant dans la réduction par
étapes de la taxe professionnelle, la suppression de l'impôt sur
les grandes fortunes et la limitation progressive à 50% du taux
maximal de l'impôt sur le revenu (mesure qui existe dans d'autres pays,
dont les États-Unis) - de façon à ramener en quelques
années le poids des prélèvements obligatoires à
un niveau comparable à celui de nos grands partenaires commerciaux.
Mais ces allégements, pour essentiels qu'ils soient, ne seront qu'une
pièce de l'ensemble : la libération des prix et la
déréglementation devront compléter la charpente.
D'autre part, à la différence de l'expérience Reagan,
qui a réduit les recettes de l'État tout en creusant son
déficit, ces mesures ne seront viables que si elles s'accompagnent
d'une réduction corrélative des dépenses publiques
— de l'ordre d'un point de P.N.B., soit 40 milliards, par an.
Impossible ! clame-t-on dans la majorité.
Tout à fait raisonnable, au contraire, au point que ce chiffre, retenu
par la convention libérale (200 milliards sur cinq ans), est aussi
l'objectif fixé par la Commission de Bruxelles aux pays de la
Communauté, afin d'alléger le poids de la dette et de diminuer
la ponction de l'État sur le marché financier.
Comme Jacques Chirac le rappelait encore récemment, l'effort de
compression des dépenses devra porter sur quatre postes :
1. La fonction publique, par le remplacement partiel des départs en
retraite, représentant une économie d'au moins 5 milliards.
2. Les frais de fonctionnement de l'État (on devra assurer, dans ce
domaine, un renforcement du contrôle des citoyens sur l'utilisation des
deniers publics) et certains grands projets, comme le transfert du
ministère des Finances à Bercy, qu'il faudra différer :
également 5 milliards.
3. Les aides et subventions aux entreprises, dont le C.N.P.F. lui-même
vient de demander la suppression, en contrepartie d'allégements
fiscaux équivalents — pour un montant estimé il y a deux
ans par Jacques Delors lui-même à 20 milliards.
4. Les plus-values de recettes liées aux dénationalisations :
au moins 10 milliards (l'évaluation de Jean-Maxime Lévêque
s'élève à 50 milliards).
Sans doute, pour certains, ce programme, sèchement chiffré,
n'aura-t-il pas la saveur forte de nos vieilles «stratégies de
rupture».
Qu'on y prenne garde cependant. Mis en œuvre par une opposition
décidée à l'appliquer dans toute sa cohérence, il
marquera dans notre histoire un changement décisif, en
répudiant enfin le colbertisme pour vérifier ce trait de
sagesse libérale si fortement exprimé par Benjamin Constant :
« Plus on laisse de moyens à la disposition de l'industrie des
particuliers, plus un État prospère. »
On eût aimé que, dix ans plus tard, nommé par le nouveau
président de la République Premier ministre, le sieur
Juppé appliquât la formule.
5. Dix ans plus tard, un
député prend parti pour l’ouvrage.
Plus de dix ans plus tard, Georges Mesmin, député U.D.F. de Paris (ci-contre) dans
Le Figaro du 9
juillet 1996, a écrit un article à l’occasion de la
réédition du livre, intitulé « Deux livres
sur un sujet prioritaire - Une urgence absolue : la réforme
fiscale »
Alain Juppé était donc alors le Premier ministre en exercice,
nommé par Jacques Chirac, élu président de la
République en mai 1995.
En voici le texte.
« Notre fiscalité et sa progression de type socialiste
détruisent le tissu économique français - Pas de
réforme possible sans une baisse forte et rapide des impôts.
Grignoté par les impôts, alourdi par les dépenses
publiques et sociales, les déficits publics et les dettes, miné
par le chômage et l'exclusion, notre pays semble aujourd'hui s'enfoncer
dans le déclin économique.
Mais, lorsque la classe politico-médiatique cherche à inventer
une « autre politique », elle retombe toujours en fait sur
les mêmes vieilles recettes à base de partage du travail, de
relance de la consommation et d'intervention de l'Etat.
Toutes aboutissent à augmenter les impôts.
Quel que soit le vocable employé (socialisme, colbertisme,
étatisme, interventionnisme, volontarisme, bonapartisme,
keynésianisme), ces fausses solutions, qui correspondent à
l'idéologie ambiante, ne constituent que la poursuite des politiques actuelles
qui ont échoué, échouent et échoueront.
a) Un débat
fondamental.
Dans ce flot d'erreurs économiques et de naïvetés,
quelques-uns arrivent encore courageusement à nager à
contre-courant. C'est le cas de Pascal Salin, professeur d'économie
à l'université Paris-Dauphine (1), ainsi que de Philippe Lacoude et Frédéric Sautet (2).
(1) Pascal Salin, L'Arbitraire
fiscal Comment sortir de la crise ? Ed. Slatkine,
Paris, 334 p. 98 F.
(2) Philippe Lacoude et Frédéric
Sautet, Action et taxation.
Le défi fiscal français. Ed. Slatkine,
465 98F. [Les auteurs sont deux étudiants de Pascal Salin]
Que l'on ne s'y trompe pas : les problèmes de la fiscalité
française - sa complexité et ses taux spoliateurs (qui
constituent souvent des records mondiaux) - ne sont pas de simples
débats de techniciens.
Il ne s'agit pas de digressions universitaires entre des juristes ou des
économistes.
Il s'agit bien, au contraire, du débat fondamental, qui
détermine les performances économiques de la France, et donc le
niveau de vie des Français.
Notre fiscalité et sa folle progression, de type socialiste,
détruisent petit à petit le tissu économique
français. « II n'existe pas de bon impôt », nous
démontrent ces économistes.
Tous les impôts dissuadent l'activité économique.
Se refusant à admettre cette évidence, nos gouvernants,
à chaque fois qu'ils créent ou augmentent un impôt,
s'étonnent des conséquences. On taxe le commerce. Et l'on
s'étonne que les boutiques ferment et que se développe le
travail au noir. On taxe l'immobilier, sa détention et sa
transmission.
Et l'on s'étonne que plus personne ne veuille acheter et que le
bâtiment soit en plein marasme. On taxe le travail et les gros revenus.
Et l'on s'étonne que les entreprises licencient et qu'il y ait une
fuite des cerveaux. On taxe l'épargne, le capital et les entreprises.
Et l'on s'étonne que plus personne ne veuille prendre des risques,
investir, créer des emplois et que les capitaux quittent le pays.
On souhaite que nos gouvernants cessent de s'étonner et arrivent
à ce constat, aujourd'hui incontestable : depuis vingt ans, le
chômage et les prélèvements fiscaux augmentent de
manière parallèle.
Notre crise n'est en rien une crise du capitalisme, mais au contraire une
crise de l'étatisme.
b) Les idées
reçues
Car, comme l'expliquent fort bien ces deux ouvrages,
« l'Etat, contrairement au marché, joue le court terme contre le
long terme, parce que l'horizon des hommes de l'Etat est borné par les
élections, alors que les individus font des projets pour toute leur
vie et même celle de leurs enfants ».
L'Etat « privilégie ce qui se voit par rapport à ce qui
ne se voit pas », et donne ainsi la priorité à la
distribution - pour se constituer des clientèles électorales -
par rapport à la production.
Le lecteur pourra aussi méditer la fameuse courbe de Laffer, qui montre que « Trop d'impôt tue
l'impôt », parce que plus on paye d'impôt, moins on a
d'intérêt personnel à produire.
Pascal Salin et ses confrères tordent le cou aux idées
reçues.
Non, les entreprises ne payent pas d'impôts : ce sont les
propriétaires de l'entreprise qui voient le rendement de leur capital
diminuer et sont incités à réinvestir ailleurs.
Non, la part « patronale » des cotisations sociales n'est pas
à la charge du patron : elle est incluse dans le coût global du
travail et vient en fait diminuer le salaire versé au travailleur.
Non, le capital n'est pas « peu taxé en France » : il
s'exerce un « racket sur le capital », avec des superpositions
d'impôts qui découragent une épargne pourtant
indispensable.
Ces livres montrent la voie.
Ils l'illustrent par de nombreux exemples de pays qui (comme la
Nouvelle-Zélande), ont adopté une politique libérale et
connaissent l'enchaînement vertueux : la baisse des taux d'imposition
engendre une augmentation de la croissance qui, à terme,
génère une augmentation des rentrées fiscales, une
diminution des déficits et une réduction du chômage.
c) La croissance
On ne devrait jamais oublier que la croissance n'est pas un don du ciel,
qu'elle n'est pas automatique : « Elle dépend des efforts
d'imagination et d'épargne faits par les hommes dans l'espoir d'en
obtenir certains fruits dans le futur. »
On les a découragés : la crise est là.
Qu'on les laisse développer leurs activités, et la
prospérité repartira.
Et que cesse ce matraquage médiatique qui prétend que seuls les
« riches », les « élites » ou les «
bourgeois » bénéficieraient des réformes
libérales.
Ceux qui ont tout à gagner sont au contraire les millions d'exclus et
de gens modestes à qui il faut rendre un travail, une dignité
et l'espoir d'une vie meilleure. Remettre en route l'ascenseur social ne
menace que les privilégiés.
Il n'est pas étonnant que « L'arbitraire fiscal » soit
préfacé par l'un- des rares hommes politiques français
qui comprennent les mécanismes économiques : mon ami Alain
Madelin.
Durant son passage au ministère des Finances, on ne lui avait pas
permis d'engager la grande réforme fiscale qu'il souhaitait et qui
était si nécessaire. Ce fut une erreur que nous payons par une
croissance nulle sur les quinze derniers mois.
Depuis le 3 juin, M. Juppé semble mieux disposé.
« II n’y a pas de réforme des impôts sans baisse des
impôts » nous explique-t-il.
Sans une baisse forte et rapide, ajouterai-je.
J'espère que les intentions gouvernementales ne sont pas que des mots
et des promesses.
En attendant les actes, je souhaite que L'Arbitraire
fiscal et Action
ou taxation deviennent les livres de chevet de ceux qui
prépareront ce « grand soir fiscal ». Parce qu'il n'y a
rien de plus urgent.
6.
L’"entretien" de 1996.
Dans son périodique « L’avenir du
XVIème », presque dans la foulée de l’article
précédent, Georges Mesmin avait
proposé un entretien à Pascal Salin. L’interview a
été placé dans la rubrique du périodique
intitulée : « Les Cahiers du
libéralisme ».
« Pascal Salin est
Professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine et
ancien président de la Société internationale du Mont
Pèlerin.
Ses ouvrages les plus
récents sont : « la Vérité sur la monnaie »
(Odile Jacob, 1990) ; « Macro-économie» (PUF, 1991) et
« l'Arbitraire fiscal » (éditions Slatkine).
Il est également
l'auteur de nombreux articles., principalement en français et en
anglais, dans des revues, ouvrages collectifs et journaux, en France et
à l'étranger.
Par sa présence sur
tous les fronts, Pascal Salin est l'économiste libéral le plus
connu en France. (1)
Dans cet entretien, Pascal
Salin a repris certaines expressions qu'il a utilisées dans son
article "Comment gaspiller ses dernières chances" paru dans
"Valeurs Actuelles" du 4 janvier 1997.
LE PROBLEME
FRANÇAIS, C'EST SA DROITE
* Avenir de Paris 16eme
:
Quelle appréciation portez-vous sur l'action de la majorité
RPR-UDF depuis qu'elle est au pouvoir ?
MOBILISER LES PREFETS
POUR LUTTER CONTRE LE CHOMAGE EST IRREALISTE.
** Pascal Salin
:
Il y a quelque chose de fascinant et de tragique dans la constance avec
laquelle la droite, lorsqu'elle vient au pouvoir, gaspille ses propres
chances et détruit les espoirs légitimes de ceux qui ont
voté pour elle.
Ainsi en 1986, 1993 et 1995, les gouvernements de droite ont
été totalement incapables de mettre en œuvre les grandes
réformes structurelles qui s'imposaient.
Certes le discours de Jacques Chirac était un curieux mélange
de radical socialisme et de libéralisme.
Mais on pouvait espérer que l'on prendrait les mesures consistant
à libérer les initiatives privées, à diminuer les
impôts, à limiter les pouvoirs de la bureaucratie.
Comme ils l'ont fait et le font en Allemagne, en Grande-Bretagne ou aux
Etats-Unis. Ces espoirs se sont évanouis dès le début quand
Alain Juppé a convoqué les préfets, peu après sa
nomination, pour les mobiliser contre le chômage.
Une vision aussi administrative des choses, aussi irréaliste
était le signe que rien n'avait changé.
Les hausses d'impôts annoncées peu de temps après le
confirmaient. Le dernier élément fut le limogeage d'Alain
Madelin qui était l'inspirateur de toutes les mesures à
caractère libéral de la campagne de Jacques Chirac.
* Avenir de Paris
16ème :
il y avait bien une autre politique possible ?
** Pascal Salin
:
c'est une escroquerie intellectuelle ou une grave ignorance que de faire
croire qu'il n'y a pas d'autre politique possible.
On peut imaginer autant de politiques que l'on veut.
Il y en a une qui s'imposait dont les grandes lignes auraient
été : une baisse profonde et rapide des taux d'imposition les
plus désincitatifs, un ralentissement des
dépenses publiques, le développement des fonds de pension,
l'atténuation du monopole de la Sécurité sociale, la
suppression de réglementations paralysantes sur le marché du
travail, ainsi qu'une baisse des taux d'intérêt qu'une
dévaluation aurait facilité.
EN DETRUISANT LES
INCITATIONS PRODUCTIVES, LA FRANCE S'EST INSCRITE SUR LA PENTE DU DECLIN.
* Avenir de Paris
16ème :
Pourquoi la France est-elle en plein déclin ?
** Pascal Salin :
Cela tient au processus de collectivisation croissante qu'elle subit depuis
vingt ans.
Il est frappant de constater que l'augmentation continue des
prélèvements obligatoires est parallèle à celle
du chômage.
Mais personne n'en tire la conclusion qui s'impose.
Pourtant ce processus est fort logique. Les individus voient une large part
du produit de leurs efforts confisquée. Ils sont de moins en moins
incités à faire des efforts de travail, d'épargne et
d'innovation, en un mot d'entreprendre.
C'est donc la destruction du système des incitations productives qui
est en cause.
Aucune amélioration ne peut être espérée faute de
les restaurer. Toutes les mesures gouvernementales prises actuellement ou
manquent cet objectif ou sont trop limitées.
Les baisses d'impôts sur cinq ans annoncées par le gouvernement
Juppé représentent moins des trois cinquièmes des
augmentations décidées en 1995.
* Avenir de Paris
16ème :
Le gouvernement RPR-UDF fait donc la même chose qu'un gouvernement
socialiste ?
** Pascal Salin
:
Il n'est pas surprenant que la gauche - si profondément marquée
par le marxisme - ait poursuivi la collectivisation de la
société française.
Mais le problème français c'est sa droite.
Il lui manque à la fois le minimum de fondations intellectuelles pour
comprendre les problèmes de l'époque et l'instinct
philosophique minimal pour réagir dans la bonne direction.
La « droite » française est conservatrice, nationaliste et
étatiste. Elle n'est en aucune manière attachée à
la liberté individu elle . Elle méprise l'homme.
DE LA FRANCE, C'EST SA
DROITE QUI EST ETATISTE ET INTERVENTIONNISTE
* Avenir de Paris
16ème :
peut-on en déduire qu'il existe une sorte de complicité au sein
de la classe politique française?
** Pascal Salin
:
Si.
Tous ses membres défendent des idées semblables.
Le stupide partage du temps de travail a été mis en place par
Monsieur Gilles de Robien, Président du groupe UDF à
l'Assemblée.
Des calculs font apparaître que certains emplois créés
seront subventionnés à hauteur de 120 000 francs par an par le
contribuable!
Le déplafonnement de 1’I.S.F. puis son non-replafonnement
est l'œuvre du R.P.R., de Michel Péricard,
le Président du groupe R.P.R. et de Philippe Auberger.
Et c'est Alain Juppé qui propose d'inscrire dans la constitution les
« services publics à la française » alors que
ceux-ci sont ruineux et peu efficaces.
Air France a absorbé en trois ans 20 milliards de subventions pour
40 000 employés. Cela fait 500 000 francs par
salarié! Et la compagnie continue à être l'une des moins
rentables du monde.
La S.N.C.F. nous a coûté, en 1996, 70 milliard de francs.
Songez qu'avec cette même somme on aurait pu augmenter de 1 000 francs
par mois, 5,8 millions de salariés en France !
* Avenir de Paris
16ème :
Il n’y aurait plus de combat d'idées mais plus que des luttes de
clans ?
** Pascal Salin
:
La vie quotidienne des citoyens dépend en effet des luttes et des
accords - que l'on appelle pompeusement le « dialogue social » -
parmi une nomenklatura réduite d'hommes politiques, de hauts
fonctionnaires et de dirigeants syndicaux. (Vous avez d'ailleurs un bel
exemple de ces apparatchiks dans le 16è avec M. Goasguen).
La véritable fracture sociale est celle qui existe entre cette
nomenklatura et les citoyens qui essaient de survivre en dépit des
obstacles construits par la caste dirigeante.
Des citoyens qui supportent d'ailleurs de moins en moins ces contraintes.
* Avenir de Paris
16ème :
Le problème se limite-t-il à cette nomenklatura ?
** Pascal Salin :
Le problème est effectivement plus vaste.
L'opinion publique est nourrie d'idées fausses.
C'est en France que le niveau de compréhension des problèmes
économiques est le plus faible parmi les grands pays occidentaux.
C'est en France que le monopole de l'éducation est si
exceptionnellement puissant et centralisé.
Presque tous les établissements d'enseignement, les médias, les
intellectuels diffusent les mêmes idées vagues en faveur de
l'égalitarisme et de l'interventionnisme d'Etat.
Dans cet ensemble, c'est l'ENA qui joue un rôle particulièrement
néfaste et contribue au monolithisme de « l'intelligentsia
». Il faut supprimer cette école.
* Avenir de Paris
16ème :
Comment envisager le futur ?
SI LES FRANÇAIS
SONT MOROSES C'EST QU'ILS SENTENT QUE LEUR FUTUR EST SOMBRE
** Pascal Salin
:
En l'état actuel, il est sombre. Les Français le sentent. C'est
pour cela qu'ils sont moroses.
Ils peuvent être assurés que, sur le long terme, le
chômage ne fera que croître toujours plus.
Leur pays s'enfoncera toujours plus dans la dette.
Les dépenses sociales augmenteront.
Ils verront globalement leur niveau de vie diminuer.
Il était d'un tiers supérieur à celui des Anglais avant
les années Thatcher, il est aujourd'hui inférieur.
Nous sommes sur le déclin et la pente peut même
s'accélérer par un effet boule de neige : le nombre grossissant
de gens à la charge d'un nombre toujours plus petit d'actifs peut
faire « décrocher » ces derniers.
* Avenir de Paris 16e
:
Que faire alors ?
** Pascal Salin :
Les plus jeunes et les plus entreprenants peuvent émigrer. C'est
d'ailleurs ce qu'ils font déjà.
La place financière de Londres engage plus de jeunes
diplômés français que la place de Paris.
Ceux qui ne se résignent pas doivent s'engager en politique
derrière les libéraux.
Il existe une multitude d'entrepreneurs - grands ou petits - qui gardent le
courage d'innover en dépit des obstacles, du fait qu'ils sont
exploités et méprisés.
Il existe quelques dépositaires de la grande tradition universitaire
française, même s'ils ont un rôle marginal dans un pays
dominé par les modes intellectuelles superficielles.
Il existe beaucoup de gens modestes qui s'accrochent encore aux valeurs du
travail bien fait et de l'honnêteté.
En considérant tous ces héros de la vie quotidienne, on peut
rêver d'une France débarrassée de l'arrogance des
énarques, de la spoliation du fisc et des contraintes administratives.
Une telle France pourrait être l'histoire d'un succès.
Mais il faudra d'abord changer les idées et les hommes. »
7. La polémique.
Alain Juppé avait le 19 avril 1996 confié à cinq experts
le soin de dessiner d'ici à la fin mai les grandes lignes de la
refonte des prélèvements sur les ménages et les
entreprises,
L'objectif demeurait de les diminuer « à partir de 1998».
Très précisément, le Premier ministre avait nommé
cinq experts chargés d'esquisser, d'ici à la fin mai, la future
architecture des prélèvements obligatoires.
« Le gouvernement bâtira ensuite une loi d'orientation
fiscale sur cinq ans, qui sera soumise au Parlement à l'automne, avant
le projet de loi de finances pour 1997 », écrit Alain
Juppé dans la lettre de mission adressée aux cinq sages.
« Leurs travaux concerneront tant les prélèvements
sur les ménages que sur les entreprises, qui dépassent le seuil
inégalé de 45 % du produit intérieur brut. »
« L'objectif, rappelle le chef du gouvernement, est de «
renforcer l'équité » des prélèvements et
leur « efficacité économique », d'en «
simplifier la structure » et de les « alléger
progressivement en fonction de nos contraintes budgétaires (…)
à partir de 1998».
Il s'agit de « déminer le terrain en s'entourant de
personnalités irréprochables », explique-ton de source
gouvernementale, et aussi de clarifier un débat techniquement
difficile en rappelant les engagements de campagne du candidat Chirac.
Le groupe de travail est présidé par Dominique de La Martinière, 68 ans. Ancien directeur
général des impôts, de 1967 à 1973, il a
occupé divers postes à la tête d'entreprises
privées (IDI, Delmas Vieljeux....).
Il sera assisté de Robert Baconnier, lui
aussi ancien directeur des impôts, aujourd'hui à la tête
du cabinet Francis Lefebvre, et de Bernard Ducamin,
conseiller d'État. Jean Marmot, ancien directeur de la
Sécurité sociale, et Jacques Delmas- Marsalet,
président des Banques populaires et ancien chef de la
législation fiscale, compléteront ce comité.
Ils seront chargés « en priorité » de faire des
propositions sur «la simplification et l'allégement de
l'impôt sur le revenu, sur une répartition mieux
équilibrée du financement de l'assurance maladie entre les
différentes catégories de revenu et sur la recherche
d'assiettes plus favorables à l'emploi pour les cotisations sociales
et la taxe professionnelle acquittées par les entreprises ».
Soit dit en passant, cela est la présentation officielle.
Pour la petite histoire, et comme le rappelle François d'Orcival dans
un article intitulé "Quelle réforme fiscale ? Le diable se
cache dans les impôts" dans Valeurs
actuelles du 13 avril 1996 :
"[...] Alain Juppé profitait du conseil national du R.P.R., le 30
mars, pour confier à Dominique de La Martinière
(conseiller régional de Poitou-Charentes) la mission qu'il rendait
publique mardi dernier.
Dominique de La Martinière a
déjà conduit les travaux d'un groupe de la Fondation
Saint-Simon (Nora, Minc, Rosanvallon...), en 1990,
sur le même sujet. Rapport qu'il avait publié sous le titre
"l'Impôt du diable, le naufrage de la fiscalité
française".
La Martinière plaidait alors pour un «
impôt à la source » qui est apparu sous la forme de la
C.S.G.
Il ajoutait :
« Tous les grands pays occidentaux ont réformé leur
impôt sur le revenu en élargissant son assiette, en
réduisant sa progressivité et en abaissant les taux marginaux
les plus élevés. »
« De loin en loin, écrivait-il encore, on propose d'améliorer
à la marge tel ou tel dispositif. Mais de réforme d'ensemble,
point !
Et lorsqu'un jeune député, parti flamberge au vent pour
écrire un rapport sanglant sur la question, revient un peu penaud avec
des propositions très modestes, la Bourse plonge aussitôt :
signe que le débat sur ces problèmes ne sera pas ouvert demain.
»
II aura fallu attendre six ans.
En 1990, la masse des prélèvements obligatoires se situait,
après de légères baisses, au sommet des années
Mitterrand déjà atteint en 1985 : 44,5 %. Nous en sommes
désormais à 45 %. •
Bref, "on prend les mêmes et on recommence" ...
jusqu'à aujourd'hui inclus !
Mais revenons au discours officiel.
Compte tenu de sa composition et du peu de temps dont elle dispose, la
mission devrait largement s'inspirer du célèbre rapport sur
l'impôt sur le revenu et la C.S.G., remis à Edouard Balladur
à la veille de l'élection présidentielle,
rédigé par deux de ses membres, Bernard Ducamin
et Robert Baconnier.
Pas de « big-bang
»
Ce rapport suggérait notamment la mise en place d'un double dispositif
: une C.S.G. plus élevée et élargie compensant une
baisse de la cotisation maladie des actifs auquel s'ajouterait un impôt
sur le revenu rénové et simplifié. Si cet objectif
semble faire l'unanimité dans les cercles gouvernementaux, les avis
divergent sur la méthode.
Le rapport Ducamin était partisan d'un
« big bang ». Alain Juppé, lui,
préfère prendre son temps.
Il lui faudra néanmoins tenir une promesse à maintes reprises
réitérée : le dépôt d'un projet de loi
avant le 30 juin sur le transfert de 1 ou 2 points de cotisation maladie sur
une contribution plus large, type C.S.G. « élargie notamment aux
revenus du capital ».
Parallèlement, Alain Juppé s'était prononcé en
faveur de l'extension des contributions maladie des entreprises à
d'autres éléments que les salaires, par exemple la valeur
ajoutée.
L'une comme l'autre, ces deux réformes dont on escompte des effets
positifs sur l'emploi (Le
Figaro du 19 mars) posent de multiples problèmes que le
groupe devra éclairer.
7.A. Le
"rapport".
Un mois plus tard, le rapport est présenté à l'opinion.
Selon Le Figaro
du 5 juin 1996,
« Je ne me fais pas d'illusion, d'ici quelques mois les groupes de
pression et les parlementaires auront déchiré ce rapport et
l'auront jeté aux chiens », a commenté hier, 4 juin,
Dominique de La Martinière, auteur du
rapport qui sert de base à la réforme fiscale projetée
par le gouvernement.
Sans illusion, ce haut fonctionnaire sait que désormais, après
l'annonce de l'objectif de réduction de la pression fiscale en cinq
ans, le gouvernement devra convaincre l'opinion publique et les
parlementaires à la fois de la nécessité de
réduire la dépense publique et de la pertinence de chacune des
mesures fiscales dont on ne connaîtra le détail chiffré
qu'à l'automne prochain.
a) « Un maquis de
dérogations »
Alain Juppé ne s'y est d'ailleurs pas trompé.
Il a annoncé qu'il recevra « courant juin » les
partenaires sociaux pour les entretenir de la réforme quinquennale des
prélèvements obligatoires.
S'exprimant lors des questions d'actualité au gouvernement, le chef du
gouvernement a assuré également que « l'opinion publique
participera au débat » pour l'élaboration de cette
réforme qui sera présentée à la mi-septembre en
même temps que le projet de loi de finances 1997.
Sur le terrain de la dépense publique, le combat est
déjà engagé depuis plusieurs semaines avec
l'organisation du débat d'orientation budgétaire devant le
Parlement le mois dernier, suivi de l'envoi à tous les ministres de
mandats de préparation du budget 1997 particulièrement
impératifs.
Sur celui de la réforme fiscale, le rapport de la commission La Martinière sur « la réforme des
prélèvements obligatoires » dresse le panorama des
obstacles à surmonter, même si, selon la formule
consacrée, celui-ci n'engage que ses auteurs.
Rendu public hier, le rapport détaille les maux dont souffre la
fiscalité : un impôt sur le revenu aux taux élevés
et dont la base est grevée par « un maquis de dérogations
» ; des cotisations sociales pesant sur les ménages dont
l'assiette est discutable, notamment pour la branche maladie, et enfin des
charges des entreprises largement critiquables.
b) Prudence.
Mais alors qu'il reste d'une grande prudence dans ses propositions sur ce
dernier point (taxe professionnelle et cotisations patronales), le document
dessine plus clairement les contours de la réforme des
prélèvements sur les ménages.
Or c'est ici bien sûr que les « groupes de pression »
qu'évoquait hier Dominique de La Martinière
risquent de se manifester rapidement.
D'ores et déjà les principales centrales syndicales se sont
exprimées : leurs réactions vont du scepticisme (C.F.D.T.)
à l'hostilité (F.O. et C.G.T.).
Côté entreprises, le C.N.P.F. reste muet, tout comme la
C.G.P.M.E. Mais l'Assemblée des chambres de commerce a
déjà pris ses distances : « Bien que les mesures
annoncées soient aguichantes, les entrepreneurs jugeront sur actes. En
réponse aux attentes très fortes sur la taxe professionnelle,
les propositions sont symboliques.
Avant de promettre la baisse des impôts, il faut s'engager dans la
véritable réforme du secteur public. »
Une antienne reprise également par l'Union professionnelle artisanale
qui rappelle que « la réforme de la fiscalité doit
conduire à un allégement de l'imposition des petites entreprises.»
C'est dire s'il faudra convaincre.
7.B. A propos du «
rapport La Martinière »
Et Pascal Salin et Philippe Lacoude de signer un
article intitulé « A quand la vraie réforme fiscale
- Il faut des prélèvements plus simples, mais surtout plus faibles
» dans le Figaro
du 20 juin 1996.
En voici le texte.
"La France est étrange.
Alors que le gouvernement prend enfin conscience de la
nécessité d'une réforme fiscale, il en confie
l'étude à ceux-là mêmes qui ont mis en place ce
système oppressif compliqué, et arbitraire qui constitue
l'obstacle essentiel à la prospérité et à
l'épanouissement des citoyens.
Si les membres du groupe de travail sur la réforme des
prélèvements obligatoires (Commission La Martinière)
sont tous des membres compétents de l'oligarchie administrative qui
dirige la France, leur rapport montre pourtant qu'il leur manque l'essentiel,
à savoir la compréhension des mécanismes
économiques et des tenants de l'action humaine.
a) Lacunes essentielles
Certes, comparé à d'autres travaux administratifs, le «
rapport La Martinière » n'est pas sans
mérites.
Il marque ainsi des réticences à l'égard de la
progressivité de l'impôt ;
il ne fait pas un absolu de l'harmonisation fiscale en Europe, même
s'il considère à tort que la TVA est un impôt sur les
consommations finales ;
il reconnaît l'existence d'une « trappe à pauvreté
», tenant au caractère parfois négatif du gain marginal
obtenu en entrant sur le marché du travail pour les titulaires de
faibles revenus ;
il va même jusqu'à souligner de manière correcte les
effets pervers des exonérations de charges sur les bas revenus et
symétriquement, les risques de fuite des capitaux et des cerveaux.
Hélas, les lacunes du rapport sont tellement essentielles qu'une
réforme fiscale qui s'en inspirerait n'aurait guère que des
effets limités.
Même si les auteurs semblent comprendre que
« tout se passe comme si les contribuables réagissaient à
la progression de la pression fiscale par une exploitation maximale des
possibilités qui leur sont offertes de faire échec à
cette progression»,
ils méconnaissent ce qu'il est convenu d'appeler l'« effet Laffer » et ne comprennent donc pas qu'une baisse
des taux marginaux de l'impôt peut entraîner une hausse des
recettes fiscales.
En dehors d'aménagements techniques consistant à simplifier le
barème ou à supprimer d'apparentes inégalités de
traitement entre contribuables, la réforme proposée est sans
surprise :
dans l'optique comptable habituelle, le rapport poursuit l'objectif
impossible de lutter contre le déficit public sans avoir
préalablement baissé les prélèvements, laissant
croire que la croissance tombe du ciel comme par miracle, alors qu'elle
serait la conséquence heureuse de la réforme fiscale.
Par exemple, les propositions de la Commission prônant la baisse du
taux maximal de l'impôt de 56,8 % à 40 % sont apparues comme
radicales.
Pourtant, ceci s'accompagnerait de la suppression de l'abattement de 20 % sur
les salaires dont bénéficient plus de 90 % des contribuables.
Pour eux. les taux d'imposition marginaux réels - i. e. incluant les
charges sociales – resteraient inchangés pour un
célibataire gagnant 20 000 francs brut par mois, et baisseraient de
0,7 et 1,3 % respectivement pour des couples ayant deux enfants et des revenus
bruts de 20 000 et 40 000 francs.
Les seuls contribuables dont le taux maximal réel changerait sont ceux
dont les revenus atteignent le plafond de l'abattement de 20 %. soit environ
75 000 francs brut par mois.
Mais, à ces niveaux, les revenus ne se composent plus de salaires,
à de très rares exceptions près, et la mesure
concernerait donc un très petit groupe de contribuables.
Pour ces derniers, selon le barème proposé par la Commission,
la pression fiscale marginale réelle passerait de 78,7 % à 70,0
%.
Et les auteurs d'ajouter qu'« il serait sans doute plus raisonnable
d'agir par l'impôt de solidarité sur la fortune » de
façon à « rétablir la progressivité
».
L'étude minutieuse du barème ne laisse donc apparaître
qu'une baisse très modeste des taux moyens bénéficiant
plutôt aux familles nombreuses de la classe moyenne aisée.
Or l'économie enseigne que le taux qui détermine les choix
individuels est le taux marginal.
Tout se passe donc comme si les rapporteurs avaient cherché à
proposer la réforme ayant le coût le plus élevé
pour les finances de l'Etat et les effets économiques les plus
dérisoires.
b) Tabou de la
progressivité
La réticence effective des auteurs du rapport à mettre en cause
le tabou de la progressivité s'exprime clairement lorsqu'ils écrivent
que « l'allégement du barème pourrait sembler contraire
aux exigences de l'équité », s'il ne s'accompagnait pas
de la suppression de dérogations.
De même, le rapport préconise l'imposition des allocations
familiales, mais oublie de demander la suppression du plafonnement du
quotient familial.
c) Accroissement
délétère
L'autre volet des propositions en matière de fiscalité des
revenus salariaux, la C.M.U. - cotisation maladie universelle - est
essentiellement un tour de passe-passe '".
Sur le plan moral, ce développement de l'assistance publique
universelle subordonnée à l'élargissement de l'assiette
du financement, nous éloignerait encore davantage de ce que devrait
être un système d'assurance fondé sur la
responsabilité personnelle.
A partir du moment ou l'on passe à un système purement
collectiviste, il n'y a plus de critère de financement incontestable :
on crée un vaste pot commun que l'Etat s'efforce d'alimenter au mieux.
La tentation est alors forte de faire appel à une assiette aussi large
que possible.
On a le sentiment à la fois d'obtenir des recettes abondantes et de
répartir « équitablement » le fardeau du
financement.
On ne fait, en réalité, qu'accentuer les injustices et mettre
le futur en péril.
A ce sujet, le rapport La Martinière retient
l'idée habituelle et fausse selon laquelle le travail serait
surtaxé par rapport au capital.
Certes, il reconnaît qu'une trop forte imposition du capital en
ralentit l'accumulation et freine la croissance sur le long terme.
Mais il a du mal à réconcilier cette idée avec la
proposition selon laquelle que le système fiscal conduirait à
opérer des substitutions en faveur du capital et au détriment
du travail.
Les auteurs ne comprennent pas que le capital est constitué de
richesses produites à partir d'un travail surtaxé et
qu'à titre, et comme l'expliquent prix Nobel Gary S. Becker Robert
Lucas, « ni les plus values, ni aucun des revenus en capital ne devrait
être taxés »(2).
Si l'on note que les années 1990 ont vu la création de la
C.S.G. et du R.D.S. et une forte augmentation de la T.V.A., la réforme
proposée ne permettra pas de maintenir la pression fiscale sur la
période 1990-2000, le bilan final de ces dix années se
solderait par un accroissement délétère des taux, rendu
opaque par un transfert massif des impôts directs vers les impôts
indirects.
Nous pouvons nous demander pourquoi 1es rapporteurs présentent un
barème aussi peu lisible dans ses conséquences.
Le rapport La Martinière est certainement
idéal pour le but non officiel qu'il doit remplir : légitimer
l'action gouvernementale par le sérieux de la technicité.
Mais il échoue complètement au seul point de vue qui serait
important, à savoir poser les bases d'une véritable
réforme fiscale où les prélèvements seraient
certes plus simples, mais surtout plus justes, c'est-à-dire beaucoup
plus faibles.
(1) D'après nos calculs, si elle substituait entièrement aux
cotisations salariales de maladie, la C.M.U. conduirait à une hausse
du pouvoir d'achat des salaires de l'ordre de 0,6% par an pendant cinq ans,
mais également à une hausse de plus de 17 % de la
fiscalité de l'épargne ainsi qu'à une baisse de l'ordre
de 3,8 % du pouvoir d'achat des retraités les moins aisés.
2) Cette question mériterait des développements trop longs pour
le présent article.
On peut se reporter à nos ouvrages, P. Salin, « L'Arbitraire
fiscal » ou Ph. Lacoude et
Frédéric Sautet, « Action ou taxation, (Ed. Slatkine, Paris, mai 1996)."
7.C. Théoriciens et
praticiens...
L'article de Pascal Salin et Philippe Lacoude ne
plaît pas à Dominique de la Martinière,
"Président du groupe de travail sur la réforme des
prélèvements obligatoires".
Il écrit un article dans «Le
Figaro Economie» du même jour, page X, "en
réponse à Pascal Salin et Philippe Lacoude"
qu'il intitule "Théoriciens et praticiens".
En voici le texte :
"Tout rapport public est soumis a la critique et ses auteurs ne
sauraient s'en formaliser.
Ils sont en droit de réagir, en revanche, lorsqu'ils sont l'objet
d'injures.
Ayant eu le privilège et l'honneur de présider le groupe de
travail que le premier ministre avait chargé d'étudier les
réformes dont certaines parties de notre système fiscal
paraissaient susceptibles, je considère même qu'il est de mon
devoir de relever l'excès commis à cet égard par le
professeur Salin et M. Lacoude.
« Membres de l'oligarchie administrative qui dirige la France »,
nous aurions « mis en place un système oppressif,
compliqué et arbitraire qui constitue l'obstacle essentiel à la
prospérité et à l'épanouissement des~citoyens ».
Rien de moins !
Peut-être faudrait-il appeler l'attention des auteurs de l'article sur
le fait que deux d'entre nous ont exercé des fonctions
juridictionnelles et leur rappeler que les autres assurent respectivement la
présidence d'un groupe bancaire et la direction d'un cabinet de
conseil réputé.
En ce qui me concerne, j'ai quitté l'administration il y a vingt-trois
ans et consacré depuis l'essentiel de mon existence professionnelle
à la vie d'entreprise du secteur concurrentiel, où je n'ai plus
connu l'impôt que comme contribuable.
L'accumulation des expériences acquises par les cinq membres du groupe
de travail le portait donc, je crois, posséder « la
compréhension des mécanismes économiques... et de
l'action humaine ». Davantage en tout cas que la fréquentation
des colloques et des couloirs de faculté.
Ces précisions étant données, un problème demeure
:
pourquoi le professeur Salin et M. Lacoude ont-ils
éprouvé le besoin de dénigrer nos personnes ?
A quoi faut-il attribuer cet usage de l'anathème avant tout raisonnement
?
On serait tenté de rappeler les personnages d'Homère, mais
serait- il convenable d'attribuer à un dignitaire de
l'université un comportement de primitif?
a) Déformation
impudente
L'emploi de l'injure comme moyen de communication, il est vrai, peut
s'exprimer par le désir de distraire le lecteur de la faiblesse des
arguments utilisés par ailleurs.
Il n'est pas impossible que ce soit le cas et qu'il convienne donc de
rappeler la phrase du personnage Basile de Beaumarchais
« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! »
Comment, en effet, peut-on tout à la fois affirmer que le taux le plus
important « celui qui détermine les choix individuels »
est le taux marginal et rechercher des exemples significatifs dans les
parties basses ou moyennes de l'échelle des revenus ?
Présenter comme contradictoire le plafonnement du quotient et
l'imposition des allocations familiales, en oubliant de préciser que
l'incorporation de la décote dans le barème apporterait un
soulagement substantiel aux familles nombreuses ?
Prétendre que les propositions faites ne se traduiraient que par une
baisse « très modeste » des taux moyens et soutenir
qu'elles entraîneraient des « coûts élevés
» pour les finances publiques ?
b) Expertise
économique
Comment, de même, oser utiliser avec autant d'impudence, le
procédé qui consiste à déformer un texte pour le
critiquer plus facilement ?
Nous n'avons pas invoqué « l'effet Laffer
», car l'emploi du langage courant nous a paru préférable
à celui du jargon universitaire, mais nous avons souligné
à plusieurs reprises que le rendement de notre système fiscal
diminuait et qu'une détente des taux était nécessaire
à son amélioration.
Nous n'avions nul besoin de nous faire expliquer par quiconque que
l'impôt affectait l'accumulation du capital ; la preuve en est que nous
avons recommandé la réduction des pressions exercées
à cet effet par la taxe professionnelle.
Enfin, nous nous sommes résolument placés dans la perspective
d'une baisse de la pression fiscale, alors que l'article du 20 juin tend
à faire croire le contraire aux lecteurs du Figaro.
La lecture des ouvrages du professeur Salin (1) et de M. Lacoude
(2) révèle par ailleurs une omission intéressante.
« II s'agit d'éliminer les désavantages subis par les
propriétaires d'un capital risqué par rapport à celui
d'un capital peu risque, celui qu'on appelle parfois un rentier »,
écrit ce dernier, qui admet qu'une réforme comporterait
« un risque d'aggravation transitoire des déficits publics
»
et recommande en conséquence
« une décrue fiscale étalée, par exemple, sur cinq
années ». Diable ! Que ces propos paraissent sages ! et bien
différents de la diatribe publiée le 20 juin ! ! !
Toujours prêt à souligner le rôle essentiel des fonds
propres, le professeur Salin devrait lui aussi condamner l'excès des
avantages accordés à la rente dont l'analyse constitue l'une
des parties essentielles de notre diagnostic.
Leur article, pourtant, n'évoque même pas le sujet. Faut-il
croire que les auteurs n'ont pas voulu contrarier ceux que nos propos ont
dérangés ?
Pour achever de rassurer les lecteurs du Figaro,
je crois utile de les inviter à lire L'Arbitraire fiscal.
Cet effort leur apprendra que le professeur Salin est hostile à
l'Etat, à la Sécurité sociale et aux dépenses de solidarité,
voit dans tout impôt la manifestation d'une violence spoliatrice,
condamne toute progressivité et même les
prélèvements proportionnels puisqu'ils risquent d'inclure une
« progressivité cachée », estime que les «
hommes de l'Etat » sont incapables de s'intéresser au futur,
pense que les droits de l'homme pourraient se limiter au respect de la
propriété et affirme que
« la notion d'intérêt général... est un
concept sans signification ».
Pour lui, la T.V.A. ferait double emploi avec l'impôt sur le revenu, ne
serait pas répercutée dans les prix et devrait être
appliquée aux exportations.
Les industriels, qui pensent toujours logiquement « hors taxes »,
apprécieront.
De même que les lecteurs s'inquiéteront de voir le professeur
Salin vanter les mérites de la capitation qui, sous l'appellation de poll-tax, a mis fin au
règne de Mme Thatcher.
Les uns et les autres devraient se féliciter de ce que la
préparation d'une réforme fiscale n'ait pas été
confiée à M. Salin.
Le mot de la fin, néanmoins, mérite de revenir à M. Lacoude qui pose dans son ouvrage une question
sérieuse
« être universitaire, de nos jours, constitue-t-il un label de
garantie en matière d'expertise économique." ?
(1) Pascal Salin, L'Arbitraire
fiscal.
(2) Philippe Lacoude, Action ou taxation."
Cette "réponse" n'est-elle pas merveilleuse ?
Son auteur vit vraiment dans le monde d'Alice, celui des Merveilles, à
défaut de prendre les lecteurs du Figaro
pour des imbéciles.
8.
« 2011-12 » : l’aurore de la fin de
l’arbitraire fiscal ?
Nous sommes aujourd’hui en 2011, à l’aurore de
l’élection présidentielle programmée pour 2012. La
réforme fiscale est toujours au-devant de la scène politique.
Mais l’inculture, l’ignorance, l'oubli et la jalousie –
« des riches » - rivalisent dans les ébauches de
programme politique proposées ces derniers temps, tous partis
confondus.
D’ailleurs ceux qui donnaient l’impression au bon peuple de se
défier en 1985, voire en 1996, "à mains nues et
idées claires", se sont succédés à la charge
des affaires, grâce à ses votes.
Et ils n’ont fait qu’enfoncer un peu plus le « clou de
l’arbitraire fiscal » en pratique et dans le discours officiel.
De plus, ce sont presque les mêmes qui sont en lice aujourd'hui, ils
sont seulement, désormais, au premier rang du cirque politique que
conditionne le système fiscal français et qui permet de
stipendier untel ou untel, en dépit des destructions qu’ils ont
commises ou fait commettre depuis lors car ils ont toujours refusé les
idées du livre de Pascal Salin - comme en atteste l'article de
Monsieur de La Martinière -, pourtant les
seules qui permettraient de sortir de la route de la servitude dans laquelle les
gouvernements successifs ont engagé la France depuis au moins 1936 -
"the long and winding road" http://www.youtube.com/watch?v=Jt-YSHAr7c0
-.
Nous ne sommes vraiment pas à l’aurore de la fin de
l’arbitraire fiscal.
Georges
Lane
Principes de science économique
Georges Lane enseigne
l’économie à l’Université de Paris-Dauphine.
Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire
J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous
droits réservés par l’auteur
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