L'économie politique n'a pas pour domaine les fonctions économiques des
choses, des objets, comme beaucoup le croient ou le disent.
Son domaine est celui des phénomènes de marché, de la détermination des taux
d'échange mutuel des biens convenus sur des marchés, de leur origine dans
l'action humaine et de leur effet sur cette dernière action comme l'ont
expliqué les économistes de l'école de pensée autrichienne - au nombre
desquels quelques Français -.
Ce
domaine n'est pas à confondre, par exemple, avec celui de Vilfredo
Pareto pour qui l'économie politique s'intéresse aux phénomènes économiques
qui résultent de l'action humaine, au nombre desquels le principal est
l'équilibre économique général.
Les
échanges économiques de vous et moi cachent les actes de production,
investissement, consommation et épargne qu'ils révèlent.
Ils
donnent lieu à ce qu'on dénomme "monnaie" et non pas l'inverse
comme c'est ordinairement évoqué.
Peu
importent les politiques monétaire, budgétaire, etc. des hommes de l'Etat sur
quoi l'accent est mis - certes en France, les recettes sont moins de 50%,
mais les dépenses beaucoup plus que 50%, pas loin de 60% -.
Elles ne sont jamais que des annexes du "bateau de l'économie
politique" et non pas des points de départ, d'ancrage, de la
connaissance.
1.
Des fonctions économiques de la monnaie.
Malgré
tout cela, la grande majorité des économistes s'astreint donc à limiter
ce qu'ils dénomment "monnaie" à des fonctions économiques, ou plus
exactement à une partie d'entre elles, comme si l'économie politique avait
pour domaine, répétons-le, des fonctions.
Même Ludwig von Mises faisait grand cas de la seule
fonction qu'il appréciât, à savoir celle de moyen d'échange.
Paradoxe
?
Encore
aujourd'hui, pour ne prendre qu'un seul exemple, un homme français de la
Banque centrale européen n'hésite pas à y faire référence sans autre forme de
procès (c'est Benoit Coeuré dans "Euro
banknotes – a secure means of payment and a symbol of Europe",
22 avril 2013, qui en arrive même à parler d'Aristote! Quelle
connaissance économique?).
A
l'opposé, quelques économistes ont cherché, à leur façon, à sortir du biais
dans quoi ils se sentaient coincés.
Par
exemple, Jacques Rueff en était parvenu à voir dans la monnaie non pas une ou
plusieurs fonctions économiques, mais un "récipient à valeur" - du
genre "tasse à thé" ...-, les échanges de l'économie politique,
c'est-à-dire de vous et moi, permettant les échanges synallagmatiques ou
catallactiques des contenants des "récipients à valeur" entre vous
et moi, à savoir les "valeurs" des droits de propriété des choses
qui sont convenus d'un commun accord.
2.
Les fonctions économiques oubliées.
Quitte
à adopter un instant la démarche fallacieuse des fonctions économiques,
pourquoi ne pas la mener au bout, c'est-à-dire aux dernières fonctions ou
rôles découverts au XXè siècle à la monnaie comme
c'est le cas de sa fonction macroéconomique, celle qui voudrait que la
variation de la quantité de monnaie contribuât aux variations de prix et de
l'activité économique, au chômage?
Curieusement,
cette fonction macroéconomique n'est jamais évoquée en tant que telle.
Le
prétendu rôle donné à la quantité de monnaie est ainsi séparé des trois
fonctions admises depuis au moins le XIXè siècle, à
savoir les fonctions de moyen d'échange, de réserve de valeur et d'unité de
compte.
Politique
monétaire.
Il importe d'être sensible au fait qu'à défaut d'être associée aux autres, la
fonction macroéconomique est adossée à ce qu'on dénomme la "politique
monétaire", réglementations décidées par "X", "Y" ou
"Z" d'un ou plusieurs pays en matière de monnaie.
A cette occasion, lui est juxtaposée la "politique budgétaire" pour
expliquer prétendument des phénomènes économiques ou des concepts, par
exemple, du type "zone optimale de monnaie".
L'économie
sans monnaie.
Il
reste que la monnaie n'est pas toujours séparée de ses fonctions économiques
restreintes en fin de compte.
Une
façon de voir la non séparation amène même certains
à dire que la monnaie est le grand perturbateur économique qu'ils ont en tête.
Selon
eux, sans monnaie, tout serait beaucoup plus simple, il n'y aurait pas de
perturbation (Ecole hollandaise,
au nombre de qui J.G. Koopmans, mais surtout M.W. Holtrop
dans la décennie 1960.).
3.
La comptabilité bancaire réglementée de la monnaie.
Le
cas échéant, des économistes définissent la monnaie par la comptabilité
bancaire du moment où ils procèdent à leurs analyses monétaires, en relation
avec ses fonctions économiques restreintes - et ce qu'elles cachent -..
En
vérité, ils ne prennent pas en considération les principes de la comptabilité
qui permettent de mesurer la quantité de monnaie - en droits constatés - dont
ils font seulement apparemment grand cas.
Ils
admettent aussi que des réglementations instaurées ici ou là par le passé
sont définitives et non pas temporaires.
Par
exemple, les réglementations instaurées au XXè
siècle, depuis la décennie 1930 en particulier et le rapport MacMillan, sont mises de côté.
En
d'autres termes, la comptabilité bancaire en question qu'ils observent est
réglementée sans que les réglementations interviennent dans leurs études.
On
sait pourtant d'ordinaire que le non respect des
lois de la nature ou de la réalité - que sont les échanges économiques - que
mesurent les comptabilités réglementées a pour effet ou conséquence, immédiat
ou non, un dommage, une pénalité, voire la mort.
Pourquoi en serait-il autrement en matière d'échanges économiques dès lors
qu'on ne cache plus ces derniers?
4.
Une troisième voie...
Entre
la monnaie définie prétendument par des fonctions économiques restreintes et
la monnaie définie et mesurée par des postes de comptabilité bancaire
réglementée tantôt nationalement, tantôt internationalement, des économistes
ont fait connaître leurs travaux du XXè siècle au
travers d'une autre voie, d'une troisième voie, celle de l'offre et de la
demande des biens en général, de leur "valeur", mais surtout celle
de l'offre et de la demande de monnaie, de sa "valeur", nouvelle
façon d'amener à définir ce qu'on dénomme "monnaie" ... par sa
"valeur".
4.A. Le concept de demande de
monnaie.
Au
nombre des propos tenus sur la demande de monnaie, le concept de
"préférence pour la liquidité" de John Maynard Keynes a acquis un
rôle important rétrospectivement.
Il
a ajouté à l'ambigüité de ce qu'on peut dénommer "monnaie"
aujourd'hui (en sigle, C.Q.D.M.A.) en faisant oublier ce que la
"liquidité" était supposée cacher.
Il
a conduit certains (par exemple, Gurley et Shaw, 1960) à mettre l'accent sur la
finance et les "instruments financiers" et à voir dans la monnaie
un actif financier.
On
n'en est pas sorti.
4.B. Le concept d'offre de
monnaie.
Au
nombre des propos tenus sur l'offre de monnaie, les concepts de
"convertibilité monétaire" et de "couverture bancaire"
qui sont essentiels si on veut comprendre de quoi il s'agit, ont été l'objet
de réglementations.
Ils
s'accoquinaient à leur façon avec le concept de "liquidité" - ou
celui de "réserves" - et n'excluaient pas celui de
"solvabilité".
C'est
ainsi qu'il y a cent ans, la couverture bancaire soulevait un problème
financier aigu depuis le débat anglais du XIXè
siècle entre la "currency school"
et la "banking school".
Pour
sa part, la convertibilité monétaire restait encore dans l'ombre de la
convertibilité des substituts de monnaie bancaire en monnaie or ou argent.
Depuis
lors, tout a changé.
Aujourd'hui,
dans certains pays, la convertibilité monétaire - intérieure et extérieure -
a été interdite par le législateur ou les hommes de l'Etat, en deux temps,
d'abord intérieure, puis extérieure (cf. par exemple ce texte du 27 mai 2013);
dans d'autres, comme dans des pays de l'Europe géographique, non seulement,
la convertibilité des monnaies nationales réglementées a été interdite, mais
certaines d'entre elles ont été fusionnées en une monnaie régionale créée
pour l'occasion et de convertibilité monétaire interdite, à savoir l'€uro.
5. Remarque : l'ajustement de l'offre et de la demande de monnaie à
l'équilibre du marché.
Dans ces conditions, des économistes ont encore introduit la conséquence de
la mise en relation des concepts d'offre et de demande de monnaie qu'on peut
dénommer "ajustement de l'équilibre du marché de la monnaie".
Pour les uns, l'ajustement est problématique et, pour le résoudre, ils ont
introduit d'autres marchés de l'économie politique dont ils ont dénommé
"système économique" l'ensemble.
Pour d'autres, l'ajustement n'est pas problématique, l'équilibre du marché de
la monnaie, façon de parler de la "valeur" de la monnaie, se
réalise spontanément en raison de l'offre et de la demande des biens en
général et de celles de la monnaie en particulier.
Selon ces derniers, demande et offre s'harmonisent avec la mesure de la
quantité de monnaie, mais pas avec l'existence - et le développement -, avec
la définition de la monnaie.
II faut savoir que, longtemps, ce qu'on dénomme "monnaie" n'avait
été qu'un objet aux caractéristiques juridiques de type "titre" ou
"aloi".
Face aux contrefaçons du droit de la monnaie, l'Etat avait fait
progressivement valoir la protection qu'il pouvait donner.
Et ce sera, par exemple en France (avec l'administration
des monnaies et médailles), le privilège de monopole de production donné
à une organisation et l'obligation de l'accepter faite aux autres.
Mais la contrepartie a tenu par la suite dans les effets non compris et
désastreux des variations de la quantité de monnaie, à savoir les variations
des prix en monnaie.
6. Une quatrième voie...
Malgré
tout cela, contre vents et marées, des économistes se retranchent encore dans
une quatrième voie et tentent de convaincre que seules politique monétaire et
politique budgétaire sont dignes d'intérêt économique (cf. par exemple ce billet de mai 2013).
Par exemple, hier, des économistes de la Banque de réserve de Saint Louis
faisaient connaître des résultats économétriques sur le sujet (cf. ce texte
de mai-juin 1998)
Aujourd'hui, à n'en plus finir, d'autres n'hésitent pas à faire valoir de
prétendues relations entre ces politiques et des formes empiriques de
C.Q.D.M.A. comme, en particulier, ce qu'on dénomme aujourd'hui "€uro" depuis 1999-2002 (cf. ce billet de janvier 2013 par
exemple).
7.
Quantité de monnaie en circulation.
Qu'à cela ne tienne, il a été admis et observé depuis longtemps qu'il y
avait, à chaque instant, une "quantité de monnaie en circulation",
dans des périodes comparables, une "vitesse de circulation de la
monnaie" qui affecte cette quantité, et tous les économistes cités
précédemment ne font pas trop de liens précis entre leurs propos et cette
quantité instantanée.
Cette
dernière tend à prédominer.
La
quantité de monnaie en circulation ne devrait pas cacher pourtant
1)
les règles de droit,
2) la législation réglementation,
3) les actions humaines assujetties aux règles précédentes comme c'est
malheureusement le cas dès lors qu'on n'est pas économiste de l'école de
pensée autrichienne.
Au
nombre des économistes qui se moqu(ai)ent des règles précédentes
et des actions humaines en conséquence - ils préfèr(ai)ent les résultats de ces actions aux actions elles-mêmes
-, Irving Fisher (1911), puis Knut Wicksell (décennie 1920) - selon T.
Haavelmo (1978) pour ce dernier - méritent
d'être cités.
Nous
atteignons aujourd'hui des sommets successifs dans des quantités de monnaie
en circulation magique comme on peut l'observer à partir des comptes de bilan
de la Banque centrale européenne (graphique 1)
Graphique 1
Base monétaire "zone €uro"
2005-2013
ou du système de réserve fédérale des Etats-Unis (graphique 2)
Graphique 2
Base monétaire U.S.A.
2005 - 2013
2008 - 2014
En
vérité, nos économistes sont parvenus à fournir une expression algébrique
simple - qui ne signifie pas exacte - de ce qu'ils dénommaient "équation des échanges".
Mais
ils l'ont déformée, voire l'ont dénaturée en lui parachutant une causalité
qu'elle ne saurait avoir...
La déformation/dénaturation a commencé avec Fisher par un accent mis non pas
sur telle ou telle quantité de monnaie, ni même sur l'"équation des échanges",
mais sur le "pouvoir d'achat" de la monnaie qui est le titre de son
ouvrage et qu'il avait déduit de l'équation précédente, sans aucune logique
économique.
L'accent
fait malheureusement fureur depuis lors et le triste mot d'ordre semble être
celui qu'a donné un auteur de la décennie 1920 selon quoi:
"la circulation monétaire ne saurait être soumise aux mêmes règles que
celle des autres marchandises.
S'il
en était autrement, le cours de la monnaie serait facultatif et la monnaie
aurait une valeur simplement commerciale. [...]
La
monnaie doit [...] posséder une valeur légale à côté de sa valeur
commerciale".
C'est la confusion entre une expression mathématique inexacte et une
incompréhension de la monnaie.