I. L’équilibre économique général dénaturé.
1. Les prix en monnaie des marchandises ont longtemps intéressé les
économistes dans le passé.
Ils les ont intéressés sous un angle très important, mais en général
oublié aujourd'hui.
C'est, en effet, celui que le prix en monnaie d'une marchandise n'est
jamais qu'une quantité de monnaie unitaire convenue ou consentie entre au
moins deux personnes juridiques physiques, il en est synonyme.
2. Cette quantité de monnaie unitaire convenue est à mettre en parallèle
avec la quantité de monnaie en circulation, i.e. en échange, entre les mêmes.
A chaque instant, les quantités de monnaie unitaires convenues ne sont
ainsi rien d'autres que, à un facteur près (les quantités de marchandises
échangées elles-mêmes), des échanges de quantités de monnaie qui
changent de mains.
Le point avait amené Ludwig von Mises (ci-dessous, à gauche, en
compagnie de Jacques Rueff, à droite) à insister sur le fait en disant que :
"les prix ne sont pas mesurés en monnaie, ils sont de la
monnaie" (Mises, 1953, p.664).
Mises, L. von (1953), « Remarques
sur le traitement mathématique des problèmes de l'économie politique », Studium
Generale, décembre, pp. 662-665, traduit de l’allemand par François
Guillaumat.
3. Rien ne justifie de séparer "prix en monnaie" et
"quantité de monnaie" sauf l'erreur... (cf. ce texte de décembre 2014)
En conséquence, il faut s'opposer, en particulier, à tout ce qu'on
peut lire, ici ou là, à propos de la notion de l'"inflation"
qui est définie à partir d'un "indice statistique de prix" (de
ce genre... ou d'autres)
et qui n'est ainsi qu'une grande absurdité.
L'inflation est un phénomène monétaire, rien d'autre.
4. Mais la théorie de l'équilibre économique général de première
génération (à savoir la "loi des débouchés" de Say et les théories
de Walras puis de Pareto au XIXème siècle) a été mise en œuvre en parallèle.
Rétrospectivement, on ne sait trop si les prix en question,
caractéristiques de l'équilibre économique général, sont des prix en
monnaie ou des prix autres considérés par les économistes (cf. le texte de
Arthur Marget, 1935, intitulé "The Monetary Aspects of the Walrasian
System", Journal of Political Economy, Vol. 43, No. 2,
avril, pp. 145-186 sur le sujet).
5. La théorie a fragilisé leur démarche au point que certains d'entre eux
en sont arrivés à mettre l'accent non plus sur les prix, mais sur l'équilibre
économique général caractérisé par les seules quantités de marchandises
échangées.
Remarquons en passant que l'équilibre économique est une façon de parler
en termes physiques synonyme de celle des accords entre personnes juridiques
physiques ou de l'égalité arithmétique des quantités de marchandises
échangées.
Ils en sont aussi arrivés à refuser, implicitement, que les prix
pussent se modifier ou être modifiés.
6. De plus, des économistes de la décennie 1930 ont proposé une
théorie de l'équilibre économique qui se voulait générale,
"macroéconomique", mais où les prix n'existaient pas.
Etaient mis au premier plan les quantités de marchandises échangées dites
"sous-emploi" et "revenu".
N'est-ce pas Monsieur J.M. Keynes (1936)?
7. Dans la foulée, une autre génération d'économistes, aussi
néfaste, est apparue.
Elle a changé les théorèmes mathématiques à la base de la théorie de
l'équilibre économique général de première génération qui portaient sur les
systèmes d'équation linéaires de Gabriel Cramer, première moitié du XVIIIème
siècle.
Elle a développé, à la place, ceux de la toute nouvelle, alors,
théorie du groupe Bourbaki qui étaient fondés sur la topologie et les
fameuses "mathématiques modernes".
Exemplaire a été l'ouvrage de Gérard Debreu (1959) dénommé Théorie
de la valeur (Axiomatique de l'équilibre économique).
Mais il n'y avait rien de nouveau sous le soleil économique, l'équilibre
économique général planait.
8. A leur façon, toutes ces démarches du XXème siècle allaient de
pair avec la démarche des théories de la planification perpétrées par
les prétendus économistes socialo-communistes "bon teint" du moment
qui faisaient définir les prix par la "réglementation" d'un seul et
même organisme, et non plus par la "concurrence" et, par
conséquent, l'"innovation".
Dans tous les cas, il ressortait des travaux que les hommes politiques
pouvaient se donner le rôle de fixer les prix à leur convenance (ou comme
"plafond" ou comme "plancher").
9. Aujourd'hui, les hommes politiques flirtent avec l'idée de la
croissance économique plutôt qu'avec celle de l'équilibre économique.
Mais le sort réservé aux prix n'a pas changé même si, depuis lors
(décennie 1940), des économistes ont montré toute l'importance qu'il fallait
accorder aux "espérances de prix"
II. La crise économique idolâtrée.
10. A entendre les uns et les autres, le mouvement observé des prix
en monnaie des marchandises a toujours été considéré comme un trouble, une
perturbation, une crise...
Une majorité d'observateurs semblaient le (faire) croire et n'hésitaient
pas à disséminer l'information.
11. Au contraire, c'était le refus de ce mouvement des prix des
marchandises par les oligarques autoproclamés qui était la perturbation
ou la crise du fait des remèdes qu'ils imposaient à tout un chacun et
qui empêchaient le mouvement salutaire de fonctionner.
Par exemple, comment des gens prétendument autorisés ont-ils pu en arriver
à parler d'"actifs
toxiques" ces dernières années?
Et à faire payer les conséquences de la toxicité par les contribuables ...
obligés?
C'est la situation que nous connaissons encore et dont nous ne sommes pas
sorti.
Avec ces mots, on est bien au-delà de la perversion de la notion d'"égout collecteur"
qu'avait forgée Jacques Rueff, il y a quelques décennies, pour désigner la
monétisation des fausses créances par la banque centrale, action qu'a
d'ailleurs commencée à mener la Banque centrale européenne...
12. La vraie cause du mouvement des prix en monnaie des marchandises
tient, en effet, au départ, au marché, à l'échange indirect de
marchandises, notion chère aux "économistes autrichiens", un
échange en partie non abouti (aux derniers prix en monnaie en vigueur) à
cause des choix des personnes juridiques physiques.
Reste que le marché, l'échange indirect, n'est pas économiquement
assimilable à un point de tel ou tel théorème mathématique, insensible
au changement.
C'est un processus qui, à partir du désaccord entre personnes juridiques
physiques, se transforme grâce au mouvement des prix en monnaie des
marchandises qu'il autorise et dont conviennent les personnes juridiques
physiques.
Et il aboutit à l'harmonie économique.
13. Il y a soixante ans (1955), dix ans après son ouvrage intitulé L'ordre
social, Jacques Rueff (ci-dessous)
caractérisait la situation des prix d'une façon qui lui était très
personnelle.
Il évoquait les cinq hypothèses suivantes :
- i) la séance de marché, le compartiment du marché où les échanges se
font,
- ii) le vidage des droits de propriété par les titulaires de ces droits
(propriétaires), à savoir la vente ou l’offre de marchandises,
- iii) le remplissage des droits de propriété par les mêmes, à savoir
l’achat ou la demande,
- iv) la simultanéité nécessaire des deux démarches,
- v) l’accomplissement solidaire,
"faute de quoi l’échange ne serait pas accompli" (cf. Rueff,
1955, "Un instrument d'analyse économique: la théorie des vrais et des
faux droits", réédité dans E.M. Claassen (1967), Fondements
philosophiques des systèmes économiques, pp. 217-8).
C'est ainsi que la vraie cause du mouvement des prix en monnaie des
marchandises se trouvait, selon Rueff, dans la différence entre le
volume des droits de propriété vidés par leurs offreurs ou vendeurs et le
volume des droits de propriété remplis par leurs demandeurs ou acheteurs.
Dans le cas de la "surproduction", le volume offert était
supérieur au volume demandé et la cause se trouvait dans cette supériorité
qu'aucun remède étatique ne saurait résoudre, mais uniquement les actions
économiques des personnes juridiques physiques.
Dans le cas de la "sous production", le volume offert était
inférieur au volume demandé et la cause se trouvait dans cette infériorité
qu'aucun remède étatique ne saurait résoudre, mais uniquement ...
III. La crise économique toujours recommencée.
14. Tout comme le disaient ces propos de Rueff qui rejoignaient, en
partie, ceux des "économistes autrichiens", on ne saurait voir
dans quoi que ce soit pouvant altérer les prix en monnaie des marchandises,
des remèdes à leur mouvement car ces derniers ne mettent pas un terme
à la cause, mais l'accroissent.
Ces faux remèdes ne font que faire empirer la situation (cf. par exemple,
ce texte d'octobre 2010).
Seuls devraient intervenir les objectifs des personnes juridiques
physiques et les actions économiques qu'ils choisissent de mener en
conséquence.
15. Ce n'est pas, à ma connaissance, la perspective économique
actuelle ni en France, ni dans la zone €uro, ni dans l'Union européenne,
peut-être dans le monde, d'où la crise économique toujours recommencée...