Paris, le 7 décembre 2018.
Dès la première page du Cours
d'économie politique (1896-97), Vilfredo Pareto prévenait que:
"Notre
étude a pour objet les phénomènes qui résultent des actions que font les
hommes pour se procurer les choses dont ils tirent la satisfaction de leurs
besoins ou leurs désirs.
Il nous faut donc
- d'abord examiner la nature des rapports entre les choses et la
satisfaction de ces besoins ou de ces désirs, et
- tâcher ensuite de découvrir les lois des phénomènes qui ont précisément
ces rapports pour cause principale." (Pareto, 1896-97, §3).
Avec cette façon de s’exprimer, il se référait très vraisemblablement,
mais tacitement
- à l'approche "autrichienne", toute nouvelle alors , de
l'économie politique et
- à l'accent qu'elle mettait sur la notion d' « action humaine » (et plus
généralement sur la « praxéologie »),
le "résultat de l'action humaine" pouvant être considéré
désormais comme un type de « valeur » par excellence qui cachait la notion
d'"action humaine".
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, des économistes
"autrichiens" avaient en effet commencé à mettre l'accent sur les
conséquences logiques des « actions humaines », des actes économiques des
gens plutôt que sur les résultats de ces actes, étant donnés leurs
intentions, besoins ou désirs et le fait que la réalité économique n’était
jamais que l’ensemble de tous ces résultats, observés ou non (cf. Asser,
1893).
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Asser,
H.L. (1893) “Frédéric Bastiat et les néo économistes autrichiens”, Journal des économistes,
mars, pp. 337-346.
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1. Un peu d’histoire sur la « théorie de la valeur ».
Mais Pareto laissait aussi entendre par son propos qu'il se séparait des
auteurs « autrichiens » pour conserver l'approche originelle de l’économie
politique, à savoir la « théorie de la valeur »,
Longtemps en effet, l'économie politique a procédé de la seule théorie
dite "de la valeur".
Il ne semble pas excessif de dire que celle-ci a même été au départ de
l'économie politique davantage que, par exemple, la « théorie de la quantité
de monnaie » ou la « théorie du commerce international » (cf. ce billet
de mon blog de juillet 2014).
a. A partir de Frédéric Bastiat…
Dans un billet
de mon blog de mars 2017, j'ai eu l'occasion de faire apparaître que,
près de cinquante ans avant les propos de Pareto, Frédéric Bastiat
(1801-1850) avait eu l’occasion de faire le point sur le "principe de la valeur
" en économie politique dans le livre intitulé Harmonies économiques
(1850, chap.5), titre qui, lui-même, n’était qu’une autre façon tacite de
parler des « résultats des actions humaines ».
Selon Bastiat, la "valeur", c'était alors:
- pour Adam Smith (1723-90), ce qui était dans la « matérialité » et la «
durée » et donnait lieu aux objets matériels et services,
- pour Henri Storch (1766-1835), un jugement,
- pour Jean Baptiste Say (1767-1832), une utilité,
- pour David Ricardo (1772-1823), un travail,
- pour Nassau Senior (1790-1864), une rareté.
b. Remarques.
Soit dit en passant, les propos de Smith ne doivent pas cacher une
analogie entre l’ « économie politique », nouvelle science alors, et la «
mécanique », science physique du moment, sur la distinction faite par les
savants entre la « matérialité » et la « durée », d’une part, et, d’autre
part, leurs conséquences directes, comme les notions de « vitesse » ou d’«
accélération », ou indirectes, comme les notions de « quantité de mouvement
ou de « force ».
Storch avait mis l’accent sur le jugement de valeur de la personne sur la
« chose » ou le « bien », types de « valeur ».
A sa façon, J.B. Say a été plus original en ciblant les notions de chose,
de bien ou d'objet matériel, et en introduisant la notion d'« utilité » comme
autre type de « valeur » qu’étaient celles-là (cf. un de ses livres https://archive.org/details/coursdconomiepo02saygoog
):
"Qu’entendez-vous par l’utilité ?
J’entends cette qualité qu’on certaines choses de pouvoir nous servir, de
quelques manières que ce soit.
Pourquoi l’utilité d’une chose fait- elle que cette chose a de la
valeur ?
Parce que l’utilité qu’elle a la rend désirable, et porte les hommes à
faire un sacrifice pour la posséder.
On ne donne rien pour ce qui n’est bon à rien : mais on donne une certaine
quantité de choses que l’on possède (une certaine quantité de pièces
d’argent, par exemple) pour obtenir la chose dont on éprouve le besoin.
C’est ce qui fait sa valeur " (Say, op.cit., p. 12)
Malheureusement, simultanément, il a considéré que la chose/bien/objet
matériel… était une qualité donnée à ce qui était cerné par l’esprit de la
personne ... (cf. Say,
1815 et ce billet
de mon blog de novembre 2015).
N’écrivit-il pas dans son Catéchisme (1815) :
"Comment
donne-t-on de la valeur à un objet ?
En lui donnant une utilité qu’il n’avait pas." (Say, op.cit.,
p.10)
Plus encore que la "valeur" - si on peut dire... -, l' « utilité
» donnée faisait qu’elle était nécessairement subjective, mais cela cachait
une ambiguïté.
On peut aussi regretter que Say ait été flou sur la notion de
"service", l'autre type possible de « valeur » (« produit »
incorporel et non pas corporel, immatériel et non pas matériel) dans la
perspective de Smith, et diamétralement opposée à l'"objet
matériel".
Comme l'objet matériel, le service a été cerné par l’intelligence de
l’homme dès lors que celui-ci en recevait une, de sa part.
Peu a été écrit alors sur le sujet de l'utilité d'un service, peut-être
est-ce à cause de sa mesure et parce qu'il était difficile de donner une
quantité concrète à un service...
Pour sa part, Ricardo n'avait pas été original.
Dans la droite ligne de Smith, de la « matérialité » et de la « durée »
données par le savant à partir de ce qui l’intéressait, il avait privilégié
un objet non matériel, un "service", à savoir le
"travail", sans le savoir ou en le sachant…
En mettant l’accent sur un des "facteurs de production" pris
pour type de valeur, il cachait le privilège donné par l’économiste, à la
production sur l'échange comme si la production était plus importante
économiquement que l'échange...
La notion de « coût » a rassemblé divers types de « valeur » au nombre de
quoi le « coût de production ou le « coût d’opportunité » (cf. Buchanan,
1969).
On regrettera d’ailleurs que Say ait contribué à la confusion qui a
consisté à mettre en regard ce qu’il a dénommé « valeur » et la notion de «
produit » :
Les
choses auxquelles on a donné de la valeur ne prennent-elles pas un nom
particulier?
Quand on les considère sous le rapport de la possibilité qu’elles
confèrent à leur possesseur d’acquérir d’autres choses en échange, on les
appelle des valeurs ;
quand on les considère sous le rapport de la quantité de besoins qu’elles
peuvent satisfaire, on les appelle des produits. (Say, op.cit, p.
14)
Senior enfin n'avait pas été non plus original. Il avait mis l'accent sur
un aspect de la « matérialité » et de la « durée » de Smith qu'il avait
dénommé "rareté".
Reste que Bastiat s'était posé la question suivante :
"Faut-il
voir le principe de la valeur dans l'objet matériel et, de là, l'attribuer
par analogie, aux services ?".
Et Bastiat de répondre :
"Je
dis que c'est tout le contraire, il faut le reconnaître dans les services et
l'attribuer ensuite, si l'on veut, par métonymie, aux objets matériels."
Comme pour encadrer la notion de « valeur », il n’a pas hésité à parler de
l’« utilité générale » et de la décomposer en « utilité gratuite » et «
utilité onéreuse », et de l’« utilité commune ».
c. Les deux types de « valeur » originaux.
Ce florilège de Bastiat ne saurait cacher l'alternative ancienne à quoi il
ne faisait pas référence et reprise, par exemple, par John Locke (1632-1704)
entre « valeur d'usage » et « valeur d'échange ».
Elle s’articulait sur les propos d’Aristote ou de saint Thomas d’Aquin sur
le sujet de la « valeur » (cf. Gordon, 1964 ou Kauder, 1953).
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Gordon,
B.J. (1964) “Aristotle and the development of value theory”, The Quarterly Journal of Economics,
Vol. 78 Issue 1, Feb, pp. 115-128.
Kauder, E. (1953) « Genesis of the Marginal Utility Theory. From Aristotle
to the End of the Eighteenth Century », Economic Journal, septembre,
vol. 63 (251), pp. 638-650. https://www.jstor.org/stable/2226451?seq=1#pa...an_tab_contents
________________
Elle allait de pair avec le fonctionnement des droits de propriété, «
récipient à valeur » selon l’expression de Jacques Rueff (1896-1978) dans son
ouvrage intitulé target="_blank" L’ordre
social (1945).
Elle ouvrait tacitement la voie en économie politique à l'action humaine
d'usage ("usus") et à l'action humaine d'échange.
A sa façon, la notion d'"utilité" de Say a recouvert,
implicitement, à la fois,
- le résultat de l’action qu’était la valeur d'usage ou la valeur
d'échange et
- les deux actions elles-mêmes.
2. L’ajout de Vilfredo Pareto.
Au florilège de Bastiat qu’il a évoqué dans son Cours d'économie
politique (1895-97), Pareto a ajouté les considérations de :
- Karl Marx (1818-83) qui faisait référence explicitement à la
"marchandise" et au "travail" et dont lui-même n'a pas
hésité à démontrer les erreurs (cf. par exemple Pareto, op. cit.
§18),
- Gustave de Molinari (1819-1912) qui expliquait la valeur par
l'"intensité comparée des besoins" (cf. ibid. §81) et
- W. Stanley Jevons (1835-82) qui a introduit le concept de "taux
d'échange" d’une marchandise en une autre (cf. ibid. §74).
Pareto fait partie de ces économistes qui ont adhéré, dans la seconde
moitié du XIXème siècle, à la notion d’ « utilité marginale » de la chose, du
bien, etc. pour faire valoir le jugement que chacun pouvait donner à des
éléments ultimes de choses, biens, etc. , bref de types de « valeur »…
Pareto de préciser ainsi:
"L'ophélimité
élémentaire est le final degree
of utility de Jevons, la marginal
utility des auteurs anglais... "
Ce qui lui a permis de distinguer la notion d'"ophélimité
élémentaire", nouvelle alors, de l'ancienne qu’était la notion d' «
utilité ».
L'"utilité marginale", l’« ophélimité élémentaire » de Pareto,
allait ainsi, à la fois,
- être distincte du jugement de "rareté des choses" et
- la dénommer ainsi (cf. Pareto qui a insisté dans son Cours sur
son caractère subjectif et employé à cet effet la notion d’ « ophélimité »
pour la distinguer de l’ « utilité objective »).
a. Carl Menger oublié.
On peut se demander pourquoi Pareto a été muet sur, par exemple, Carl
Menger (1840-1921), un contemporain, et la précision que ce dernier a
apportée à la « théorie de la valeur » .
Menger a en effet développé le sujet de la valeur dans son ouvrage
intitulé target="_blank" Principles
of Economics en des termes analogues à ceux de Say, mais sans trop
le citer:
"La
valeur n'est rien d'inhérent aux biens [...] [n'est] pas une propriété de
ceux-ci, ni une chose indépendante existant en elle-même.
C'est un jugement que les individus font de l'importance des biens [...]
la valeur n'existe pas en dehors de la conscience des individus"
(Menger, 1871, pp.120-21)
Et par la suite, il a été admis que, comme la notion d’utilité, la notion
de « coût » ne tombait pas du ciel, quelqu’un le dénommait ainsi:
"Cost
cannot be measured by someone other than the decision-maker because there is
no way that subjective experience can be directly observed" (Buchanan,
1969, p.42)
b. Economie politique et science économique.
Le choix de Pareto est aussi problématique tant ses propos sont loin de
ceux de Smith sur l’économie politique, d’une part, et, d’autre part,
laissent mal anticiper ceux de Ludwig von Mises (1881-1973) sur la science économique.
En 1776 , Smith voyait dans l'économie politique une branche des
connaissances du législateur et de l'homme de l'état et précisait:
«
L'Économie politique, considérée comme une branche des connaissances du
législateur et de l'homme d'État, se propose deux objets distincts :
- le premier, de procurer au peuple un revenu ou une subsistance
abondante, ou, pour mieux dire, de le mettre en état de se procurer lui-même
ce revenu et cette subsistance abondante ;
- le second, de fournir à l'État ou à la communauté un revenu suffisant
pour le service public; elle se propose d'enrichir à la fois le peuple et le
souverain. » target="_blank"(Smith,
1776)
On remarquera en passant que, d’abord, le "législateur" n'existe
pas.
C'est une façon de parler.
Existent des êtres humains qui ont choisi, comme actions à mener, de
s'intéresser au droit et de faire aboutir ce à quoi ils songent.
Ensuite, l'"homme d'état" existe mais ses capacités à comprendre
la réalité économique posent des problèmes à tout un chacun, pour ne pas
parler de tout ce qu'il veut voir se réaliser, en général, par la force
violente.
Enfin, pour certains économistes, l’économie politique est une branche des
connaissances non pas du législateur et de l’homme d’état, mais de vous et
moi comme l’ont expliqué les « auteurs autrichiens ».
C’est ainsi que Mises est à 180 degrés à la fois de Pareto et de ce qu’a
écrit Smith quand il expliquait par exemple en 1962 target="_blank" dans un texte
que:
"La
science économique ne porte pas sur les biens et services, elle porte sur les
actions des hommes qui agissent.
Son but n'est pas de s'attarder sur des constructions imaginaires telles
que l'équilibre.
Ces constructions ne sont que des outils de raisonnement.
La seule tâche de la science économique est l'analyse des actions des
hommes, c'est l'analyse des processus." (Mises, 1962),
après qu'il avait écrit, en 1949, dans le livre intitulé L'action humaine,
que la science économique avait pour domaine les phénomènes de marché
expliqués par les actes des êtres humains et était une:
"[...]
branche de la connaissance [...]
pour étudier les phénomènes de marché, c'est-à-dire
- la détermination des rapports d'échange mutuel entre les biens et
services négociés dans les marchés,
- leur origine dans l'action humaine et
- leurs effets sur l'action ultérieure."
On regrettera, en passant, que Mises parlât, sans précision, de « biens »
plutôt que d’un autre type de « valeur » .
Les "biens et services" - que je préfèrerais dénommer « objets
matériels et services » - ne sont que des valeurs particulières, résultats
des actions menées par vous et moi, que vous et moi leur donnons.
De ce point de vue, Mises reprenait ce qu’avait écrit Frédéric Bastiat sur
le sujet .
Quant à Friedrich von Hayek, autre économiste autrichien, il a complété la
définition en 1939, en partie par avance…, en écrivant que:
"Dans
les sciences sociales, toutefois, la situation est exactement l'inverse [...
des sciences naturelles].
D'une part, l'expérimentation est impossible : nous ne pouvons donc
connaître des règles définies dans le phénomène complexe comme dans les
sciences naturelles.
D'autre part, la situation de l'homme à mi-chemin entre les phénomènes
naturels et les phénomènes sociaux - dont il est l'effet en ce qui concerne
les premiers, et la cause, en ce qui concerne les seconds - prouve que les
faits essentiels de base dont nous avons besoin pour l'explication du
phénomène social participent - de l'expérience commune et - de la matière de
nos pensées.
Dans les sciences sociales, ce sont les éléments des phénomènes complexes
qui sont connus, sans aucune contestation possible [...]
Or l'existence de ces éléments est tellement plus certaine que l'existence
des règles quelconques dans le phénomène complexe auquel ils donnent
naissance, que ce sont eux qui constituent le vrai facteur empirique dans les
sciences sociales. [...]
dans les sciences sociales, [le processus de déduction] - part directement
d'éléments empiriques connus et - les utilise à la découverte des règles dans
les phénomènes complexes que l'observation directe ne peut établir" target="_blank"(Hayek,
1939).
3. Autres types de « valeur ».
Les types de « valeur » décrit par Pareto ne doivent pas cacher d’autres
types de « valeur », déjà bien connus fin XIXème siècle, qu’il a évoqué à
l’occasion et qu’on peut ajouter à la liste en quelques mots.
a. La notion de « ressource »
Au nombre de ces types de « valeur », il y avait la notion de « ressource
»… qui est une façon de parler d’un des facteurs de production (il est alors
question de « ressource », naturelle ou autre, plutôt que de « matière
première »).
b. La notion de "prix".
Il y avait aussi la notion de "prix" … relatif d’une valeur dans
une autre, convenu entre les deux parties.
Le prix était un fait observé.
C’était aussi une notion qui avait accordé les échanges de types de «
valeur » des gens entre eux.
Le « prix relatif » occultait, le cas échéant, - la notion de
"marchandise", autre type de « valeur », et - ses mesures, leurs
nombres ou quantités ... abstraites ou concrètes. Sans échange, pas de prix
et sans (droit de) propriété, pas d’échange.
Il allait de pair avec les quantités d’échange de marchandises en
question.
Simultanément, ont été dénommés types de "valeur" - des «
prêts/emprunts » d’objets plus ou moins matériels, et - leur mesure, leurs
quantités ou nombres… etc.
Et à leurs échanges convenus, devenus « titres financiers juridiques »,
ont été associés des taux d’intérêt, autre types de « valeur ».
Sans prêt/emprunt d’objets matériels, pas de taux d’intérêt.
Sans (droit de) propriété, pas de prêt/emprunt.
Le "titre financier juridique" illustre un (acte d')échange de
quantité de types de « valeur » entre un prêteur et un emprunteur « de
marchandise », nécessairement individus (cf. ce target="_blank" billet de
novembre 2013).
Il peut être direct ou indirect (et faire intervenir un intermédiaire
entre les parties).
Quantité unitaire, rapport de quantités de marchandises et taux d'intérêt
sont trois façons de parler de la même réalité, à savoir le rapport de la
quantité d’une marchandise et de la quantité d'une autre.
A la différence des prix relatifs qui désignent des taux d’échange de
marchandises convenus, les taux d’intérêt convenus n'ont pas de nom
particulier pour désigner les quantités unitaires de marchandise convenues à
quoi ils ont donné lieu.
c. La notion de « monnaie ».
Il y avait encore la notion de ce qui était dénommé "monnaie" …
Après les débats du XIXème siècle entre l'"école de la monnaie"
– qu’il est habituel de dénommer « école de la circulation » en France - et
l'"école de la banque" ou entre le monométallisme et le
bimétallisme, la "monnaie" a commencé à être mieux cernée comme «
intermédiaire des échanges ».
Elle a surtout été approfondie par les économistes au XXème siècle comme
type de « valeur » ou autre…
Et la "quantité de monnaie", mesure de la valeur « monnaie », a
donné lieu à une attention particulière après, par exemple, l’article de
Menger (1892) intitulé " target="_blank";La
monnaie, mesure de valeur".
d. La notion de « prix en monnaie ».
Il y avait enfin la notion de "prix en monnaie" …
La « quantité de monnaie » ne saurait en effet cacher le "prix en
monnaie", autre type de « valeur ».
Sans « quantité de monnaie », pas de prix en monnaie.
Le "prix" … en monnaie était le taux d’échange convenu entre
deux parties, individu ou autre (population), d’une quantité de monnaie
contre une quantité de marchandise.
Le caractère « conventionnel » de l’échange est essentiel, mais trop
souvent laissé de côté.
Le "prix en monnaie" n’est qu'un taux d'échange convenu entre
monnaie et autre type de « valeur », qu’un rapport unitaire convenu de la
quantité de monnaie par les parties.
Je regretterai que Pareto ait préféré dénommer "prix d'une
marchandise en une autre " le « taux d’échange » (ce taux/rapport de
quantités) de Jevons, ne mettant pas ainsi, malheureusement, l’accent sur
l’accord convenu entre les deux parties qu’était le prix et laissant de côté
sa différence avec le « taux d’échange » qui n’était pas nécessairement
convenu.
Quand les accords d'échange ont abouti et sont réalisés, les échanges sont
des quantités de marchandises et de monnaie, et des prix en monnaie.
Ils ne sauraient être dissociés et l’un d’eux privilégiés par rapport aux
autres.
Les prix en monnaie sont toujours les quantités unitaires de monnaie en
marchandise convenues entre les parties.
Le "titre financier" en monnaie dénomme un (acte d')échange de
choses (monnaie et autre type de chose) entre un prêteur et un emprunteur «
de monnaie », nécessairement individus (et non pas populations), qui donne
lieu à taux d’intérêt (cf. ce billet de novembre 2013).
Il est nécessairement indirect et peut faire intervenir un intermédiaire
entre les parties, en plus de la monnaie.
Reste que, quand les accords d'échange ont abouti et sont réalisés, les
échanges sont des quantités de marchandises et de monnaie, et des taux
d'intérêt qui ne sauraient être dissociés.
A la différence des prix en monnaie qui désignent des taux d’échange
convenus, les taux d’intérêt en monnaie convenus n'ont pas de nom particulier
autre pour désigner les quantités unitaires de monnaie non encore abouties
(prêt et emprunt) qu'ils sont. On peut le regretter.
4. Issues provisoires de la « théorie de la valeur ».
Bref, au total, fin XIXème siècle, il y avait la « valeur » avec un grand
« V », objet de la « théorie de la valeur », et sa division en tous les types
de « valeur » précédents, « résultats des actions humaines ex post » inclus.
Mais la « théorie de la valeur » ne s’est pas arrêtée à ce stade.
De même qu’on peut considérer qu’elle a été développée, tacitement ou non,
par nos auteurs en parallèle avec des innovations physico-chimiques qui ont
vu le jour à partir du XVIIIème siècle (articulées sur matérialité et durée)
et qu’ils reprenaient,
de même, au XXème siècle, elle l’a été avec des innovations des autres
sciences, a fortiori, ignorées tant de Pareto que de Smith , et très
compliquées pour l’homme de la rue.
a. La durée et la matérialité.
Entre temps, conséquence indirecte de la notion de « durée » de Smith et
conséquences directes des sciences physiques, les notions d’« énergie » ou d’
« entropie » avaient vu le jour en sciences physico-chimiques et ailleurs.
Conséquences physico-chimiques directes de la notion de « matérialité »,
Dimitri Mendeleiev (1834-1907) a inventé le « tableau périodique des éléments
» et d’autres physico-chimistes les trois « états de la matière » (solide,
liquide et gazeux), devenus quatre aujourd’hui, au XXIème siècle, avec la
notion discutée de « plasma »…
Conséquences indirectes, Henri Bergson (1859-1941) a expliqué dans son
ouvrage intitulé Matière et mémoire (1896) que, philosophiquement,
la notion de « matière » était antérieure à l’alternative entre réalisme et
idéalisme, laquelle était elle-même antérieure à l’alternative entre
existence et apparence.
Dans ces conditions, il était donc difficile de concevoir sereinement la
notion de « matière ».
b. La notion d’« information ».
Et un domaine de la physique, lui-même controversé au sein des physiciens,
est parvenu à mettre le doigt sur une nouvelle notion, à savoir la notion d’«
onde » (mécanique ondulatoire, électromagnétisme, etc. ), en opposition avec
celle de « corpuscule », type de « matière », et il en est arrivé à procéder
à sa mesure en termes numériques « binaires » et non plus « analogiques » .
Il me semble qu’en est résultée l’apparition de la notion d’ « information
» en économie politique.
Le nouveau grand type de « valeur » évoqué par des économistes,
consciemment ou non, est ainsi la notion d’"information" …
Il est différent, par nature, des types de « valeur » qui avaient précédé
sa transposition de la physique.
Et le mot « information », après celui de « consommation », a envahi la
seconde moitié du XXème siècle.
L'information » ne saurait être confondue avec les autres types de «
valeur » avancés ci-dessus comme, par exemple, le « service » (cher à Arrow,
1962, et ses disciples) .
Il s’agit aujourd’hui de la juxtaposer à tous ces types de « valeur »
connus, voire de faire qu’elle les contienne, et non pas de l’enfouir, sans
raison, dans certain qui existait auparavant, économiquement.
Et les propos des économistes « autrichiens » sur le sujet sont édifiants.
Je n’en veux pour preuve que les écrits de Friedrich von Hayek sur le
sujet du « cycle économique », « onde » ou « oscillation » d’un point de vue
géométrique…, depuis la décennie 1930 et, en particulier, ceux de 1933 ou
1937, mais surtout celui de 1945 intitulé " target="_blank";The Use of
Knowledge in Society" .