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Je vous propose
ci-dessous le texte d'un exposé que j'ai eu l'heur de faire au
Congrès du "C.D.C.A. Européen" (C.D.C.A. pour Centre
de défense des commerçants et artisans), le 10 novembre 1997,
à Avignon.
Je l'ai retrouvé en classant des archives et je le reproduis car il
est toujours d'actualité. Rien à y changer, mais tout
à faire pour s'étonner du silence gardé sur les
professions de commerçants et artisans à l'occasion de la
réforme actuelle du système des retraites de base obligatoires
en France.
Le texte est d'autant plus d'actualité qu'y figurent des citations
d'hommes politiques toujours et encore d'actualité que je veux vous
faire partager tant elles méritent d'être connues et
n'être pas oubliées.
Plan de l’exposé.
I.
L'organisation de la sécurité sociale en France n'a pas
d'unité.
1) Des régimes et des caisses disparates.
2) Le régime général n'a rien de général.
3) Vos régimes obligatoires sont spéciaux.
II. L'organisation de la sécurité sociale en France n'a pas
l'unité qu'on croît.
1) L'obligation juridique.
2) L'organisation de la sécurité sociale en France a
été voulue consciente et dirigée.
a) Le premier inspirateur : des idéologies,
b) Le second inspirateur : des expériences
étrangères.
III. Résultat actuel de l'organisation de la sécurité
sociale en France : proche de la faillite...
IV. Que sont devenus dans le monde les exemples pris comme
références hier ?
1) Résultats des organisations nationales de la sécurité
sociale à l'étranger.
2) Action des gouvernements ou législateurs nationaux en
conséquence.
V. Quelles actions mènent aujourd'hui gouvernement ou
législateur en France ?
1) La prolongation de l'erreur passée
2) L'approfondissement de l'erreur passée avec l'étatisation
3) Le maquillage
a) la rhétorique.
b) le terrorisme intellectuel.
VI. Conclusion : un moment tragi-comique
1) le gouvernement ou le législateur sont incohérents en
France.
2) La S.S. et l'Euro sont incompatibles
Nous supportons en France une organisation dénommée
"Sécurité sociale".
Cette organisation est placée sous tutelle de l'Etat, mais elle est en
marge de celui-ci. A ce titre, elle est para-étatique. Pour sa part,
malgré ce que certains veulent bien dire, l'Etat n'est pas garant de
la Sécurité sociale.
La Sécurité sociale d'ailleurs n'est pas une organisation
unitaire comme peut l'être, par exemple, l'Etat.
I. L'organisation de
la sécurité sociale en France n'a pas d'unité.
L'organisation de la sécurité sociale en France comporte maints
régimes différents. Par exemple, en 1987, il était admis
officiellement qu'il y avait, en matière d'assurance-vieillesse, une
vingtaine de régimes de base obligatoire qu'on pouvait regrouper en
trois blocs.
1. Des régimes
et des caisses disparates.
Mais que faut-il entendre par "régime" ?
Un régime est, très schématiquement, un ensemble
d'organismes ou de caisses auxquels nous avons l'obligation de verser des
cotisations.
Le cas échéant, ces organismes nous verseront des prestations
(maladie ou vieillesse) que nous sommes obligés d'accepter.
En 1987, officiellement, on relevait que "la"
Sécurité sociale est constituée en France par un grand
nombre de caisses (de l'ordre de 540) et emploie un peu moins de deux cent
mille personnes. Les caisses ne peuvent être mises en concurrence par
les cotisants (sauf rarissimes exceptions). Elles sont organisées en
des régimes qui ont, chacun, à son sommet, une caisse nationale
de compensation.
2) Le régime
général n'a rien de général.
Un régime domine les propos des uns et des autres. C'est le
régime auxquels les journalistes ou les hommes politiques se
réfèrent, explicitement ou non : à savoir le
régime général (il y a, paraît-il, 14,4 millions
de cotisants) 1).
1) On rappellera que la population de la France est de l’ordre de 58
millions de personnes.
Ce régime a été imposé en 1945. Il concerne les
"salariés de l'industrie et du commerce du secteur non agricole
et leur famille".
Il n'a donc rien de général. Il n'est pas universel.
3) Vos régimes
obligatoires sont spéciaux.
A l'opposé du "régime général" sur
l'échiquier de la "Sécurité sociale", il y a
les régimes des personnes dénommées "travailleurs
indépendants", c'est-à-dire vos régimes
obligatoires (vous êtes 2,3 millions de cotisants). Peu de journalistes
en parlent.
Ou alors il est question sous l'appellation fallacieuse de
"régimes spéciaux"... de parler, par exemple, de l'un
ou l'autre des trois régimes de fonctionnaires (d'Etat, territoriaux,
hospitaliers) sous prétexte qu'il y a plus de cinq millions de
fonctionnaires cotisants au total.
Tout est alors mélangé, ambigu.
On remarquera qu'au départ, en 1945, le "régime
général" devait être étendu progressivement
à toute la population vivant en France. Son extension devait se faire
en fonction de la croissance de la production. Mais il y a eu opposition.
Une extension fut faite néanmoins rapidement en 1946 dans le domaine
des prestations familiales (en fait prolongement de 1939).
Puis des lois de 1948, 52 et 55 qui avaient en ligne de mire les
"travailleurs indépendants" ont édicté des
organisations obligatoires autonomes en vieillesse-retraite qui
définissent:
- le régime des exploitants agricoles,
- les régimes des industriels et commerçants (dont la caisse
nationale de compensation est l'ORGANIC),
- le régime des artisans (dont la caisse nationale de compensation est
la Ca.N.C.A.V.A.),
- les régimes des professions libérales (dont la caisse
nationale de compensation est la C.N.A.P.V.L.):
"les
caisses sont soumises au mêmes contrôles administratifs que le
régime général sous réserve de dispositions
particulières" (Doublet, 1972, p.499) 2)
2) Doublet, J. (1972), Sécurité
sociale, Presses universitaires de France (Coll. Thémis),
5è éd. mise à jour, Paris, 816p.
Elles sont des
organismes mutualistes soumis au contrôle de l'administration.
Enfin, une première loi de 1961 qui avait en ligne de mire les
exploitants agricoles a édicté une organisation obligatoire
autonome en assurance-maladie.
Et les lois de 1966 et 1970 ont édicté une organisation
obligatoire autonome unique en assurance-maladie qui regroupe industriels,
commerçants, artisans, professions libérales : la caisse de
compensation nationale en est la Ca.N.A.M.
[Seule modification importante à apporter au texte original :
"Ces régimes ont été fusionnés en 2005 dans
un régime nouveau dénommé R.S.I. pour
"régime social des indépendants" (cf. ce
texte)]"
Bref, l'organisation de la S.S. en France n'a aucune unité et cela
malgré, d'une part, ce qui a été voulu à
l'origine par ses constructeurs - sur lesquels je vais revenir - et, d'autre
part, ce que certains veulent faire croire aujourd'hui.
A cet égard, la campagne de publicité de la Caisse nationale de
sécurité sociale-vieillesse des salariés (C.N.A.V. du
régime général) qu'on peut entendre actuellement sur les
ondes des radios est édifiante : ne parle-t-elle pas, en particulier,
à son propos, de "régime universel et solidaire"?
C'est de la désinformation...
II. L'organisation
de la sécurité sociale en France n'a pas l'unité qu'on
croit.
1) L'obligation
juridique.
En vérité, si l'organisation de la sécurité
sociale en France a un trait qui peut lui donne une certaine unité,
celui-ci tient dans l'obligation juridique d'être membre d'un
régime.
Quiconque travaille en France est assujetti à l'un des régimes.
Tout se passe comme si nous étions des sujets de sa majesté
"Sécurité sociale".
Nous devrions donc parler de régime obligatoire et non pas simplement
de régime et cela n'est pas une simple façon de parler.
Si nous ne vivions pas dans un monde où le mensonge est le roi et la
Sécurité sociale la reine, nous ne parlerions pas de
régimes, mais de régimes obligatoires.
2) L'organisation de
la sécurité sociale en France a été voulue
consciente et dirigée.
L'organisation de la S.S. que nous supportons en France a un second trait qui
lui donne une unité : elle ne résulte pas du hasard. Elle a
été construite (au sens premier de ce terme) de façon
consciente et dirigée par les architectes que se sont voulus
être les hommes politiques et le législateur. On dirait
aujourd'hui que l'organisation a été le résultat d'une
politique "volontariste".
Leur plan a procédé de deux sources : des idéologies et
des expériences étrangères.
a) Le premier
inspirateur : des idéologies.
Plusieurs idéologies ont servi l'inspiration des architectes
français de 1945 et d'après.
1° - l'idéologie communiste du début du XlXème
siècle et les prétendus abus du capitalisme ou du droit de
propriété (avec Proudhon ou Marx);
2° - l'idéologie de Bismarck de la fin du XlXème
siècle : la protection contre le "risque social" ;
3° - l'idéologie du catholicisme social de la même
époque (solidarité sociale obligatoire)
4° - l'idéologie bolchevique du marxisme léniniste (la
dictature du prolétariat contre les abus de pouvoir).
Si l'on en croit Dupeyroux :
"On
retrouve [l'expression sécurité sociale] dans la proclamation
du premier congrès national du parti des travailleurs italiens,
Genève, 1894. (v. Cannella, loc. cit., p.9)
ainsi que dans un décret du Conseil des commissaires du peuple de la
République socialiste soviétique de Russie en date du 31
octobre 1918."(Dupeyroux, 1986,p.4n) 3)
3) Dupeyroux, J.-J. (1986), Droit
de la sécurité sociale, Dalloz, 10e éd.,
Paris, 1150 p.
5° -
l'idéologie peu souvent cité de Simon Bolivar.
Si l'on en croit encore Dupeyroux :
"Selon
M. Miguel Garcia Cruz, l'expression elle-même aurait été
employée pour la première fois par Simon Bolivar
déclarant :
'le système de gouvernement le plus parfait est celui qui engendre la
plus grande somme de bien-être, la plus grande somme de
sécurité sociale et la plus grande somme de
sécurité politique'.
Voir Miguel Garcia Cruz, "Le concept de sécurité sociale
dans les pays d'Amérique Latine", Bull Ass. int. Sec. soc., 1951, n°6,
p.211". (ibid.)
6° -
l'idéologie de de Man, le planisme et l'action sur le futur.
Le planisme est une des modalités de l'économie dirigée.
Au lendemain de la guerre de 14-18, il a pris la forme d'un système
que certains considèrent scientifique et doctrinal. Auparavant, il
n'était pour tous qu'un amalgame de mots et d'idées
"incohérents".
Le planisme est d'origine belge, il est né sous l'inspiration de M. de
Man.
7° - l'idéologie de Beveridge :
les prétendus échecs du marché et la garantie d'un
minimum vital.
8° - l'idéologie de Roosevelt :
C'est en 1935, le “Federal Social Security Act” qui introduit un
système fédéral - étatique - en matière de
retraite obligatoire.
Le fait est qu'avec le temps, des principes de départ sont
oubliés et qu'en particulier, dans la décennie I960, certains
constatent que le gouvernement fédéral utilisent les
cotisations obligatoires de retraite à la fois pour satisfaire ses
dépenses quotidiennes et pour verser des pensions. Il faudra attendre
1965 pour qu'un début de système d'assurance-maladie,
dénommé "Medicare insurance", soit ajouté.
On remarquera en passant qu'alors que pour la plupart des Français,
"la" sécurité sociale était synonyme
jusqu'à ces derniers temps, d'”assurance-maladie”, pour
les Américains, leur organisation de sécurité sociale
est synonyme d'”assurance vieillesse”...
9° - l'idéologie du plan.
L'idéologie du plan a été soutenue en France par des
esprits brillants, tels que M. Emile Roche et M. Marcel Déat ou les
membres du "groupe X crise" de l'Ecole Polytechnique. Elle s'est
étendue rapidement.
Le plan n'est pas le planisme, et bien plus :
"Le
Planisme importe plus que le Plan ! ".
C'est ce que
Marcel Déat écrit dans la décennie 1930 dans la
préface du livre intitulé Le
Plan français.
En 1938, il aura déjà été question en France du
"Plan du Travail", du "Plan de la C.G.T.", du
"Rassemblement pour le Plan", et du Plan français auquel je viens de
faire allusion.
Puis ce sera le "plan du C.N.R." (Comité
national de la résistance).
10° - Etant donné cet ensemble d'idéologies qui parfois se
recouvrent, fleurira le "plan de la Sécurité sociale"
(dont le maître d'oeuvre est Pierre Laroque) en 1945 qui donnera le
coup d'envoi à ce que nous connaissons aujourd'hui en
France.
b) Le second inspirateur
: les expériences étrangères.
Le second grand inspirateur de ceux qui ont construit l'organisation de la
sécurité sociale en France a tenu dans les applications de ces
diverses idéologies dans certains pays.
Et ce sont les expériences de l'Allemagne, l'Italie, l'U.R.S.S., les
pays d'Amérique latine, l'Angleterre, les Etats-Unis, voire les pays
d'Amérique du Sud comme le Chili, ou ceux d'Europe Scandinave comme la
Suède ou le Danemark, pour ne pas parler de ceux des antipodes comme
la Nouvelle Zélande.
Toutes ces applications donnent lieu à des organisations
étatiques unitaires et non pas paraétatiques disparates.
III. Résultat
actuel de l'organisation de la sécurité sociale en France :
proche de la faillite...
L'organisation de la sécurité sociale en France connaît
aujourd'hui :
- d'un côté un chômage et des difficultés ou
faillites d'entrepreneurs croissant et - de l'autre des déficits de
plus en plus importants,
et cela malgré
- des cotisations, voire des impôts, en augmentation incessante,
- des prestations en diminution incessante ou
- des privations croissantes de liberté individuelle de faire ce
qu’on veut avec ce qu’on gagne..
Au vu de ces résultats, on peut conclure que le législateur
français a fait une erreur, hier, en écoutant les
sirènes idéologiques ou étrangères, si on suppose
qu'il les a écoutées.
Il reste que le régime général a toujours connu des
difficultés dans le passé, dès la décennie 1950,
en matière de sécurité sociale-maladie, d'où les
réformes de 1960, puis en “sécurité sociale
maladie” et en “sécurité sociale-vieillesse”
d'où la grande réforme de 1967 et les réformes qui vont
suivre (en particulier, l'apparition de la "Convention
médicale" au début de la décennie 1970, la
première d'une longue série).
IV. Que sont devenus
dans le monde les exemples pris comme références hier ?
1) Résultats
des organisations nationales de la sécurité sociale à
l'étranger.
Mais que s'est-il passé dans le monde, ces dernières
années ? Que sont devenus les exemples d'hier ?
Ceux-ci ont connu dans un passé plus ou moins récent le
résultat que connaît aujourd'hui la SS en France : qu'il
s'agisse du Chili, de l'U.R.S.S., de l'Angleterre, de la Nouvelle
Zélande, des pays d'Amérique latine, de l'Angleterre, des
Etats-Unis, de l'Allemagne, de la Suède, de la Hollande. Et cela tant
en maladie qu'en vieillesse.
2) Action des
gouvernements ou législateurs nationaux en conséquence
Face à la situation, les gouvernements et législateurs ont mis
en oeuvre des réformes importantes : on parle ainsi beaucoup
aujourd'hui de la réforme au Chili depuis 1981 tant en
sécurité sociale maladie qu'en sécurité sociale
vieillesse, ne parlons pas de l'U.R.S.S. qui a disparu - qui l'aurait
imaginer, il y a dix ans ?
Mais tous les autres pays que j'ai cités jusqu'à présent
ont engagé des réformes importantes en assurance-maladie ou en
retraite.
Elles se résument en général à un retrait de
l'Etat de l'organisation de la sécurité sociale nationale,
à un abandon de la prétendue technique pour ne pas parler de la
disparition pure et simple de l'U.R.S.S.
V. Quelles actions
mènent aujourd'hui gouvernement ou législateur en France ?
1) La prolongation de
l'erreur passée.
Malgré le tourbillon mondial de la réforme des organisations
nationales de sécurité sociale à l'étranger, les
gouvernements et législateurs se suivent en France et
témoignent d'une fixité pour le moins étonnante et
désespérante.
J'aurai tendance à dire que plus ça change, plus c'est pareil.
2) L'approfondissement
de l'erreur passée
Tout se passe comme si le gouvernement ou le législateur français
cherchait à purifier l'organisation de la sécurité
sociale en introduisant davantage l'Etat (C.S.G., C.R.D.S.) et en faisant
ainsi disparaître le caractère para-étatique.
Le gouvernement ou le législateur français approfondit en fait
l'erreur du passé.
C'est évident avec l'assurance-maladie universelle.
L'idée d'assurance-maladie universelle sort apparemment d'un rapport
du Commissariat au Plan, de Raymond Soubie (juillet 1993), qui propose pour
2010 un régime unique et universel d'assurance maladie, financé
par l'ensemble des revenus de tous, un contrôle parlementaire des
dépenses et une organisation très décentralisée
de la santé.
Le ministre des affaires sociales, Jacques Barrot, ne déclarait-il pas
encore au Figaro
en décembre 1996 :
“Nous
serons amenés à consacrer la méthode engagée,
dont vous me permettez de souligner l'originalité.
Il s'agit d'offrir aux partenaires sociaux un dialogue permanent [...] trois
ordonnances qui vont engager des réformes structurelles sont encore
à mettre au point ; par exemple, l'architecture des caisses, leur
liaison avec l'Etat ou la mise en place de nouveaux instruments de gestion
hospitalière.
Il nous faut donc forger ensemble les bons dispositifs, les outils de
pilotage, l'articulation des responsabilités.”
Quant au ministre
actuel de l'emploi et de la solidarité, Madame Aubry, elle prolonge
les mesures du Plan Juppé en matière médicale, ce qui
fait écrire à Béatrice Taupin dans le Figaro (21.12.1995) :
“Martine
Aubry conforte ceux qui, de la C.F.D.T. au C.N.P.F. en passant par la
Mutualité et les généralistes M.G., ont soutenu la
réforme Juppé et prend le risque d'ouvrir les hostilités
avec la C.S.M.F. et ses alliés (F.M.F., S.M.L.) qui en qualifiaient la
perspective de 'provocation'”
C'est moins
évident avec la retraite.
Certes, il y a eu l'institutionnalisation de la retraite à 60 ans au
début de la décennie 1980, mais en 1993-95, il y a eu
allongement de la durée de cotisations
3) Le maquillage
Pour asseoir son action, à défaut de faire
référence à des idéologies ou des exemples
étrangers comme hier, le personnel politique ou le législateur
font en France de la rhétorique ou du terrorisme intellectuel.
a) la rhétorique.
En matière de rhétorique, son point de départ est qu'il
y a des "acquis sociaux". Il fait valoir qu'il y aurait des gains
nets pour vous et moi.
En quoi consistent ces acquis plus précisément ?
Aucun d'entre eux ne les définit.
Mais ils ajoutent:
- ce serait pire si la sécurité sociale n'existait pas ;
- la sécurité sociale est une nécessité.
Ils ont néanmoins abandonné néanmoins le leitmotiv : la S.S.
française nous est enviée par le reste du monde.
J'opposerai aux acquis sociaux non définis, c'est-à-dire aux
droits acquis par les privilèges donc arbitraires, les droits conquis
par les mérites et les efforts de chacun, c'est-à-dire ceux que
l'organisation de la sécurité sociale nous enlève.
Je rappellerai que, dans le passé, certains faisaient valoir, au lieu
des acquis sociaux, la sécurité, ce qui fit écrire
à Pareto au XIXè siècle :
"Le
maintien de l'ordre et de la sécurité étant le plus
pressant besoin des sociétés, les spoliateurs s'en sont servis
et s'en servent couramment comme de prétexte pour assurer le
succès de leurs opérations" (Pareto, §1065) 4)
4) Pareto, V. (1896-97), Cours
d'économie politique, 2 tomes, dans Bousquet, G.H. et
Busino, G. (Ed.), Oeuvres
complètes de Vilfredo Pareto, tome 1 -. Cours d'Economie politique,
Librairie Droz, Genève, nouvelle édition 1964, 430 p et 426 p.
On peut
réécrire aujourd'hui la phrase de Pareto en remplaçant
sécurité par acquis sociaux.
b) Le terrorisme
intellectuel.
Pour asseoir son action, et à défaut de faire
référence à des idéologies ou des exemples
étrangers comme hier, à bout d'arguments, les hommes politiques
ou le législateur français pratiquent aussi le terrorisme
intellectuel.
Je laisse de côté les lois scélérates dont on a eu
l'occasion de parler.
J'insisterai aujourd'hui sur les phrases à remporte-pièce de
certains auxquelles attacher de l'importance serait une perte de temps s'ils
n'étaient, quand ils les prononcent, ministre ou porte-parole du
gouvernement.
Un exemple est édifiant.
Le 26 août 1995, le porte-parole du gouvernement Juppé,
François Baroin, a déclaré :
“dénoncer
les acquis sociaux, c'est accroître la fracture sociale”
Ce jour
là, il avait oublié que : bien mal acquis ne profite jamais.
Mais peut-être ne le sait-il pas ou son expérience personnelle
lui enseigne-t-elle l'opposé ?
VI. Conclusion : un
moment tragi-comique
Pour conclure sur une note optimiste, je dirai que nous vivons finalement un
moment comiquo-tragique ou tragi-comique.
1) Le gouvernement ou
le législateur sont incohérents en France.
En effet, le législateur et le personnel politique sont
incohérents en France pour autant qu'il cherche,
- d'une part, à organiser la sécurité sociale toujours
dans le même sens jacobin et étatique, et
- d'autre part, à vouloir instaurer en France la monnaie unique
européenne dénommée "Euro".
2) La
sécurité sociale et l'Euro sont incompatibles.
L'organisation de la sécurité sociale en France qu'ils font
évoluer dans le mauvais sens, celui du toujours plus d'Etat et
d'obligations, sens opposé à celui qui est suivi dans le reste
du monde, est incompatible avec l'organisation monétaire de l'Euro qui
doit voir le jour en France prochainement dans la période 1999-2002.
Quelques raisons :
Malgré les grands défauts qu'il comporte, l'Euro n'exclut pas
la liberté et la concurrence comme y procède la S.S.
Les régimes obligatoires de retraite sont un obstacle à la mobilité
des travailleurs, l'Euro vise au contraire à la favoriser.
Les retraites ne sont pas provisionnées par l'organisation de la
sécurité sociale. Cette situation comptable des régimes
obligatoires de retraite est inqualifiable et insoutenable du point de vue de
l'Euro.
Nous sommes en effet à un moment où, par exemple, les banques
doivent avoir des capitaux propres en harmonie avec un ratio comptable, le
"ratio Cooke", où les mutuelles doivent mettre en harmonie
leur statut avec le droit communautaire pour ne pas parler des
critères de Maastricht.
"il
y a toujours dans la vie des régimes un moment tragi-comique où
ils dénoncent comme une trahison toute tentative de les sauver."
(Ernst Jünger, cité par J.F. Revel dans Le Point du 13 avril
1996)
Je
pense que c'est le moment que nous vivons.
Je vous remercie de votre attention.
Post dictum.
Texte édifiant, n'est-ce pas, ... à près de treize ans
d'intervalle!
Georges Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de
Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du
séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi
les très rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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