Ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui a posé un problème aux
hommes de l'Etat depuis toujours.
Avec la pseudo monnaie dénommée "€uro",
qui a résulté de l'imagination de certains absurdistes, nous vivons le
dernier grand débat en date qu'aucun marché politique ne pourra jamais
résoudre.
Puissent les hommes de l'Etat le comprendre un jour, avant qu'il ne soit trop
tard.
1. De Locke à Keynes.
Jusqu'au XVIIe siècle, les hommes de l'Etat avaient mis la main sur les
pièces de monnaie et certains commençaient à s'accorder une banque à
privilèges - qui deviendra par la suite "banque centrale" -, pour
gérer leurs affaires.
A l'époque, le gouvernement des Etats Unis d'Amérique ne donnaient guère lieu
à commentaire.
Quant aux pièces de monnaie, elles existaient depuis la nuit des temps, mais
sous des formes limitées et de plus en plus élaborées.
En 1691, John Locke s'opposait néanmoins à Perry sur la proposition de
celui-ci de faire que le gouvernement anglais fixât un niveau maximum au taux
d'intérêt (cf. le texte Some Considerations of the Consequences
of the Lowering of Interest and Raising the Value of Money).
A cette occasion, Locke réaffirmait sa position que la monnaie avait deux
valeurs:
- l'une dite "d'échange" qui est fonction des échanges économiques
- de la proportion de l'abondance, ou de la rareté, de la monnaie à
l'abondance, ou à la rareté, des biens économiques - et
- l'autre dite "d'usage" qui est fonction du taux d'intérêt -
revenu de même nature que celui de la terre dénommé "rente" -.
Tout cela nous est rappelé par le "magicien de Cambridge", à savoir
John Maynard Keynes, dans le chapitre XXIII intitulé "Notes sur le
mercantilisme, les lois contre l'usure, la monnaie estampillée et les
théories de la sous-consommation" de son livre intitulé Théorie
générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie.
Peu importe que Keynes nous fasse connaître son sentiment sur ce qu'il faut
penser de ce qu'a écrit Locke, nous n'en avons cure.
Avec le XVIIIè siècle, les coupures de billet en papier proposés par des
banques qu'on pouvait juxtaposer aux pièces de monnaie et la "révolution
française" (assignats et autres mandats) en particulier, les
méfaits des billets bancaires manipulés par les hommes de l'Etat ont fait
connaître leurs effets destructeurs.
Pour sa part, les Etats Unis avaient fait connaître leur Constitution.
2. Pour sa part, Vilfredo
Pareto...
Avec le XIXè siècle, les dépôts bancaires qu'on juxtaposait ainsi aux
pièces de monnaie et aux billets bancaires convertibles en monnaie or ou
argent et la monnaie réglementée de l'Angleterre qui redevenait convertible
en 1823, une sérénité monétaire semblait être revenue: les prix en monnaie
des monnaies réglementées nationales restaient stables.
Et les Etats Unis se développaient.
Tout cela n'empêche pas le gouvernement de tel ou tel pays d'essayer de
trouver des artifices autres que l'intérêt maximum.
N'oublions jamais que, selon Vilfredo
Pareto (1896-97), à la fin du XIXè siècle:
"On a une vraie monnaie lorsque les prix résultent d'échange absolument
libres [...]
Toutes les fois que cette conclusion n'est pas remplie, on n'a [...] [pas]
une vraie monnaie. §270
[...]
Toute monnaie qui n'est pas de la vraie monnaie est ou de la monnaie
fiduciaire ou de la fausse monnaie.
C'est de la monnaie fiduciaire si chaque individu l'accepte et la donne de
plein gré [...]
C'est de la fausse monnaie si elle est mise en circulation ou maintenue en
circulation par la fraude ou par la violence, même légale. §271
[...]
Entre la monnaie fiduciaire et la fausse monnaie monnaie se trouve la monnaie
qui a cours légal, mais qu'on peut changer à volonté au pair contre la vraie
monnaie. §274
[...]
Le cours forcé de la monnaie fiduciaire peut s'établir de deux manières.
En obligeant les créanciers à la recevoir tout en laissant libres les
débiteurs de payer en monnaie métallique si cela leur convient;
ou bien en obligeant les débiteurs à employer la monnaie fiduciaire et les
créanciers à la recevoir. §498"
Ce dernier point est très important: la réglementation des créanciers ou des
débiteurs en matière de cours forcé de la monnaie fiduciaire rejoint
l'intérêt maximum.
Plutôt que de parler de l'intérêt maximum, on pourrait parler de cours forcé
d'une monnaie fiduciaire ou, plus simplement, de fausse monnaie, ce qu'on
connaît aujourd'hui.
De même que Keynes n'évoquait pas Pareto dans son livre, de même il a oublié
de faire le point sur tous les excès qui ont contribué à détruire ce qu'il
dénommait, malgré tout, en 1936, près de 250 ans après Locke,
"monnaie" et qu'une connaissance minimum des écrits de Pareto lui
aurait évité.
3. Quantité de pièces de
monnaie et d'autres formes de monnaie.
Keynes avait oublié encore de dire qu'en 1691, la monnaie dont parlait Locke
était une quantité de pièces de monnaie - en or, en argent, etc. - qui ne
soulevait pas de difficultés à la compréhension et dont aucun banquier
n'avait la simple existence de l'offre.
Tout va alors changer.
Les premières grandes formes de monnaie dénommées "coupures de
billet" en papier qui se juxtaposeront à la quantité précédente, verront
le jour quelques temps plus tard, au XVIIIè siècle, du fait de la recherche
des innovateurs.
Quant aux organismes chargées de les proposer, les innovateurs prendront soin
de mettre en oeuvre des banques encadrées par des règles de droit bien
précises.
Est ainsi caché que ces nouvelles formes de monnaie et d'organismes iront de
pair avec des règles de droit, elles aussi bien précises, comme, par
exemple, la couverture des billets en monnaie or ou argent et leur
convertibilité à taux fixe, et à la demande de celle-ci.
Puis, à leur tour, ces formes de monnaie "pièces de monnaie" et
"billets bancaires" en connaîtront d'autres comme les "dépôts
bancaires".
Et les gouvernements se chargeront de réduire à néant couverture et
convertibilité, sans connaissance digne de ce nom des objets juridiques
calcinés.
4. La banque centrale occulté.
Est occulté, en particulier, le rôle que ce qu'on dénomme aujourd'hui
"banque centrale" allait acquérir ici ou là dans le monde et que
n'évoquait pas Keynes de façon significative.
La réglementation n'a rien à voir avec l'innovation. La réglementation
qu'était la banque centrale n'était pas une innovation, mais un camembert à
privilèges comme peut en témoigner toute étude du sujet bancaire.
Soit dit en passant, regardez ce qui se passe aujourd'hui encore avec les
dernières dérives bancaires de la France, en 2013: Mme. Royal et M. Huchon,
nommés vice présidents de la "Banque publique d'investissement" -.
Quelles compétences?
Longtemps, jusqu'au début du XXè siècle, la politique première du
gouvernement avait été le taux d'escompte que la banque centrale fixait à sa
façon aux banques de second rang national pour lui acheter les titres
financiers qu'elles offraient.
Rien ne justifie de faire l'hypothèse admise par beaucoup à la suite de
Keynes que l'offre d'une monnaie règlementée était aux mains du banquier
central.
Malgré tout, les gouvernements ont acquis ou se sont donnés, sans quelque
compétence que ce soit, des politiques directs ou des rôles indirects pour y
subvenir (cf. par exemple le propos précédent donné).
En raison des diverses conjonctures subies par les populations des pays en
temps de paix comme en temps de guerre, des résultats ont été montés en
épingle et ont donné lieu à maintes variations énigmatiques.
Une chose est certaine : les règles de droit à la base des formes de la
"monnaie" et des organismes dénommés "banques" ont été détruites progressivement par les gouvernements.
Force est de constater qu'ils ont continué depuis lors la destruction (cf.
par exemple ce billet de
novembre 2010).
5. Des vraies règles
juridiques aux fausses règles.
Etant donné les difficultés précédentes et leurs incompétences économiques,
des gouvernements en sont arrivés à s'entendre les uns avec les autres au XXè
siècle, au travers de conférences monétaires internationales (la
première étant celle
de Gènes, 1922), et à faire valoir des absurdités de diverses natures que
vous et moi sommes tenus de vivre en permanence.
C'est l'originalité du XXè siècle.
Essentielles dans le système monétaire, nationale ou internationale, sont:
- l'interdiction de la couverture "contractuelle" des substituts de
monnaie bancaires - billets et dépôts bancaires - dans la monnaie or ou
argent nationale,
- celle de la convertibilité des substituts de monnaie bancaires dans la
monnaie nationale (convertibilité dite "intérieure") et
- celle de la convertibilité d'une monnaie nationale dans une autre
(convertibilité dite "extérieure").
Ce qu'on dénomme "monnaie " aujourd'hui - et qu'on devrait dénommer
"substituts de rien bancaires" (cf. par exemple ce billet de septembre 2012) - n'a plus
de couverture bancaire, ni de convertibilité.
En vérité, Keynes s'était intéressé à ce qu'il dénommait "monnaie"
à un moment où les gouvernements des Etats des pays tendaient à faire oublier
le privilège donné à leur banque centrale et à interdire la convertibilité
intérieure de leur monnaie, i.e. la décennie 1930.
Depuis lors, les gouvernements ont rapporter la
convertibilité extérieure à la convertibilité intérieure: il n'existe plus de
convertibilité d'aucune sorte depuis 1971-73.
Une "liquidité" ou une "solvabilité" de nature comptable
est supposée, le cas échéant, empêcher telle ou telle banque de second rang
de tel ou tel pays de ne pas y déroger. Dérisoire!
6. Dernière fausse règle
en date.
Enfin, des gouvernements sont parvenus, depuis 1999-2002, à fusionner leur
"monnaie" dans une pseudo monnaie dénommé
"€uro" (cf. par exemple ce billet de janvier 2013).
Tel est un des deux éléments de la tragédie de l'€uro.
L'autre élément procède au début du XXIè siècle des instruments ou des
organismes qu'ils inventent pour "améliorer" - comme ils n'hésitent
pas à l'écrire - l'€uro à défaut qu'il s'effondre.
Ce n'est pas l'€uro seul qui pose problème, c'est aussi l'état des finances
publiques de chaque Etat de la zone €uro, de l'Union européenne, voire
d'autres pays à commencer par les Etats-Unis, à quoi ont conduit les hommes
de l'Etat.
Comme l'expliquait Pareto (cf. ci-dessus), le cours forcé d'une monnaie
fiduciaire - l'€uro, le dollar, etc. - peut s'établir de deux grandes
manières financières: obliger les créanciers ou bien obliger les créanciers
et les débiteurs.
Il y a donc une relation étroite entre le cours forcé et le taux d'intérêt
maximum du marché financier que les hommes de l'Etat peuvent établir dans
leur pays sans se soucier de la convertibilité extérieure en monnaie
métallique du cours forcé.
Mais, dans la situation actuelle du marché politique où personne d'un pays ne
saurait avoir une prédominance sur ces "collègues", les hommes de
l'Etat n'ont plus ces capacités de contraindre sauf à imaginer un super Etat,
ce qui est inimaginable.
Il n'y a certes plus de convertibilité métallique, mais il n'y a pas non plus
de privilège de monopole d'obligation (intérêt maximum ou autre...).
Grande différence, par exemple, entre l'€uro et la plupart des grandes
monnaies réglementées, la monnaie réglementée est en référence avec un Etat
alors que l'€uro va de pair avec des Etats différents, aux objectifs
nécessairement différents...
Non seulement, aucun Etat n'a d'importance sur le marché financier, mais
encore ce dernier lui tient lieu d'ancre.
Le marché financier s'est ainsi affranchi des privilèges de monopole de tel
ou tel Etat et, à l'occasion, peut montrer sa puissance par les variations élevées
qu'il fait connaître brutalement aux intérêts des dettes de tel ou tel Etat.
Certes, des gouvernements se sont acoquinés des économistes qui n'ont rien à
envier à leurs prédécesseurs et qui leur ont conseillé de faire monter au
firmament de l'actualité, des bestiaires du genre:
- la banque centrale était le "prêteur en dernier ressort" -
inventé par Walter
Bagehot au XIXè siècle - ou bien
- il y avait des banques
"too big to fail" - elles sont nombreuses
- ou bien
- il y avait un "risque
systémique".
Et ils pensent que ces concepts feront taire leurs opposants.
Ces économistes sont larrons en foire pour faire valoir ces faux concepts,
artifices gouvernementaux déplorables.
Reste la grande question : marché financier ou convertibilité monétaire
convenue ?
Pour l'instant, le marché financier mène le bal.