Il y a deux grands raisonnements fondamentaux en économie politique,
- l'un qui part des actions des personnes juridiques physiques, de vous et
moi, dans le monde d'ignorance où nous nous trouvons,
- l'autre qui fait intervenir des concepts de résultats de "marché"
qui cachent des offres, demandes, ajustements, et équilibres, voire
croissance... et qui situent au-delà de la limite imaginée par les
"savants constructeurs".
Malheureusement, le premier est peu suivi et l'autre, respecté, est
absurde.
En 1979, en conclusion du livre De l’imperfection en économie (Dunod), Henri Guitton les opposait en ces termes:
« Je me demande aujourd'hui si l'opposition que j'avais proposée entre
l'économie politique à l'image des sciences physiques et l'économie politique
science de l'action humaine [en 1952] ne garde pas sa valeur » (H.
Guitton, 1979, p.225)
Le débat continue toujours comme en témoignait une critique du livre (cf. le texte
de 1981).
1. L'"infini actuel".
J'ajouterai à ce qu'a écrit Guitton que le second raisonnement fait moins
penser à l'"image des sciences physiques" qu'à l'"infini
actuel" contre la "logique" de quoi s'élevait Henri Poincaré,
le grand mathématicien, au début du XXè
siècle (cf. ce texte de mai 2012).
L'"infini actuel", c'est la transposition du concept qu'avait
conçu Georg Cantor (1845-1918) en arithmétique pour désigner les concepts
d'équilibre ou de croissance en économie politique.
L'"infini actuel", c'est aujourd'hui la démarche irréfléchie des
économistes dominants qui se placent au-delà de la limite imaginée.
Insistons sur le point : l'expression désigne autant la croissance économique
que l'équilibre économique des marchés.
L'"infini actuel", c'est encore l'imagination infinie des
inspecteurs des finances de "Bercy", du ministère de l'économie et
des finances, qui se placent au-delà de celles-là et qui, à partir de
cette situation illusoire de ce qu'ils dénomment "société", ont la
prétention de dire ce qu'il faudrait faire et le font via toutes les réglementations
qu'ils concoctent ou font concocter.
2. La "boite de Vilfredo Pareto".
Au cœur du premier raisonnement, fortement atténué car il est question de
résultats d'action et non pas d'action, il y a la "boite de Vilfredo Pareto" - 1848-1923 - (imputé
malheureusement à Edgeworth et Bowley en général,
cf. ce texte de juillet 2014) qui
explique l'échange/"circulation" synallagmatique des marchandises
par les personnes juridiques physiques.
N.B.
a) Je préfère "synallagmatique" à "bilatéral" pour
essayer que le lecteur ne mette plus de côté, comme c'est l'habitude
résultant des commentateurs, le point de départ de l'économie politique,
à savoir les règles de droit.
b) On ne parle plus de "circulation" aujourd'hui, mais d'échange,
de négoce, de commerce, de "transaction" en biaisant ce dernier mot
anglicisé.
Sans "marchandise monnaie" supposée, la "boite de Vilfredo Pareto" explique, deux par deux, les
quantités de marchandises échangées et les prix relatifs, taux d'échange convenus
ou consentis, décidés par les personnes juridiques physiques.
Avec "marchandise monnaie" supposée, elle explique la quantité de
marchandise échangée, la quantité de marchandise monnaie en question, le prix
en marchandise monnaie de la marchandise convenue ou consentie ou la quantité
de marchandise monnaie unitaire, ces notions allant de pair pour la personne
juridique physique qui les a décidées.
3. L'"équation des échanges" d'Irving Fisher.
L'"équation des échanges" qu'a introduite en 1911 Irving Fisher
(1867 - 1947) dans son livre intitulé Le pouvoir d'achat de la monnaie
(original: https://fr.scribd.com/doc/8964852/Purchasing-...ing-Fisher-1911.
en français, target="_blank" http://www.universalis.fr/encyclopedie/le-...-de-la-monnaie/,
se déduit directement de la "boite de Vilfredo
Pareto" quand on passe de la personne juridique physique à une
population de personnes, puis d'un instant à une durée.
Soit dit en passant,
a) il convient de souligner que Fisher est muet sur Pareto dans le livre
quoiqu'il en fut plus jeune de près de vingt ans. On ne peut que s'en
étonner. Le connaître lui eut évité des erreurs.
b) Le livre a connu un succès tel auprès des économistes majoritaires
qu'aujourd'hui encore il donne lieu à des études statistiques (cf. par
exemple target="_blank" ce texte
de la Banque de Réserves de Saint Louis du 1er septembre 2014), .
La population des personnes donne lieu
- soit à des quantités de marchandises et des prix relatifs (c'est la théorie
de l'équilibre économique général chère aux mathématiciens depuis Wald,
décennie 1930, en passant target="_blank"par Arrow ou
Debreu, décennie 1950),
- soit à des quantités de marchandises, à la quantité de marchandise monnaie
en circulation, à des prix en marchandise monnaie ou à des quantités de
marchandise monnaie unitaires (c'est en particulier au centre de la théorie
macroéconomique des monétaristes).
La prise en considération de la durée a une conséquence directe sur la
situation précédente de la marchandise monnaie, c'est
celle d'introduire une équation du 1er degré à une inconnue, à savoir ce
que Fisher dénomme la "vitesse de circulation de la monnaie", bien
connu antérieurement.
L'équation en question est dénommée, quant à elle, par ses soins,
"équation des échanges".
Résolue, elle devient ou devrait devenir "égalité" ou, si on
préfère, "tautologie", ce qui n'est pas le cas.
4. La causalité erronée.
Contre toute attente, Fisher prend l''"équation des échanges",
résolue ou non, pour une causalité entre la quantité de monnaie et le
"niveau général des prix" ou le volume d'échange.
Soit dit en passant, dans son livre Théorie des phénomènes monétaires,
Jacques Rueff (1927) applique en partie ce qu'a écrit Fisher dans le sien.
C'est une hypothèse sans fondement, sinon celle de la "théorie de
la quantité de la monnaie" de ses prédécesseurs.
A sa façon statistiquo-économique, Fisher la rationnalise
mais ne fait pas disparaître son caractère erroné.
. Grande conséquence.
On ne peut exclure que cette prétendue causalité ait conduit des économistes
à faire l'hypothèse qu'à la quantité de la monnaie, on pouvait associer un
"marché de la monnaie" puisque celle-ci apparaît quelques temps
plus tard, dans les décennies 1920-1930, comme concept de la théorie
économique.
Le "marché de la monnaie" n'était plus l'ombre du "marché des
marchandises" comme il l'était, par exemple, chez J.S. Mill antérieurement
( target="_blank"cf. Principles of Political
Economy), mais un marché autonome qu'on
pouvait caractériser par une offre, une demande, un ajustement et un
équilibre et qu'on pouvait juxtaposer au "marché des marchandises"
(pour ne pas parler de "biens et services", cf. target="_blank" ce texte d'octobre
2014).
L'ensemble donnera lieu à la controverse articulée sur la loi de Say (cf.
livre de&n target="_blank"bsp;E.-M. Claassen, 1968
).
Et la controverse en arrivera à mettre l'accent sur un point qui a été avancé
au XIXè siècle par Léon Walras et qui consiste à
dire qu'il y a détermination mutuelle des marchés.
L'infini actuel est bien en place.
target="_blank"
5. L'opposition de Murray Rothbard
méconnue.
Pour sa part, près de cinquante ans plus tard, Murray Rothbard
s'opposera, à juste raison, dans son ouvrage intitulé Man, Economy and the State
(1962) à la démarche de Fisher à propos de l'introduction de la notion
de "niveau général des prix" dans l'équation et expliquera
pour quoi elle n'a aucune raison d'être économique.
Mais son propos n'est guère connu (cf. chap.11
"The Fallacy of the Equation
of Exchange").
Cet auteur, par exemple, démontre l'ignorance en question (cf. texte de 2011).
Reste que, malheureusement, les statisticiens n'ont de cesse de donner des
mesures au "niveau général des prix" depuis la décennie 1920.
target="_blank"
6. La prestidigitation de Milton Friedman.
Non seulement, Milton Friedman a laissé de côté ce qu'avait écrit Rothbard, mais encore il a extrapolé l'idée de Fisher en
transformant, sans réserve, la notion empirique des échanges de marchandises
convenus ou consentis par les personnes juridiques physiques en la notion
conceptuelle de "revenu/dépense".
Il en est arrivé à parler du "revenu nominal" (ou
"monétaire") du pays, du "revenu réel" (l'activité
économique) de celui-ci et du rapport entre les deux qu'il a dénommé
"niveau des prix" (cf. le texte de mars-avril 1970).
Et ainsi l'"équation des échanges" de Fisher est devenu une
"équation de revenu/dépense" de Friedman et des monétaristes où la
"vitesse de circulation des échanges" est une "vitesse de
circulation du revenu/dépense".
De fait, l'"équation de revenu/dépense" de Friedman et des
monétaristes n'a rien d'économique, mais tout d'un jeu mathématique sans
intérêt pour l'économiste et contre le principe de quoi,
d'ailleurs, Friedman s'était formalisé au début de la décennie 1950 (cf.
le débat étant donné son opposition première à la thèse de Markowitz
en 1954).
L'équation/égalité est d'autant plus critiquable qu'elle ouvre la voie à tous
les errements de la prétendue comptabilité qu'on dénomme "comptabilité
nationale" et qui fait le bonheur des hommes de l'état pour autant
qu'elle mesure par la notion statistique de "produit intérieur
brut" le revenu/dépenses.
target="_blank"
7. L'oubli néfaste des règles de droit.
A fortiori, Friedman et ses amis ont procédé à l'extrapolation sans
se soucier des règles de droit et sans prendre en considération que la
marchandise monnaie dont ils parlaient n'était plus la marchandise que Fisher
avait en ligne de mire et n'avait plus rien à voir.
Leur importait surtout que les résultats de ce qu'ils imaginaient dans
l'avenir fussent des conséquences des résultats passés, voire présents, du
type méthodologique de, par exemple, leurs espérances morales préférées qu'étaient les "anticipations inflationnistes adaptatives".
target="_blank"
Ils se moquaient des réglementations étatiques qui étaient intervenues dans
l'intervalle et qui avaient détruit la marchandise monnaie en question.
Entre autres sur ce point, Friedman et Jacques Rueff étaient en opposition
(cf. ce texte de juin 2014).
Et cela devrait amener à s'interroger sur le caractère prétendument
libéral de l'homme de Chicago.
target="_blank"
Les uns et les autres semblaient en définitive préférer jouer avec des
quantités de monnaie Mo, M1, M2, M3, etc. dont ils multipliaient
ainsi le nombre comme si la marchandise monnaie existait encore et
n'était pas devenue la vraie valeur détruite.