Dans la première livraison de l'année 2000 de la Review de la
Banque de réserve fédérale de Saint Louis (U.S.A.), Daniel L. Thornton a
publié un texte qui commençait par ces mots:
"Un problème majeur de l'économie monétaire a été d'introduire la
monnaie dans l'économie d'une manière qui:
(1) explique comment la monnaie émerge de façon endogène,
(2) explique pourquoi la monnaie est préférée à d'autres méthodes
d'échange, et
(3) identifie les gains de bien-être liés à l'utilisation de la
monnaie".
En anglais:
"A major problem in monetary economics has been to introduce
money into the economy in a way that:
(1) explains how
money arises endogenously,
(2) explains why
money is preferred to other methods of exchange, and
(3) identifies the
welfare gains associated with money’s use."
(cf. https://research.stlouisfed.org/publications/review/00/01/0001dt.pdf)
Au cœur du texte, se trouvait,
en particulier, la notion de "gain de bien-être", sous entendu
"collectif", associée à ce à quoi conduisait l'emploi de la
monnaie, selon l'auteur.
1. L'oubli de l'école
de pensée économique autrichienne.
Hormis une exergue tirée d'un
texte de Carl Menger (1892) sur l'origine de la monnaie et une bibliographie
nombreuse, aucun auteur de l'école de pensée économique autrichienne ni, a
fortiori, de l'école de pensée économique française (cf. ce texte de septembre
2015) ne sont évoqués dans le développement.
Cela est pour le moins étonnant
de la part d'un chercheur.
2. Les rêts d'une
approche mathématique.
Tout le développement de
Thornton se situe dans les rêts d'une approche mathématique de l'économie
politique qui le conduit à dire que :
"la
monnaie augmente le bien-être économique »
" ... améliore le
bien-être économique »
tout cela étant considéré
"...
indépendant de la structure du marché"
En anglais:
"money increases economic welfare" (p.42)
"... enhances
economic welfare" (p.43)
"...
independent of the market structure" (ibid.)
Et l'approche suivie est muette
sur toutes les réglementations qui ont déformé ou dénaturé la monnaie au
XXème siècle, bref contribué à cacher ce qu'on dénommait
"monnaie" jusqu'alors et qui ont fait que ce qu'on dénomme
"monnaie" aujourd'hui est à la fois sans relation avec l'échange
des choses par les gens ni avec la monnaie d'hier.
La démarche est vraiment
étonnante.
3. Le pléonasme en
guise de causalité.
Thornton a conclu son texte
avec, en particulier, ces mots :
"...
la monnaie est un dispositif social résultant d'un processus évolutif
compliqué.
La monnaie existe parce qu'elle
facilite les échanges en réduisant le coût de l'échange".
En anglais:
"... money is a social arrangement resulting from a
complicated evolutionary process.
Money exists because
it facilitates exchange by reducing the cost of trade." (ibid. p.57)
Rien à dire sur cette
conclusion sinon que l'échange des choses par les gens n'est pas facilité par
le coût de l'échange comme l'a résumé l'auteur.
Le "coût de
l'échange" et l'"échange facilité" ne sont que deux façons
d'exprimer la même idée, l'une étant théorique et l'autre une expression de
rhétorique "au mauvais sens du terme" (cf. ce texte de juin 2015).
4. L'ignorance
fondamentale.
L'idée à côté de quoi est passé
l'auteur - et, par conséquent, le "département de
recherche" de la Banque de Saint Louis ... - est que
l'"intermédiaire de l'échange" qu'ont inventé les gens dans le
passé et qu'ils ont dénommé "monnaie" jusqu'au début du XXème
siècle, a amoindri le coût de l'échange.
L'idée importante est, en
effet, que le passage de l'échange direct à l'échange indirect, puis
l'existence du développement de l'intermédiaire de l'échange a amoindri,
progressivement, le coût de l'échange.
Et cette idée fondée sur
l'action de vous et moi est entièrement ignorée de nos jours par une
multitude de gens de tous ordres, à commencer par les banquiers centraux.
. Le mal des
théories appréciées des hommes de l'état.
Elle l'est, en particulier,
parce que la notion d'"équilibre économique général", au coeur des
théories économiques dominantes (théorie de l'équilibre économique général ou
approches de la théorie macroéconomique), a mis de côté les notions
d'"invention" ou d'"innovation".
Le "quantitative
easing program" ou, si l'on préfère, l'assouplissement
ou la monétisation de la quantité de monnaie, si présent dans
tous les propos d'actualité, mais en vérité d'un autre âge, est à des
années-lumière de l'amoindrissement du coût de l'échange.
Selon leurs dires, il vise
simplement à faire augmenter les prix en monnaie des choses (cf. ce texte d'octobre
2015).
Mais c'est aveuglément ...
Reste que l'un est réversible
car il est réglementation alors que l'autre ne l'est pas car il est
innovation, progrès économique.