Paris, le 1er mai 2018
Un faux principe économique par excellence porte sur ce qu'on dénomme les
"avantages relatifs" des pays, notion déduite indirectement des quantités de
travail des gens.
1. Autarcie et libre échange.
Depuis au moins David Ricardo (1772-1823), des économistes comparent "autarcie"
et "libre échange" des pays et concluent à des avantages relatifs des pays
quand ceux-ci ont abandonné l'autarcie, leur état initial supposé, pour le
libre échange.
. L'échange.
Longtemps après Ricardo, Friedrich von Hayek (1899-1992) a expliqué le mot
"échange" dans son livre intitulé
Droit, législation et liberté, publié d'abord en anglais
dans la décennie 1970, puis dans la décennie 1980 en France, dans le chapitre
10 intitulé "L'ordre de marché ou catallaxie" dans le tome II qui est
intitulé Le
mirage de la justice sociale :
« Une économie, au sens strict du mot qui permet d'appeler « économie » un
ménage, une ferme ou une entreprise, consiste en une combinaison d'activités
par laquelle un ensemble donné de moyens se trouve affecté selon un plan
unitaire et réparti entre les diverses tâches d'après leur importance
respective.
L'ordre de marché ne sert nullement un tel agencement unitaire
d'objectifs.
Ce qui est d'ordinaire appelé une économie sociale ou nationale n'est pas en ce
sens une unité économique mais un réseau de nombreuses économies imbriquées les
unes dans les autres.
Nous verrons que son ordre partage, avec l'ordre d'une économie proprement
dite, certains caractères formels mais non pas le plus important : les
activités d'une nation ne sont pas gouvernées par une unique échelle ou
hiérarchie d'objectifs.
La croyance
- que les activités économiques des individus membres de la société sont, ou
devraient être, les éléments partiels d'une économie au sens propre du terme,
et
- que ce que l'on appelle communément l'économie d'un pays ou d'une société
devrait être agencé et jugé d'après les mêmes critères qu'une économie
proprement dite,
est la principale source d'erreurs dans ce domaine.
Pourtant, chaque fois que nous parlons de l'économie d'un pays, ou du monde,
nous employons un terme qui suggère que ces systèmes devraient être conduits à
la manière socialiste, et dirigée suivant un plan unique de façon à servir un
ensemble unitaire d'objectifs.
Alors qu'une économie proprement dite est une organisation, dans le sens
technique que nous avons donné à ce mot — c'est-à-dire un agencement délibéré
d'un seul organe collectif pour l'emploi de moyens connus — le kosmos du marché
n'est ni ne peut être ainsi gouverné par une échelle unique d'objectifs ;
il sert la multitude des objectifs distincts et incommensurables de tous ses
membres individuels.
La confusion engendrée par l'ambiguïté du mot économie est si grave que, pour
notre propos actuel, il apparaît nécessaire
- d'en cantonner l'usage strictement dans son sens originaire : celui d'un
complexe d'actions délibérément coordonnées visant un seul faisceau d'objectifs
; et
- d'adopter un autre terme pour évoquer le réseau de nombreuses économies en
relations mutuelles, qui constitue l'ordre de marché.
Puisque le nom de « catallactique » a depuis longtemps été proposé pour la
science - qui étudie l'ordre de marché, et
- qu'il a récemment été tiré de l'oubli,
il semble tout indiqué d'adopter un mot correspondant pour l'ordre de marché
lui-même.
Le terme « catallactique » a été tiré du verbe grec katallattein (ou
katallassein) qui signifiait originairement, et de façon éclairante,
non seulement « échanger »
mais aussi « admettre dans la communauté » et « faire d'un ennemi un ami
».
De là, l'adjectif « catallactique » a été dérivé pour remplacer « économique »
afin de désigner l'espèce de phénomène dont s'occupe la science de la
catallactique.
Les
anciens Grecs ne connaissaient pas ce terme, et n'avaient pas de substantif
correspondant ; s'ils en avaient forgé un, c'eût été probablement
katallaxia.
De là nous pouvons former un mot moderne, catallaxie, que nous emploierons pour
désigner l'ordre engendré par l'ajustement mutuel de nombreuses économies
individuelles sur un marché.
Une catallaxie est ainsi l'espèce particulière d'ordre spontané produit
par le marché à travers les actes de gens qui se conforment aux règles
juridiques concernant la propriété, les dommages et les contrats." (Hayek,
1986, pp. 129-131).
Il est à souligner que, dans ce texte de Hayek, il est tacite que l'échange des
droits de propriété sur les choses est libre et que le libre échange
recouvre, en particulier, la liberté des gens de changer de pays.
2. La notion de travail.
Mais, dans la démarche de Ricardo et de ses successeurs, intervient la notion
de "travail".
Elle a donné lieu à la notion de "productivité du travail" du pays
jusqu'au début du XXème siècle puis à celle de la "productivité du rapport du
capital au travail" du même à partir du XXème siècle.
Le "travail" en question est donc source des produits du pays et
occulte l'interdiction faite aux gens, aux "travailleurs", de changer de
pays.
a. Le pays.
Au cœur des
propos des économistes, intervient aussi la notion non définie de "pays" -
qui cache, avant tout, tacitement, des règles de droit, elles aussi
laissées de coté -.
Soit dit en passant, l'économie internationale est une véritable "bande
dessinée"
- où il est autant question de pays que de nations, de sociétés, d'économies,
d'états, etc. (notions toujours non définies) et
- où vous et moi n'existons pas en tant que tels, n'avons pas le droit
d'exister, ou bien à défaut, n'avons pas le droit de changer de pays
!
La démarche fait valoir une entité abstraite toute puissante, à savoir le
"pays", sans réalité non juridique, au détriment des réalités
- que vous et moi sommes et
- que sont ceux qui, en particulier, ont créé les produits en question!
b. Deux pays à deux mêmes marchandises
produites.
Pour convaincre le lecteur ou l'auditeur, la démarche introduit des hypothèses
schématiques.
Elle suppose qu'il y a deux "pays" qui n'échangent pas (dits "en autarcie"),
qui produisent deux marchandises dans l'hypothèse où les deux mêmes produits
sont seuls en question dans les deux pays considérés.
c. Deux pays à une marchandise produite chacun.
La démarche montre que, quelle que soit leur structure de
production, les deux "pays" - supposés "rationnels"... - sont censés abandonner
l'autarcie pour le "libre échange" pour le bien de tous (lequel prend en
théorie la forme d'un avantage relatif de marchandises produites).
Reste qu'un pays ne saurait être rationnel et que seuls des hommes de l'état
chargés de la coercition des gens peuvent l'être...
3. La
spécialisation du pays.
De la démarche,
se déduit la notion de "spécialisation" pour caractériser la situation ou la
position de chaque pays qui a choisi d'échanger et de mener seulement une de
"ses" deux productions.
Reste que la spécialisation est un fait de nature dont rendent compte ... vous
et moi, ce que nous faisons.
a. Les oublis.
Autant l'entité abstraite imaginée par les gens de la théorie sous la
dénomination "pays" peut être spécialisée ou non, autant l'être humain, vous et
moi, ne saurait ne pas être spécialisé.
En effet, la démarche contribue à faire oublier
- que l'être humain est confronté à l'abondance des actions avant de l'être à
la rareté des choses et
- qu'il ne peut que choisir une action à la fois étant donné son infirmité
d'être humain (cf. Poincaré, Science et méthode,1908), infirmité tant
d'esprit que de corps (cf. ce billet de
mars 2018) qui transparaît dans le "travail" qu'il effectue.
Les produits qui sont échangés résultent de cette infirmité individuelle
d'"un travail à la fois" qui a amené certains à parler de la "division du
travail" et à qui d'autres, qui peuvent être les mêmes, interdisent de changer
de pays, en hypothèse ou en pratique.
b. Les hommes de l'état.
Au lieu que chacun agisse pour améliorer sa situation, la démarche veut que les
hommes de l'état que cache en fait la notion de "pays", fassent croire qu'il
faut leur faire confiance dans le meilleurs des cas... et n'hésitent pas à
changer d'idée, comme si de rien n'était, le cas échéant ...
Ce fut, par exemple, d'une part, l'instauration du monopole de ce qu'on dénomme
abusivement "monnaie" aujourd'hui par les hommes de l'état,
- qui est supposé protéger chacun contre la contrefaçon de la "monnaie" il y a
bien longtemps dans le passé et
- qui va devenir la façon crue d'augmenter l'activité et l'emploi au XXème
siècle ;
et, d'autre part, l'obligation par les gens d'accepter les produits du
monopole.
4. L'anticipation du totalitarisme.
Bref, la démarche de Ricardo et de ses successeurs, connue sous le nom
d'"avantage relatif", est une anticipation de la gestion des échanges
par
les "pays", de la
planification, du totalitarisme, de la servitude des gens qui va voir le jour
au XXème siècle, une gestion en fait par les hommes de l'état, à savoir par des
gens qui croient, eux, faire oublier leur infirmité, derrière leur coercition
des gens.
En l'espèce, le "totalitarisme" et le "libre échange" font très bon ménage et
montrent que la "liberté" et le "libre échange" font deux!
5. La mesure de la quantité de travail.
Qu'à cela ne
tienne, le seul intérêt de la démarche est, peut-être, de faire sauter aux
yeux du lecteur que Ricardo dénommait "valeur" la quantité de travail de chacun
(lequel n'avait pas, par hypothèse de la théorie, le choix de changer de pays,
mais l'obligation de changer d'"industrie" avant que soit décidée la
spécialisation).
Aujourd'hui, la quantité de travail est envisagée par les
gens comme un type de "valeur" de la théorie économique à quoi a été, par la
suite, juxtaposée la notion de "capital" (cf. ce
billet de décembre 2015).
6. Un dernier mot (provisoire).
Mais elle est surtout l'objet de mesures plus farfelues les unes que les
autres!
En effet, les statisticiens se sont faits forts de
vérifier empiriquement, avec des hypothèses économiques sur la notion de
"travail" dénommées
"coûts comparatifs" des pays plus élaborées et contestables que celles
de la théorie, ce qu'ils
dénomment les "avantages relatifs" (cf. par exemple
wikipedia en
français ou en anglais).
Les résultats de ces travaux empiriques sont vains et sans valeur économique
non pas parce que la réalité est distante de la théorie économique et que la
théorie économique n'a pas besoin d'être vérifiée empiriquement, mais à cause
de toutes les hypothèses théoriques occultées jamais évoquées, à commencer par
celle de la coercition de vous et moi par les hommes de l'état dans la
production et l'échange.
Ils sont un méfait économique.
Malheureusement, les hommes de l'état les ont écoutés et cela a eu pour
conséquence la création dispendieuse de bureau national ou international (du
genre "Organisation mondiale du commerce" - O.M.C. - ou Union européenne) que
nous connaissons et que nous payons par des impôts
supplémentaires.