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1. L'Estonie a abandonné la
« couronne » pour l'« euro ».
L'euro circule désormais en Estonie depuis le 1er janvier 2011 pour
effectuer et recevoir des paiements.
L'Estonie, c'est :
45 000 km²,
1,3 million d'habitants,
Capitale : Tallinn
Date d'adhésion à l'U.E. : 1er mai 2004,
Président en exercice : Toomas Hendrik Ilves (ancien
député européen social-démocrate),
Premier ministre en exercice : Andrus Ansip (centre-droit).
L'Estonie est ainsi devenue le 17ème Etat membre de la zone euro,
près de sept ans après son entrée dans l'Union
européenne.
La dernière entrée en date était celle de la Slovaquie
en 2009 et la pénultième celle de la Slovénie en 2007.
En juin dernier, le Parlement européen avait salué les «
efforts déterminés, crédibles et soutenus du
gouvernement et du peuple estoniens » pour remplir les critères
d'adhésion à la zone euro.
Les seize autres pays membres de la zone euro sont ainsi, à ce jour :
l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, Chypre, l'Espagne,
la Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie,
le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovaquie et la
Slovénie.
Si on lit les gazettes, on apprend que, pour passer de la couronne -
estonienne - à l'euro, les Estoniens ont dû limiter leur taux
d'inflation ainsi que leur déficit public, maintenir les taux de
change stables et limiter les taux d'intérêt à long
terme.
L'été dernier, les députés européens ont
salué les efforts du gouvernement estonien, non sans que certaines
voies dissonantes pointent du doigt la montée du chômage et des
inégalités sociales et la baisse des salaires.
Bref, rien d'original.
Une période de
transition de 15 jours.
Plus original est que l'euro et la couronne devaient cohabiter dans les
porte-monnaie des Estoniens jusqu'à la mi-janvier.
Nous y sommes.
Les pièces et billets en couronne vont donc disparaître de la
circulation et y être remplacés par des pièces et billets
en euro.
Dans le cas de la France, la transition avait duré 3 ans.
2. Ce qu'est l'euro
précisément.
2.A. Un nom.
« Euro » est donc d'abord le nom donné à
une monnaie qui n'existait pas il y a quinze ans – pour donner un
« chiffre rond » d'années – et qui peut
toujours être adoptée, en remplacement de la sienne, par un pays
de l'Union européenne – qui en comprend à ce jour vingt
sept - à certaines conditions...
2.B. Un fait.
L' « euro » est ensuite un fait
monétaire sans précédent historique.
Il a allongé à partir du 1er janvier 1999 – jour de son
apparition dans la vie quotidienne - la liste déjà longue des
méfaits monétaires commis par les autorités nationales
du même qualificatif à l'échelle mondiale, et ouverte
à la suite du péché monétaire qu'elles ont commis
dans la décennie 1920 (cf. Jacques Rueff, 1971, Le péché monétaire de
l'Occident).
On se félicite d’un changement à concurrence des effets
qu’on en attend avec incertitude ou des effets observables et
vécus.
A l’extrême, par manque d’argument et par une pirouette, on
s’en félicite en disant que :
« la situation qu'on connaît aurait été pire
s’il n’avait pas été effectué ».
Dès lors qu’on était un peu familier avec l’analyse
monétaire, les méfaits de la liste ne pouvaient que faire
s’attendre, début décennie 1970, à de graves
désillusions et c’est ce qu’expliquait J. Rueff dans le
livre cité.
Par exemple, le grand méfait monétaire de l’ « inflation
mondiale » surviendra mi-décennie 1970 et
s’étendra jusqu’à la mi-décennie 1980.
2.C. Une étape dans
le processus monétaire...
Pour autant, l’euro ne doit pas cacher le processus monétaire
dont il n’est en définitive qu’une étape à
l’initiative des hommes de l’Etat dans la course poursuite que ceux-ci et
l'innovation se livrent depuis maintenant des décennies.
Le processus monétaire tient dans la réduction du coût de
l’échange résiduel (cf. ci-dessous pour la
définition de ce concept de "coût d'échange
résiduel") depuis la nuit des temps tandis que
l’étape tient dans la fusion de systèmes
monétaires nationaux en un système monétaire
régional à l’échelle mondiale.
Caractéristiques de la
fusion.
La fusion a pour élément la fusion des monnaies nationales
réglementées de formes pièce d’alliage de
métal, coupure de billet en papier et dépôt bancaire en
une monnaie régionale réglementée de mêmes formes.
Elle ne donne donc lieu à aucune innovation de ce point de vue.
La fusion a pour autre élément important à signaler
qu’elle est elle-même processus comme en témoigne
l’arrivée de l’Estonie dans l’ensemble.
Il reste que la fusion d'entreprises en une nouvelle est une action humaine
sans résultat acquis ou promis a priori, mais courante,
récurrente : il existe même des statistiques permettant
d'évaluer leur succès probable en moyenne...
La fusion de régions politiques en une nation est une action humaine,
mais beaucoup moins courante.
La fusion de systèmes monétaires nationaux en un nouveau est
une action humaine sans précédent historique, et donc sans
statistique de réussite...
Cela ne veut pas dire que l'existence d'expériences ou l'existence de
statistiques apportent quoi que ce soit de porteur et qu’il faut le
regretter : ce qui est vrai est vrai, ce qui est faux est faux.
Mais, à l’occasion, elles (ré)confortent à tort ou
à raison, surtout à tort ou à travers.
A priori, la
meule de foin qu'est le domaine du faux enveloppe la tête
d'épingle qu'est le domaine du vrai.
La fusion de systèmes monétaires nationaux en un nouveau
« régional » est une expérience, au sens
des premières expériences de la physique ou de la chimie dans
un domaine nouveau, i.e. qui peuvent se concrétiser par la mort du
chimiste ou du physicien, ou de leurs collaborateurs, qui la mène
(effet du dégagement d'énergie inattendu ou des rayons
inconnus).
Grande différence de la fusion en question avec celles-ci
néanmoins, les opérateurs n’ont rien à craindre
– sauf, bien sûr, révolution sanglante inattendue du
peuple …-.
3. Ce qu'est la monnaie.
Si on veut comprendre ce qu'est véritablement l'euro, il faut savoir
ce qu'est, plus généralement, la monnaie de quelque nom qu'elle
soit.
Pour en devenir familier, il faut faire intervenir plusieurs concepts,
à savoir :
- l'action humaine, i.e. l'action de vous et moi,
- le coût de l'action humaine – « on ne fait rien sans
rien » et « au mieux, toute action laborieuse prend du
temps qu'on pourrait consacrer à une action non
laborieuse » -,
- le profit attendu avec incertitude de l'action humaine menée,
- l'échange, type d'action humaine,
- le coût de l'échange,
- la recherche de la diminution du coût de l'échange, type
d'action humaine,
- le succès de la recherche,
- le coût de l'échange résiduel.
Les concepts en question se trouvent, nommément ou non, au coeur de
l'économie politique de l'école de pensée
économique dénommée «
autrichienne » par les historiens de la pensée.
Dans cette perspective, Mises (1953) parlait de l'école de
pensée économique "catallactique".
“A
consistently-developed theory of money must be merged into a theory of
exchange, and so cease to be acatallactic. »
"The catallactic theories of money, on the other hand, do fit into a
theory of exchange-ratios.
They look for what is essential in money in the negotiation of exchanges;
they explain its value by the laws of exchange."
Quant à la
méthode qui traitent les concepts, c'est la logique et l'application
de la « loi de l'économie » au terme de laquelle
l' être humain s'efforce de « faire (le) plus avec
autant », de « faire autant avec (le) moins »,
de « faire (le) plus avec (le) moins », tout cela
étant bien sûr évalué.
Mundell (1998) y est d'ailleurs revenu
à propos de la loi de Gresham.
Soit dit en passant - il convient de le rappeler tant ceci est méconnu
-, les premiers mécaniciens ont appliqué cette loi de
l'économie à la Nature, au XVIIIème siècle, avec
les succès qu'on sait et leurs successeurs dans tel ou tel domaine de
la physique en général l'ont appliqué sous les
dénominations de "moindre temps", "moindre
effort", "moindre action" (cf. par exemple, R. Omnès,
1994).
La « méthode de Lagrange »,
si prisée de certains économistes dans l'impasse, n'est jamais
qu'une transposition d'une représentation mathématique
particulière d'un phénomène physique supposé
respecter la loi de l'économie.
C'est ainsi que, loin d'être sans méthode ou dépendante de
méthode mécanique, l'économie politique a sa
méthode et elle la prête à d'autres domaines de la
science. Et pour cette raison, l'économie n'est pas
mécanique, mais la mécanique est économie !
3.A. Attentes
d'innovations.
Le coût d'échange résiduel explique qu'il faut s'attendre
à des innovations dans les domaines et fait admettre le principe des
innovations à attendre.
Quand le coût résiduel sera devenu nul – asymptotiquement
-, alors il n’y aura plus d'innovation à attendre. Il y aura
perfection... le perfectionnement aura pris fin.
3.B. L'économie
politique "acatallactique".
Les concepts nécessaires à la compréhension de la
monnaie, en général, et de l'euro, en particulier, ont comme
particularité d’être étrangers à
l'économie politique à la fois à la mode et dans
l'impasse, à savoir les approches de la théorie de
l'équilibre économique général ou celles de la
théorie macroéconomique, bref les approches « non
autrichiennes », « acatallactiques » de l’économie
politique qui n'en finissent pas de fleurir.
Or c'est cette économie politique sur quoi les hommes de l'Etat se
sont appuyés pour parvenir à la fin qu'est l'euro.
En particulier, ressentis, mais non cernés, le « coût
de l'échange » et a
fortiori le « coût de l'échange
résiduel » sont, pour leur part, maquillés par les
économistes acatallactiques, i.e. à la mode et dans l'impasse.
Ils apparaissent sous les traits de formules de rhétorique – au
mauvais sens du terme – du type « il y a des obstacles, des
barrières », « c'est complexe »...
qui laissent accroire que le monde économique est en définitive
surprenant, merveilleux, proche de celui d’Alice.
Tout cela pour ne pas parler de leur concept de « coût de transaction », qui
est proche d'être un concept volé.
Et à mauvaise approche
d'une question, mauvaise solution.
La solution qu'avancent nos économistes non autrichiens est que les
hommes de l'état interviennent pour que les obstacles soient
surmontés, pour que la complexité devienne simplicité.
Il faut même qu'ils pratiquent telle ou telle
« politique ».
On remarquera en passant qu'après avoir fait abstraction de l'action
humaine, de l'action de vous et moi, nos économistes font donc entrer
« par la petite porte » ou, si on préfère
le mot, « parachute » l'action des hommes de l'Etat
dans leur logique.
Le cas échéant, des économistes prétendus
sérieux parlent aussi de « parachutage de la
monnaie » !
Cela n'est guère cohérent.
La cohérence est d'autant plus minime qu'ils « dissimulent,
déforment, déguisent, dénaturent, dévoient,
falsifient » (de sigle « 5D.F. ») l'action
des hommes de l'Etat en laissant de côté le coût et a fortiori, le profit
attendu avec incertitude évalués par ceux-ci, pour soi-disant
raisonner en termes de moyens et de fins !
Du point de vue de l'économie politique
« autrichienne », il n'y a pas des moyens et des fins,
il n’y a que des moyens à évaluer et des fins à
évaluer (cf. Hayek, 1939 par exemple) !
Et ce n'est pas ce point de vue qui est à la base de la monnaie
dénommée "euro", mais le point de vue acatallactique,
faut-il le répéter.
4. Des premières
formes de la monnaie à son fond.
Les formes observables de la monnaie, aussi loin dans le passé que
nous regardions, ne doivent pas cacher son fond que des économistes
catallactiques ont progressivement approchés en se forgeant les
« bons » concepts.
Le fond de la monnaie est donc la diminution du coût de
l’échange de biens en propriété entre personnes
juridiques, un coût évalué par les unes et les autres,
chacune à sa façon.
Etant donné le coût de l'échange évalué,
certaines personnes se sont efforcées d'y porter remède. Elles
ont mené des actions qui ont tendu à trouver des solutions aux
obstacles. Le fait est qu'elles y sont parvenues.
En d'autres termes, la monnaie est une concrétisation de la loi de
l'économie, elle a diminué le coût de l'échange
évalué par chacun, mais elle ne l'a pas diminué
jusqu'à zéro, d'où le processus monétaire dont la
loi est l'épine dorsale.
4.A. Le coût
d'échange résiduel et le processus monétaire.
Au niveau où il se trouve, on peut dire qu'il y a un
« coût d'échange résiduel ».
Soit dit en passant, le concept de coût d'échange
résiduel devrait ainsi d'abord rappeler les innovations passées
qui ont transité par la monnaie, à la fois bien et organisation
et qui établissent une fois de plus la « loi de
l'économie ».
La monnaie a donc pris la forme d'un bien – échangeable - ici ou
là, le bien a varié avec les lieux et les temps.
Mais la monnaie sous la forme du bien en question ne doit pas cacher
l'organisation à quoi elle allait donner lieu dans le temps et dans
l'espace.
La monnaie est organisation dans le temps comme le fait apparaître
l'évolution de ses formes : il y a succession ou juxtaposition de
formes qui procèdent de l'innovation.
La monnaie est aussi organisation dans l'espace via la réglementation
(des formes) de la monnaie par les hommes de l'Etat.
En vérité, aujourd'hui, la monnaie n'existe plus, il n'existe
que des monnaies réglementées. La monnaie a toujours fait
l'objet de réglementations, hier dans le but unique fiscal des hommes
de l'Etat (cf. Bordo, 2007 ou Passy, 1909), aujourd'hui dans le second but de
la politique monétaire.
4.B. L'errance.
Jusqu'à récemment, ce fond de la monnaie qu'est la diminution
du coût d'échange, a été rarement
évoqué par les économistes des écoles de
pensée économique non autrichiennes et cela se comprend : les
concepts qu’ils utilisaient n'étaient pas les concepts
donnés précédemment, mais, dans le meilleur des cas,
ceux de l'économie politique qui raisonne en termes de résultats
d'action et non pas en termes d' action (cf. Pareto, 1896-97 ).
Ils ont eu de fait recours à la rhétorique et, à
l'occasion, ils ont mis l'accent sur l'inéchangeabilité des
biens ou les difficultés d'échanger..
Face à cela, depuis au moins la décennie 1930 (Hicks 1935,
Coase, 1937), ils font valoir la monnaie et l'organisation qui facilitent
l'échange.
4.C. Inversion de la causalité
Dans leur impasse, i.e. contraints qu'ils le sont par leur hypothèse
que l'échange n'est pas une action ou par leur méthode qui
consiste à raisonner en termes de résultat d'action ou sur la
base de leur concept de « coût de transaction » ,
les économistes non autrichiens imputent à la monnaie un
coût.
Tout se passe comme si nos économistes préféraient au
concept de coût résiduel de l'échange la
rhétorique qui consiste à parler des
« inconvénients » de la monnaie ou des
« maladies » de la monnaie.
Mais, en procédant ainsi, ils inversent la causalité.
Au lieu de s'arrimer à la diminution du coût de l'échange
et de l'existence du coût résiduel de l'échange non nul
provoqué par la monnaie, « bien » ou
« organisation » ou les deux, ils parachutent, implicitement,
dans leur raisonnement un « coût plein » qu'ils
imputent à la seule chose qu'ils ont délimitée à
leur façon, à savoir la monnaie :
"objets inanimés, avez-vous donc une âme..." !
Ce que Mises (1953) exprime en ces termes :
« The common characteristic of all acatallactic monetary doctrines
is a negative one; they cannot be fitted into any theory of
catallactics".
4.D. La course
poursuite innovation-réglementation aux niveaux nationaux et internationaux.
La monnaie est d'abord organisation dans la durée comme le fait
apparaître l'évolution de ses formes depuis la nuit des temps,
par succession ou juxtaposition de formes qui procèdent de
l'innovation.
La monnaie est ensuite organisation dans l'espace du fait de la
réglementation (des formes) de la monnaie par les hommes de l'Etat :
à ce titre, elle est toujours monnaie réglementée.
La monnaie a toujours fait l'objet de réglementations, hier dans le
but unique fiscal des hommes de l'Etat (cf. Bordo 2007 ou Passy 1909), aujourd'hui
dans le second but de la politique monétaire.
La monnaie a ainsi aujourd’hui
- des formes qui résultent d'innovations qui elles aussi ont
été réglementées et, par conséquent,
- ses formes résultent d'innovations et de réglementations,
qui font perdre de vue ce qu'elle est réellement.
Chaque fois qu'une innovation est mise au point, la réglementation est
en porte-à-faux et le législateur doit réussir à
l'adapter.
De fait, des innovations ont pour raison d'être de permettre
d'échapper à la réglementation contraignante.
Ce qu'on peut dénommer une "course poursuite".
La course poursuite du XXème siècle entre innovations et
réglementations s'est faite tant au niveau national qu'au niveau
international et d'abord au niveau international – comme le montre le
livre de Jacques Rueff -.
La monnaie sous la forme d'un bien ne doit pas cacher l'organisation qu'elle
constitue tant au niveau international qu’au niveau national.
4.E. Remarques.
Il faut distinguer la question de l’existence du coût de
l’échange et la question de la nullité du coût de
l’échange.
a) Question d'existence.
Que penser de l’hypothèse implicite de certaines approches
acatallactiques de l'économie politique au terme de laquelle on peut
mettre de côté le coût de l'échange ou bien le
coût de l’échange n'existe pas ?
Pas de coût d’échange, pas de coût
d’échange à diminuer, la monnaie n’a pas de raison
d’être de ce point de vue.
Pour lui trouver une raison d'être malgré tout, il reste
à se donner un autre point de vue et à en imaginer une
extraordinaire, politique par exemple...
Mais alors, dans ce cas, comment expliquer l’évolution
observable des formes de monnaie jusqu'à aujourd'hui? Le point de vue
s'y prête-t-il ?
b) Question de chiffre.
Que penser de l’hypothèse de la plupart des approches
acatallactiques de l'économie politique au terme de laquelle le
coût de l’échange est nul ?
Un coût d'échange nul, donc un coût résiduel nul,
la monnaie est, au moins, parfaite…, son perfectionnement est
achevé.
Ce qui a diminué à zéro le coût de
l'échange est-il individualisé ?
Non !
Pourtant, tout ce qui a participé à ce qu'il en soit ainsi,
continue à exister dans le système économique ! Pourquoi
ne pas en parler ou mettre le doigt dessus ?
En quoi d'ailleurs cela consiste-t-il ?
Pourquoi adopter cette démarche, en définitive
diamétralement opposée à celle qui consiste à parachuter
des considérations "tirées d'un chapeau" ?
Elle ajoute à l'incohérence de la méthode
signalée ci-dessus.
Et tout cela devrait pousser à connaître les autres effets
éventuels de ces éléments.
Ce qui n'est pas le cas.
5. Quelques
enseignements.
a - Ce qu'on dénomme
aujourd'hui « monnaie » n'est pas le résultat de
la décision d'une personne.
Avant d'exister... la monnaie a émergé sous une forme... ici ou
là, à des instants ou périodes de l'histoire
différents. Personne ne l'a créée.
La monnaie résulte ainsi d'usages, d'habitudes à expliquer, de
pensées et d'actions humaines. C’est le fait monétaire
primordial.
b - Ce qu'on dénomme
« monnaie » a émergé sous des formes
multiples.
La monnaie n'a pas pris la forme d’un bien donné – a fortiori, une quantité
d’un bien donné, une « masse
monétaire » -.
Elle est apparue sous la forme de biens multiples et variés selon les
territoires et les temps, et dénombrables ou quantifiables – en
« poids et mesure » - de différentes
façons (cf. Passy, 1909 par exemple)
« Dans certains pays, de nos jours encore, on pèse
l'argent.
C'est par là qu'on a commencé partout ; et, si nous prenons la
peine de remonter aux noms primitifs des monnaies, nous retrouverons toujours
des mots qui rappellent cet ancien usage.
Ce sont des sicles,
des drachmes, des
talents, des as, des livres, des marcs, des taëls, et d'autres
dénominations invariablement empruntées au vocabulaire des
poids et mesures. » (Passy, 1909)
De ces formes diverses, la monnaie a tiré des noms – en France,
l'« argent » - quand un nom particulier n'a pas
été donné à un poids particulier de la forme (cas
exemplaire en France du « louis », de
l'« écu », du
« Napoléon », etc.). C'est le fait
premier.
c - Les monnaies
réglementées ont elles-mêmes, chacune, reçu un
nom.
Aujourd’hui et d'un point de vue mondial, on peut dire que la monnaie a
différents noms en relation avec les autorités nationales,
régionales ou internationales qui les monopolisent (jusqu'aux
« D.T.S. » pour « droits de tirages
spéciaux » du F.M.I. au début de la décennie
1970 dont Rueff a pu écrire tout le bien qu'il en pensait dans le
livre cité ..., en passant par l'« euro » de la
Banque centrale européenne).
Cette multiplicité donne à penser qu'il y a diverses monnaies,
chacune portant un nom. C'est une erreur : il y a une monnaie, mais il
y a des monnaies réglementées nationalement,
régionalement ou internationalement.
d - Ce qu'on dénomme
monnaie n'a pas émergé avec la dénomination.
Il reste que la dénomination « monnaie » est
elle-même récente à l'échelle de l'histoire.
L'origine du mot "monnaie" en français se
trouverait dans « moneta » si on en croît Pareto (1896) , le mot vient du latin, du
nom du temple de Junon -- Juno
Moneta -- dans lequel étaient frappées les
pièces romaines.
e - La monnaie procède
d'abord de la récurrence d'un bien dans les échanges
observables entre êtres humains.
Du point de vue de l’économie politique catallactique,
« monnaie » est la dénomination du bien
« intermédiaire/moyen/instrument » de
l’échange indirect où on "offre" un bien dans
le but de "demander" un autre.
Les biens à quoi la dénomination
« monnaie » a été donnée
étaient des biens « offerts »,
« vendables sans difficultés» (cf. Menger ou Passy)
contre des choses désirées,
« demandées »,
« achetables » par les personnes juridiques
étant donnés un territoire, une zone, ou un pays et une
population d’êtres humains.
Pour l’observateur, les biens à quoi a été
donnée la dénomination « monnaie »
étaient en fait des biens récurrents dans les échanges
observables.
A cet égard, il convient de souligner que l'origine du mot anglais
"currency"
- qui dénomme la monnaie en anglais -, vient du mot français
"courant" ("current"
en anglais), car la monnaie "coule" de personne en personne. En
1699, John Locke, philosophe anglais, a utilisé la métaphore.
La récurrence d'un bien dans les échanges s'explique
aisément par la loi de l'économie et, en l'espèce, par
la diminution du coût de l'échange.
f - La fusion autoritaire de
monnaies réglementées est une décision extraordinaire.
La monnaie nouvelle de nom « euro » résulte de
la décision des hommes de l'Etat de plusieurs pays de fusionner les
systèmes monétaires nationaux en un système
"régional" - à l'échelle du monde - et donc
les monnaies nationales réglementées en une monnaie
régionale réglementée.
La décision ne s'explique pas par la recherche d'une diminution du
coût de l'échange, mais par une fantasmagorie politique qui n'a
pas cent ans d'âge. Je l'ai déjà
évoquée dans des billets antérieurs, j'aurai l'occasion d'y
revenir dans des billets à venir.
Comment, dans ces conditions, l'expérience de l'euro pourrait-elle
avoir une issue favorable ?
Bienvenue au club, chère Estonie, mais vraiment
l'idée d'en être membre est mal venue.
Addendum.
Selon la Banque centrale européenne, 11
janvier 2011
"Situation financière d’ouverture consolidée de
l’Eurosystème au 1er janvier 2011 et
Situation financière consolidée de l’Eurosystème
au 7 janvier 2011.
Situation financière
d’ouverture consolidée de l’Eurosystème au
1er janvier 2011
À la suite de l’adoption de l’euro par l’Estonie, la
Banque d’Estonie ( Eesti
Pank) a rejoint l’Eurosystème au
1er janvier 2011.
Par conséquent, la B.C.E. publie une situation financière
d’ouverture consolidée de l’Eurosystème au
1er janvier 2011 qui inclut les chiffres du bilan de la Banque
d’Estonie.
Les postes libellés précédemment en couronnes
estoniennes ont été transférés des rubriques
« libellées en devises » à celles
« libellées en euros ».
Les transactions avec les résidents estoniens et les soldes de comptes
détenus par ces derniers ont été isolés des
postes du bilan relatifs aux « non‑résidents de la
zone euro » et inscrits aux postes concernant les
« résidents de la zone euro ».
De plus, le poste 12 du passif intitulé « Capital et
réserves » a augmenté par rapport à la
situation financière hebdomadaire consolidée
arrêtée au 31 décembre 2010 en raison de
l’adhésion de la Banque d’Estonie à l’Eurosystème.
Situation financière
consolidée de l’Eurosystème au 7 janvier 2011
(comparée à la situation financière d’ouverture
consolidée de l’Eurosystème au
1er janvier 2011).
Postes non liés aux opérations de politique monétaire.
Au cours de la semaine s’étant terminée le
7 janvier 2011, la hausse de EUR 21 millions des avoirs
et créances en or (rubrique 1 de l’actif) a principalement
résulté d’un
achat d’or effectué par la Banque d’Estonie
pour couvrir sa contribution aux avoirs de réserve de change de la B.C.E.,
conformément aux articles 30.1 et 48.1 des statuts du
S.E.B.C.
La position nette en devises de l’Eurosystème (rubriques 2
et 3 de l’actif moins rubriques 7, 8 et 9 du passif) a
augmenté de EUR 0,2 milliard, à :
EUR 180,3 milliards,
à la suite des opérations de clientèle et de
portefeuille et des opérations d’apport de liquidité en
dollars [...]"
Georges
Lane
Principes de science économique
Georges Lane
enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine.
Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire
J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très
rares intellectuels libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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