Malte doit être un pays
exceptionnellement bien gouverné. Dans le dernier sondage Eurobaromètre,
seuls 53% des Maltais affirment qu’ils n’ont pas confiance en leurs partis
politiques.
L’aversion des citoyens envers
leurs partis politiques est plus élevée partout ailleurs en Europe : 73%
en Allemagne, 85% en Grande-Bretagne, 89% en France, 94% en Grèce. La moyenne
au sein de l’Union européenne (UE) est de 82%.
Ces chiffres sont alarmants sur l'état de la
démocratie en Europe. Dans la même enquête, seuls 26% des européens estiment
que l’UE va dans la bonne direction.
Pour la première fois, les partis
politiques européens présentent des candidats pour la succession de José
Manuel Barroso, le président de la Commission européenne depuis 2004. Le
nouveau chef de l'exécutif de l'UE doit maintenant être élu par le Parlement
européen, sur recommandation du Conseil européen, tout en reflétant le
résultat des élections européennes. Si cette procédure vous semble
para-démocratique, c’est parce que tel est bien le cas.
Selon toute probabilité, seul le
Parti populaire européen (PPE), qui réunit la plupart des partis de centre-droit
européens, et les Sociaux et Démocrates (S&D), leur équivalent de
centre-gauche, ont une chance de voir leur candidat devenir le prochain
président de la Commission.
Qui sont donc ces candidats ?
Martin Schulz
Les Sociaux et Démocrates ont
désigné le président du Parlement européen, Martin Schulz, comme candidat. Ce
député européen allemand doit sa relative célébrité à une insulte de l’ancien
premier ministre italien Silvio Berlusconi. Il y a dix ans, il affirmait
ainsi qu’il ferait un bon gardien de camp de concentration dans un film. Avant
cet incident, seuls les initiés connaissaient le nom de M. Schulz.
Et pour cause. En dehors de ses
mandats locaux dans la petite ville de Würselen, la carrière politique de M.
Schulz s’est faite au Parlement européen dont il député depuis 1994, défendant l'intégration
européenne et l'euro, en particulier dans son Allemagne natale.
Son goût de l’Union européenne vient
de son rejet des politiques économiques libérales. Il a, par exemple, critiqué
l'idée d'un accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Union
européenne en affirmant que cela conduirait à l’affaiblissement de la science
et de la culture européennes : « Il est tout simplement impensable
que des géants de l’Internet comme Amazon dictent les goûts mondiaux en terme
de lecture. » Il est peut-être utile de rappeler qu’avant de devenir un
professionnel de la politique, Martin Schulz était un petit commerçant du
livre.
Jean-Claude Juncker
Le Parti populaire européen a,
quant à lui, désigné l’ancien premier ministre luxembourgeois Jean-Claude
Juncker comme candidat au poste de président de la Commission. Ayant perdu son
poste l’année dernière après 19 ans à la tête du Luxembourg, M. Juncker a bien
besoin d'un nouvel emploi s'il ne veut pas rester chef de l'opposition d'un
des plus petits pays d'Europe.
Quand il était encore au pouvoir, M.
Juncker était au cœur du dispositif européen. Difficile d’être plus
pro-intégrationniste et pro-euro que lui. Lors de la crise des dettes
publiques de la zone euro, il dirigeait le groupe des pays membres de la zone
monétaire.
Jean-Claude Juncker a également la
réputation d’être l’un des leaders politiques les moins honnêtes de sa
génération. Sa citation la plus célèbre remonte aux années 1990 : « Nous
décidons quelque chose, nous laissons traîner en attendant de voir ce qui se
passe. Si personne ne réagit – la plupart des gens ne comprenant pas ce qui a
été décidé – nous continuons étape par
étape jusqu'à ce qu'il n'y ait pas de retour possible ».
Tout s'est bien passé pour M. Juncker
jusqu'à ce qu'il démissionne suite à une étrange affaire impliquant les
services secrets du Luxembourg. Depuis, Jean-Claude Juncker a essayé de
trouver un moyen de revenir sur la grande scène européenne. Cela tombe bien :
le parti populaire européen n’avait pas vraiment de candidat alternatif.
« Jean-Martin Schulzer »
Les citoyens européens sont donc
devant le choix suivant. À leur gauche, le social-démocrate, pro-européen,
pro-intégrationniste Martin Schulz. À leur droite, le chrétien-démocrate,
pro-européen, pro-intégrationniste Jean-Claude Juncker. Tous deux veulent que
l’UE puisse taxer les citoyens européens. Tous deux veulent une armée
européenne. Politiquement, économiquement, un rien les sépare.
Peut-être devraient-ils être tous
deux présidents ?
Ne souriez pas, ce scenario
absurde est possible. Il se pourrait bien que les deux principaux blocs
politiques en Europe s’entendent pour partager le pouvoir exécutif. M. Schulz
pourrait devenir président de la Commission européenne, laissant à M. Juncker
le poste de président du Conseil européen, l’institution regroupant les chefs
d’État et de gouvernement des
membres de l'UE.
Pour les citoyens européens appelés
aux urnes en ce mois de mai, ces manœuvres partisanes ne peuvent qu’augmenter
leur défiance envers les institutions européennes, affaiblissant d’autant le
capital politique des dirigeants européens.
Une Union européenne en train de
perdre la confiance de ses peuples aura du mal à mettre en œuvre les mesures nécessaires
à la gestion d’une crise économique et sociale en pleine évolution.
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