.
Il y a exactement soixante ans, Murray Rothbard publiait un article
intitulé "Toward
a Reconstruction of Utility and Welfare Economics" dans l'ouvrage
collectif intitulé On Freedom and Free Enterprise: The Economics of
Free Enterprise, de May Sennholz, ed. (Princeton, N.J: D. Van
Nostrand, 1956).
Il sera traduit en français par François Guillaumat en 1991 sous le titre
"Vers une reconstruction de la théorie de l'utilité et du
bien-être" dans l'ouvrage Economistes et charlatans (éditions
Les Belles Lettres).
L'article était fondamental.
Il remettait en question toutes les idées reçues sur le domaine, récent
alors, de la théorie microéconomique (en matière d'utilité et de bien-être),
se jouait des artifices mathématiques qui en avaient fait l'audience et
proposait des remèdes (en introduisant la "préférence démontrée" en
général et la "règle de l'unanimité" en matière d'utilité sociale):
"La
thèse de cet article est que, si les théories de l'utilité et du bien-être,
autrefois révolutionnaires et plus tard orthodoxes, méritent un enterrement
encore plus rapide que celui qu'eles ont reçu, elles ne doivent pas être
suivies d'un vide théorique." (Rothbard, op.cit. conclusion)
Qui le connaissait en France?
J'ose dire : "personne".
Qui le connaît aujourd'hui ?
"Toujours pas grand monde", sauf les économistes de
l'"école de pensée franco-autrichienne".
La "communauté économique" des professeurs de droit qui,
alors, en 1956, s'étaient spécialisés dans l'économie politique
(cf. ce texte de
février 2016), préférera, dans le meilleur des cas, insister sur le
dernier ouvrage de Edmond Malinvaud intitulé Leçons de théorie économique
(décennie 1970) ou sur ceux de Jean Jacques Laffont intitulés Cours de
théorie microéconomique (tomes 1 et 2) (décennie 1980) quand elle ne
vous avait pas fourvoyé dans l'ouvrage de Gérard Debreu intitulé Théorie
de la valeur (1960) qui commençait par un chapitre de mathématique de
type Bourbaki...
Quitte à parler d'un ouvrage étranger, elle préférait mettre l'accent,
certes avec réserve, sur l'article contemporain de Milton Friedman intitulé La
théorie de la quantité de monnaie, sans relation avec l'article de
Rothbard.
Dans le pire, même ces travaux étaient laissés de côté car nos professeurs
ne les comprenaient pas.
L'ouverture de la "communauté économique" à des professeurs
autres que "... de droit" n'y a rien changé du point de vue de la
connaissance sinon que tout a changé à 180 degrés, la
mathématique employé sans réserve le plus souvent faisant oublier le
droit...
Jamais l'ouvrage de Rothbard ne m'avait été conseillé avant que je misse
le doigt dessus dans la décennie 1980.
Il est, en particulier, essentiel pour comprendre que la division de
l'économie politique en divers domaines est factice, même si elle est chère à
ceux qui la promeuvent, à savoir des historiens de la pensée économique plus
ou moins marxistes qui aiment établir des classes...
Peu importe que les théories des domaines se suivent, se
chevauchent ou se juxtaposent sinon que la démarche n'apporte rien.
Même si, selon les uns ou
les autres, elle fait croire qu'on peut continuer à parler aujourd'hui
aussi bien de Adam Smith, de Karl Marx, de John Maynard Keynes, de Milton
Friedman, etc. pour tenter d'expliquer la situation économique.
Mais c'est à tort.
Il en est ainsi, en particulier, dans le domaine de la théorie de la
valeur, fondement de l'économie politique (cf. ce texte
de décembre 2015).