Les
créanciers ne doivent surtout pas être « mis à
contribution », entend-on dire en permanence, à
l’occasion du renflouement des banques sinistrées ou des
finances des Etats. L’expression fait sourire, car il ne
s’agirait pas de leur présenter une addition imprévue,
mais de ne rembourser que partiellement leurs prêts, leur faisant
assumer les risques qu’ils ont pris et pour lesquels ils ont
été rétribués en percevant des
intérêts comprenant le montant d’une prime de risque.
Une
enquête s’impose : pour quelle raison impérieuse cette
« mise à contribution » devrait-elle être
rejetée ? Klaus Regling, responsable du
fonds de stabilité financière (EFSF), vient d’expliquer
que « ce serait une mesure drastique, qui n’est pas en ligne
avec l’approche que nous essayons de mettre en oeuvre ».
Soit, mais encore ? « Si un gouvernement ne tient pas une
promesse dans ce cas, certains pourraient se dire qu’un autre pays
pourrait faire de même » a-t-il au final argumenté.
Pourtant,
les taux montent dès à présent, sans qu’aucun
défaut ne soit constaté, les marchés le
justifiant par leur anticipation d’un risque futur. La punition
intervient donc alors que le mal n’est pas fait. Dans ces conditions,
pourquoi se priver de le faire ?
Mais
il y a mieux à constater : les marchés ont adopté
des habitudes auxquelles ils tiennent désormais beaucoup. Ils ne
veulent plus prendre de risques, considérant que leurs investissements
doivent être de facto garantis par l’Etat, qui ne peut faire
défaut et doit renflouer les banques. En bonne logique, ce serait donc
à eux de rémunérer l’Etat – qui les assure
contre le risque – et non le contraire !
Revenons
sur terre, si l’on peut dire ! C’est à propos de
l’Irlande, que Klaus Regling réagissait
en sortant son meilleur argumentaire. Car le feuilleton du sauvetage
irlandais est loin d’être terminé.
Le
nouveau gouvernement cherche toujours à obtenir une diminution du taux
d’intérêt punitif imposé pour son sauvetage
de 85 milliards d’euros. Faisant monter les enchères en
évoquant la possibilité de restructurer la dette des banques
irlandaises – renflouée à très grands frais sur
fonds publics – en « mettant à contribution »
les actionnaires seniors. Un principe auquel la BCE s’est
immédiatement opposée, remisant dans un tiroir un projet de
financement des banques irlandaises qui aurait soulagé la banque
centrale du pays, qui avait elle-même pris la succession de la BCE pour
lui être agréable… Rien n’est simple quand la patate
est brûlante !
Le
gouvernement a compris le message et fait amende honorable. Il n’est
plus question de faire passer les banques européennes
créancières à la caisse, les nouveaux besoins de
financement des banques irlandaises ayant été
opportunément estimés à 24 milliards d’euros,
montant entrant dans l’épure négociée au
départ. Mais ce n’est probablement que partie remise, car le
trou financier des banques reste insondable.
Il
reste encore à négocier un autre taux, celui de
l’impôt sur les sociétés, assimilé à
un dumping fiscal par les Français (qui affichent un taux
supérieur sur le papier, dans la pratique en réalité
inférieur), qui exigent avec les Allemands qu’il soit
relevé, ce que les Irlandais refusent, considérant que
c’est leur planche de salut.
Une
réunion informelle de deux jours des ministres des finances, du 7 au 9
avril, sur les bords du Danube à Budapest, sera l’occasion
rêvée pour tenter de démêler cet écheveau de
la finance de haute volée.
Dans
le rigoureux respect de ses nobles principes, cela va de soi.
Billet
rédigé par François Leclerc
Paul Jorion
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