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Publié le 06 décembre 2010
958 mots - Temps de lecture : 2 - 3 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

La BCE joue à l’équilibriste.


S’efforçant d’établir un cordon sanitaire devant le Portugal, elle cherche à préserver l’Espagne dont le tour d’entrer par la suite dans la zone des tempêtes était annoncé. Cultivant le mystère pour mieux montrer sa force, elle est intervenue sur un marché déserté où elle a triomphé sans gloire en achetant par paquets de 100 millions d’euros des obligations portugaises et irlandaises, afin d’en faire baisser le taux et de stabiliser la zone euro. Après avoir commencé ces achats durant la conférence de presse de Jean-Claude Trichet, elle a poursuivi au même rythme jamais atteint ce vendredi.


Mais elle s’est refusée pour autant à dévoiler ses intentions pour l’avenir, laissant planer l’incertitude et n’engageant pas – comme attendu par les marchés – une intervention massive du type de la Fed. Comme à l’accoutumée, rendez-vous est pris lundi matin pour plus de clarté sur le terrain.


En procédant ainsi, la BCE stoppe l’emballement de la crise, mais elle ne la résout pas. Elle renvoie la balle aux gouvernements. Deux options principales sont à leur disposition : soit accroître l’enveloppe de garanties mise à la disposition du fonds de stabilité (EFSF), soit s’engager sur la voie de l’émission d’euro-obligations, afin de commencer à concrétiser ce que Jean-Claude Trichet a appelé aujourd’hui à Paris, avant de rencontrer Nicolas Sarkozy, une « quasi union fiscale ».


Le surplace n’étant plus envisageable, la nécessité de redresser un dérapage conduisant à l’éclatement de la zone euro anime en coulisse les débats. Dénoncés pour avoir agité le chiffon rouge du défaut d’un Etat, suspectés d’avoir l’intention de faire bande à part une fois la zone euro démantelée, les Allemands réagissent en se disculpant et en proclamant que l’euro a pour eux un intérêt vital. Tant à l’intention de leur opinion publique que de leurs partenaires européens. Il est vrai qu’ils sont les seuls à proposer une politique.


En annonçant ce vendredi matin mettre également sous surveillance les banques portugaises, après l’avoir déjà fait pour l’Etat, l’agence S&P vient de faire sans tarder une piqûre de rappel. D’une manière ou d’une autre, il va falloir y aller… Les ministres des finances européens vont se réunir une nouvelle fois en début de semaine, mais ils devront en priorité boucler le plan de sauvetage irlandais, dont l’entrée en vigueur est toujours soumise au vote par le parlement irlandais du budget d’austérité de l’Etat, en janvier prochain. De quoi en soi alimenter d’ici-là la nervosité des marchés.


La BCE a comme on sait d’autres intentions. Elle maintient sans désemparer sa stratégie de réduction prioritaire des déficits publics et son refus que soit envisagé le défaut d’Etats n’y parvenant pas. Alors qu’au contraire le gouvernement allemand persiste et signe, expliquant qu’il serait nécessaire que des restructurations de dettes puissent intervenir en amont, dans l’intérêt même des créanciers ajoutent-ils.


Le débat sur le meilleur mécanisme permettant de refinancer la dette en l’étalant – en contractant d’autres dettes – est déjà l’occasion de nombreuses passes d’armes, qui ne sont pas terminées ; mais celui sur qui doit payer ne fait que débuter. Jean-Claude Juncker, le chef de file de l’eurogroup, croyant avoir trouvé une échappatoire en faisant campagne pour l’émission d’euro-obligations, estimant que les Chinois pourraient y souscrire. L’Europe prendrait en quelque sorte le relais des Etats-Unis afin de faire financer sa dette.


Jamie Dimon, le Pdg de JP Morgan, annonçait ce vendredi matin la couleur de son côté, en expliquant dans le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore que « si un Etat européen devenait insolvable ou s’il y avait un défaut sur sa dette publique, alors l’Europe se retrouverait à devoir sauver les banques détenant des titres de cet Etat ».


Résumons la brillante situation actuelle : la BCE ne monétise pas la dette ; sa mutualisation pose problème aux mieux lotis qui ne veulent pas payer ; même sous le parapluie d’un plan de sauvetage, les Etats les plus atteints donnent toutes les apparences de ne pas pouvoir assumer la leur et risquent de faire défaut ; les banques ne peuvent pas prendre leur part du fardeau et devront sinon être aidées par les Etats… Toutes les issues sont bel et bien bouchées.


Suivre la ligne de plus grande pente, c’est à dire de la facilité, est une grande tentation dans ces cas-là. Elle consisterait à accroître les plans de rigueur, avec en arrière plan le filet de sécurité de la BCE et la possibilité d’augmenter les moyens de l’EFSF. C’est ce que font les Espagnols actuellement. Elle implique de tenir, comme disent les politiques quand ils sont le dos au mur. Jusqu’à quand pourront-ils tenir comme cela ?


Autre problème et non des moindres: s’il est décidé, le renforcement de l’EFSF aura comme conséquence perverse d’augmenter l’aléa moral sur le marché obligataire, puisque les Etats attaqués auront la garantie implicite d’être sauvés, leur refinancement permettant d’honorer leurs créanciers. C’est tout le contraire que la menace d’une restructuration de dette.


La dynamique de la crise risquera de ne pas être interrompue ainsi…



Billet rédigé par François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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