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« En essayant de faire plus pour les pauvres, nous avons réussi à
faire plus de pauvres. En essayant de faire tomber les barrières qui interdisaient
aux pauvres d'échapper à leur sort, nous leur avons par mégarde dressé un
piège ». C. Murray, Losing Ground, 1984
Charles Murray est un politologue américain, né en 1943, qui a joué un rôle décisif dans le
débat intellectuel contemporain en matière de politique sociale.
Il est né et a
grandi à Newton, Iowa. Il a obtenu un baccalauréat en histoire de
l'Université Harvard et un doctorat en sciences politiques du Massachusetts
Institute of Technology. Entre 1974 et 1981, Murray travaille à l’American
Institutes for Research (AIR), l'un des plus importants organismes privés de
recherches en sciences sociales, pour finalement devenir expert scientifique
en chef. Pendant son séjour à AIR, Murray a supervisé des études empiriques
dans le domaine de l’urbanisme, des services sociaux, des garderies, de
l'adolescence, des services pour les personnes âgées, et de la justice
pénale.
Losing
Ground : les dérives de la politique sociale
Entre 1981 et
1990, il est boursier à l'Institut Manhattan, où il écrit en 1984 Losing
Ground, American Social Policy 1950-1980, un livre qui fait l’analyse
critique de l’État-providence américain. Charles Murray y expose une série de
faits accablants concernant les effets pervers de trente ans d'intervention
du gouvernement fédéral dans la société civile. Le livre montre que les plus
grands progrès en matière d'éducation et d'emploi ont été réalisés dans les
familles noires de 1950 à 1965, quand les programmes sociaux n’existaient pas
encore. Au contraire, lorsque les programmes
de « Welfare » ont été mis en place, ils ont augmenté les
incitations à l'irresponsabilité chez leurs bénéficiaires présumés.
Historiquement, ces programmes ont été conçus pour les pauvres, en
particulier les Noirs et autres minorités. Et durant les années 1960 et 1970,
lorsque les programmes gouvernementaux pour ces groupes sociaux ont été
appliqués, les symptômes de l'attitude irresponsable de ces mêmes groupes
sont apparus. Le taux des naissances hors mariage est passé de moins
de 25% à plus de 50%, le taux des familles biparentales a diminué de 78% à
60%, l'homicide a presque doublé, le viol et le vol ont augmenté dans les
communautés noires.
Selon Murray,
l'État-providence, construit aux États-Unis dans les années 1960, a créé un
système d’allocations qui incite les personnes à rester à la maison, au lieu
de travailler pour améliorer leur propre sort. La pauvreté durable est
souvent le fait des interventions sociales qui dissuadent ou empêchent les
gens d'avoir un travail. Par exemple, en fournissant une allocation à toutes
les mères célibataires, un nombre important de naissances hors-mariage ont
été encouragées. En effet, trois possibilités s’offraient à une femme aux
revenus modestes pour éviter la pauvreté : se former pour obtenir un travail
mieux rémunéré, trouver un bon mari, ou se contenter de faire un enfant pour
bénéficier de l’aide sociale. De même, en diminuant les punitions pour les
criminels (considérés comme des victimes de la société), on les a incités à
développer leurs activités criminelles. Ce livre a fortement influencé l’évolution de la politique sociale américaine
dans les années quatre-vingt et quatre-vingt dix, jusqu’au Welfare Reform Act
de Bill Clinton en 1996.
En 2006,
Murray revient dans le débat avec In Our Hands. A Plan to Replace the
Welfare State.
Pour lutter contre
l’État-providence, il propose un « plan » pour remplacer les
multiples programmes de protection sociale qui sont nés depuis Roosevelt. Il
constate que la redistribution est inefficace, qu’il y a toujours autant de
pauvres et que l’endettement public est insupportable. Selon lui, il faudrait
donner l’argent des impôts directement aux citoyens par le biais d’une
allocation quasi-universelle. Au lieu de transiter par des bureaucraties
dispendieuses, le montant total des impôts serait divisé par le nombre
d’adultes et versé à chaque Américain sous forme d’une prestation monétaire
de 10 000 dollars, dont la moitié serait pré-affectée à des assurances
retraite et santé. Ce système coûterait moins cher et serait plus efficace
selon Murray.
Pour une
politique libertarienne
En 1997, il
publie une défense passionnée du libertarianisme, qu'il voit à la racine du «
projet américain » tel qu’il fut envisagé par les fondateurs de la république
(What it means to be a libertarian: A
Personal Interpretation).
Les deux piliers de la république créée par les fondateurs de l'Amérique
étaient des limites strictes au pouvoir du gouvernement central et des
protections strictes des droits individuels. Aujourd’hui, la plupart des
Américains ont fini par accepter à contrecœur un gouvernement tentaculaire,
coûteux, et intrusif, comme une part inévitable de la vie moderne. Mais selon
Murray, le rôle du gouvernement est d’empêcher les gens d’utiliser la force,
en leur laissant par ailleurs la liberté, selon les mots de Thomas Jefferson,
« de réglementer leurs activités propres et d’améliorer leur
industrie. »
Dans ce livre
très personnel, Charles Murray dresse un portrait saisissant de ce que
devrait être une société véritablement libre. Il explique pourquoi le
gouvernement limité conduirait à l'épanouissement individuel, à des
communautés plus fortes et une culture plus riche. Il montre aussi pourquoi
une telle société aurait moins de personnes pauvres et prendrait beaucoup
mieux en charge les moins fortunés que ne le fait la société moderne.
Murray
présente d’abord ce qu'il considère comme un grand écart socio-économique
inquiétant entre les Américains qui figurent parmi les 20 pour cent les plus
riches et ceux qui font partie des 30 pour cent les plus pauvres. Les deux
groupes se distinguent par des différences dans le revenu, l'éducation et les
valeurs. Le sommet des 20 pour cent porte un respect typiquement américain
aux valeurs du travail, de l'honnêteté, du mariage et de la foi religieuse,
tandis que les 30 pour cent au bas de l’échelle ne le font pas. Il poursuit
en affirmant que la diminution du travail, de l'honnêteté, de la religion et
du mariage dans la partie inférieure de 30 pour cent, a entraîné une sérieuse
perte de « capital social » défini comme « bon voisinage et engagement
civique ». Citant un grand nombre de données supplémentaires, Murray affirme
que « les personnes vivant avec un faible capital social, mènent en général
une vie moins satisfaisante que les personnes dont le capital social est
élevé ». Par conséquent, les gens situés dans la partie inférieure de 30 pour
cent sont nettement moins heureux que ceux qui sont dans les 20 pour cent les
plus riches.
Sa thèse est
que le bonheur exige la responsabilité. Par conséquent, la participation du
gouvernement dans nos vies ne doit pas porter atteinte à la responsabilité
personnelle. « Les éléments du bonheur, comme le respect de soi, l'intimité
et l’accomplissement de soi, exigent la liberté d'agir dans tous les domaines
de la vie, en assumant les conséquences de ses actes (...) Sachant que cette
responsabilité pour les conséquences de nos actions est ce qui rend
essentiellement la vie digne d'être vécue ». Murray appelle cela
« le principe de la responsabilité ».
Sur la base de
ce principe, l’auteur défend sa propre version du libertarianisme : sauf pour
« empêcher la famine ou la mort », un gouvernement ne devrait pas
intervenir dans la vie des citoyens, y compris dans celle de la partie
inférieure de 30 pour cent. Son argument est que toute intervention du
gouvernement pour améliorer leur sort diminue la responsabilité des personnes
aidées et diminue ainsi leur bonheur.
En plus de ses
livres et articles académiques, Murray a beaucoup publié dans The New
Republic, Commentary, The Public Interest, the New York Times, the Wall
Street Journal, National Review, et le Washington Post. Il a fréquemment
témoigné devant les comités du Congrès et du Sénat et fut consultant auprès
de hauts fonctionnaires des États-Unis, de la Grande-Bretagne, d’Europe de
l'Est, et de l'OCDE. Murray a fait l'objet d'articles de couvertures pour Newsweek
, The New York Times Magazine, le Los Angeles Times Magazine.
Murray a été nommé par le National Journal comme l'un des 150
« People Who Made a Difference » dans les décisions de politique
intérieure.
Aujourd’hui,
Charles Murray est chercheur à l'American Enterprise Institute. Il vit avec
sa femme et ses enfants près de Washington, DC.
À
lire
Charles
Murray, Losing Ground: American Social Policy, 1950-1980, Basic Books,
1984
Charles
Murray, In Pursuit: Of Happiness and Good Government, Simon &
Schuster, 1989
Charles
Murray, Richard Herrnstein, The Bell Curve, Free Press, 1994
Charles
Murray, What it Means to be a Libertarian, Broadway Books, 1997
Charles
Murray, Human Accomplishment: The Pursuit of Excellence in the Arts and
Sciences, 800 B.C. to 1950, HarperCollins, 2003
Charles
Murray, Real Education: Four Simple Truths for Bringing American Schools
Back to Reality, Crown Forum, 2008
Charles
Murray, Coming Apart: The State of White America, 1960–2010, Crown
Forum, 2012
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