Les
robot-conseillers sont une nouvelle catégorie de conseillers financiers qui
gèrent l’argent de leurs clients en fonction de caractéristiques
prédéterminées. Les clients répondent à un questionnaire, et en fonction de
leurs réponses, des portefeuilles sont automatiquement créés. Les
robot-conseillers ont commencé à faire parler d’eux dès 2008. En 2017, les
actifs gérés par les robot-conseillers représentent environ 600 milliards de
dollars. Ils sont employés par les vétérans de l’industrie comme Vanguard,
ainsi que par des start-ups telles que Wealthfront. Ce nouveau modèle
d’investissement dit permettre une allocation de capital plus sophistiquée à
des tarifs moins élevés que ceux des gestionnaires de fonds traditionnels.
Cette
nouvelle industrie a dédié des centaines de millions de dollars à la
commercialisation des robot-conseillers, et malgré leurs efforts, nous ne
savons toujours pas s’ils sont quoi que ce soit de plus qu’une mode
passagère. Voici cinq différentes raisons pour lesquelles les
robot-conseillers pourraient ne pas être adaptés à vos besoins :
1. La
gestion financière dépend d’individus, et pas d’algorithmes
Toutes
les entreprises de gestion de capital utilisent les mêmes règles de
marketing. Elles veulent vous faire croire que l’investissement est une
science complexe. Elles veulent vous faire croire que les marchés financiers
sont trop complexes, et qu’un simple individu ne devrait jamais entrer en
compétition contre des fonds de couverture, des gestionnaires de fonds et des
propriétaires d’algorithmes.
Rien ne
pourrait être plus dénué de vérité. L’investissement requiert seulement deux
choses : une bonne dose de patience, et une certaine capacité à prendre
des décisions. La patience est importante, parce qu’elle permet d’investir
sur les opportunités les plus intéressantes. Il n’est pas toujours nécessaire
d’être investi sur le marché.
Une
société de gestion d’investissements avec laquelle j’ai travaillé par le
passé envoyait souvent un document infographique à ses clients, qui
représentait les différences entre les rendements offerts par une stratégie
d’achat et de conservation en comparaison à une stratégie d’investissement
qui passerait à côté des vingt meilleurs jours de négoce sur une période de
vingt ans. La stratégie d’achat et de préservation rapporte en moyenne 9,2%
annuellement, alors qu’une stratégie qui passe à côté des vingt meilleurs
jours de négoce sur la période rapporte en moyenne 3% par an.
En
observant le document de plus près, il était possible de voir un petit
astérisque au-dessus des 3% annuels rapportés par la deuxième stratégie. La
note correspondante expliquait que si vous aviez échappé aux vingt journées
de négoce les plus mauvaises de la période, vos rendements seraient passés à
17,2% annuellement. Il est donc évident que la patience ait du bon, et qu’il
vaut toujours mieux d’avoir du capital disponible en prévision de bonnes
opportunités d’investissement.
Je
n’essaie pas de vous encourager à anticiper les marchés. Le négoce au
jour-le-jour et l’anticipation des marchés sont des stratégies perdantes.
Investir a beaucoup plus à voir avec la patience et les opportunités à forte
probabilité.
Warren
Buffet nous a souvent dit qu’un investisseur « devrait toujours agir
comme s’il n’avait au cours de sa vie d’investisseur qu’une vingtaine de
décisions à prendre ». L’oracle de l’Omaha sait que la patience et
l’investissement sélectif sont la clé de la richesse. Déléguer cette responsabilité
à des robot-conseillers ne permet pas aux individus d’exploiter ces
principes. Voici une
étude d'Harvard qui prouve que les individus peuvent battre le
marché.
2. Les
robot-conseillers n’offrent aucune protection contre les émotions humaines
En
janvier 2016, Wealthfront a publié un article sur la Biologie d’un bon
investissement. Cet article intéressant discute des chausse-trappes typiques
de la psychologie humaine. Il se penche sur diverses découvertes avant d’en
conclure que les gens feraient mieux d’investir au travers d’un service de
robot-conseil. L’un des thèmes les plus répandus au sein de ce secteur est
l’idée que les performances d’investissement des robot-conseillers sont
supérieures parce qu’elles laissent de côté les émotions humaines.
Malheureusement
pour les robot-conseillers, leurs services n’apportent rien qui permette de
calmer les émotions humaines. Un investisseur auprès de Wealthfront ou
Betterment peut retirer ses fonds à tout moment. Il n’y a aucune restriction
concernant la vente d’actifs contre des espèces et le retrait de fonds depuis
un compte ouvert auprès d’un robot-conseiller. Lorsque les marchés sont en déclin,
il n’y a que peu de chances que les propriétaires des comptes gérés par les
robot-conseillers réagissent avec moins d’émotions que les autres
investisseurs.
A dire
vrai, il vaut peut-être mieux disposer d’un conseiller humain avec qui
discuter des meilleures décisions d’investissement. Ceux qui délèguent leurs
décisions d’investissement à un ordinateur ne sont pas préparés à faire face
à une période de forte volatilité. Le manque d’information que génèrent les
services de robot-conseil peut également contribuer à des réactions trop
émotionnelles de la part des investisseurs lorsque les marchés présentent des
signes de déclin.
3. Les
robot-conseillers reposent sur une théorie de portefeuille d’investissement
fondamentalement erronée
Les
robot-conseillers utilisent la théorie moderne du portefeuille
d’investissement comme base pour leurs algorithmes. Cette théorie a été
développée par Markowitz, et vise à maximiser les rendements d’un
portefeuille au travers du risque représenté par les actifs qu’il contient.
Cette théorie mesure le risque grâce à la volatilité du prix d’un actif. En
revanche, la volatilité ne représente pas un risque.
Le
risque représenté par un actif doit être évalué sur une base structurelle
plutôt qu’au travers d’une analyse de probabilités. Le risque représenté par
une société est lié à sa dette, aux produits qu’elle vend, au caractère moral
de sa direction et sa capacité à parvenir à ses objectifs financiers. La
théorie moderne du portefeuille d’investissement émet un certain nombre de
suppositions quant aux résultats gaussiens des marchés, dits à « courbe
en cloche ». La réalité, en revanche, veut que le marché ne génère pas
de résultats gaussiens. Beaucoup comprennent que les marchés offrent souvent
des résultats anormaux.
Cette
théorie utilise également le modèle de la frontière efficiente. Ce modèle
montre l’allocation d’actifs idéale à un instant T. Malheureusement, ce
modèle est tourné vers le passé – il vous indique aujourd’hui ce qu’était
l’allocation idéale en 2016. Il n’est pas en mesure de prédire l’avenir.
JP Morgan
Ce rapport
publié par JP Morgan discute en détails de l’anormalité des marchés. La
théorie moderne du portefeuille d’investissement manque de décrire les
évènements qui englobent l’ensemble du système tels que les crises de
liquidité ou les effondrements financiers. Comment est-il possible de baser
une stratégie d’investissement sur une théorie qui n’explique pas les
évènements les plus difficiles pour un investisseur ? Dans The Black Swan, le
célèbre négociant Nassim Taleb nous fait part de son opinion de la théorie
moderne du portefeuille d’investissement :
Après l’effondrement du
marché boursier de 1987, deux théoriciens ont été récompensés, Harry
Markowitz et William Sharpe, responsables de l’établissement de modèles
platoniques sur une base gaussienne, qui ont contribué à ce qui est
aujourd’hui appelé la théorie moderne du portefeuille d’investissement. Mais
en laissant de côté leurs suppositions gaussiennes et en observant les prix
comme évolutifs, il ne reste plus rien de leur théorie. Le Comité Nobel
aurait pu tester les modèles de Sharpe et Markowitz – qui fonctionnent aussi
bien que les remèdes de charlatan vendus aujourd’hui sur internet – mais
personne ne semble y avoir pensé.
4.
Le robot-conseil n’est pas un modèle d’entreprise viable
Peut-être
la critique la plus importante qui puisse être faite de l’industrie des
robot-conseillers est-elle que cette dernière ne peut pas être viable.
Certaines firmes de gestion d’investissements ont intégré avec succès
l’industrie du robot-conseil. Malheureusement, un grand nombre de start-ups
qui offrent les mêmes services reçoivent aussi un gros pourcentage de
l’attention des médias. Les investissements peu chers sont une bonne chose,
mais lorsque les clients ne paient que 0,25% de frais, peuven-ils vraiment
s’attendre à un service de qualité ?
Wealthfront
gère aujourd’hui plus de 4,65 milliards de dollars. Avec des frais
équivalents à 0,25% des actifs, cela signifie que Wealthfront touche environ
11,6 millions de dollars de frais de conseils. L’industrie de la gestion de
capital est traditionnellement un secteur très lucratif pour les
professionnels de l’investissement et de la technologie. Si un employé de
Goldman Sachs touche en moyenne 300.000 dollars par an, alors Wealthfront est
en mesure d’employer environ 39 professionnels.
Si je
disposais de fonds auprès de Wealthfront ou de n’importe quelle autre société
qui emploie des robot-conseillers, je serais très inquiet. 39 professionnels
ne me semblent pas suffisants pour l’écriture d’un algorithme et la création
d’une technologie complexes destinés à l’investissement du capital durement
gagné de leurs clients. Que se passe-t-il une fois que la croissance
ralentit ?
5. Les
robot-conseillers sont peu chers… mais les ETF coûtent moins encore
Les ETF
demeurent l’alternative la moins chère pour les investisseurs individuels. Voyons
les recommandations faites par Buffet quant aux actifs de sa femme. Dans sa
lettre de 2013 à ses investisseurs, il écrit ceci :
« Mon
conseil ne pourrait pas être plus simple : déposez 10% de votre capital
sur des obligations gouvernementales de court terme, et 90% sur un fonds
indiciel à prix très faible du S&P 500 (je suggère Vanguard). Selon moi,
les résultats de long terme d’une telle allocation sont supérieurs à ceux
enregistrés par une majorité des investisseurs – qu’il s’agisse des fonds de
pension, des institutions ou des individus – qui emploient des gestionnaires
très coûteux. »
Pour
vous exposer aux actions, vous avez la possibilité de choisir le S&P 500
ETF VOO de Vanguard, avec un ratio de dépenses de 0,05%. C’est là un coût
raisonnable pour obtenir une diversification instantanée et une exposition au
S&P 500. Pour ce qui est des obligations, un investisseur peut choisir de
se tourner vers les ETF BSV offerts par Vanguard sur les obligations de court
terme, avec un ratio de dépenses de 0,09%.
En
utilisant la formule de Buffet, cela nous donne un ratio de dépenses
combinées de 0,063%, ce qui est bien inférieur aux alternatives offertes par
les robot-conseillers.
Conclusion
Les
bénéfices des robot-conseillers semblent, à mes yeux, assez douteux. Les
conseils reçus par leurs clients sont basés sur des théories financières
erronées, et les start-ups qui les utilisent sont souvent d’une viabilité
questionnable. Les investisseurs feraient mieux de s’éduquer quant à
l’investissement et de prendre eux-mêmes en main la gestion de leur capital.
Investir sur les ETF les moins chers est un bien meilleur choix que déléguer
votre avenir à des algorithmes infondés.
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